Avec « Mon coeur vient du désert d'Atacama »,
Juliette Bouchet, dont j'ai lu tous ses livres, signe un remarquable roman. Et j'ai perso beaucoup aimé.
Un roman audacieux de science-fiction, construit intelligemment et écrit d'une grande maitrise.
Même si le style de l'auteure s'est appesanti avec cette histoire post-apocalyptique, son écriture est toujours aussi cash et les réparties et les dialogues restent aussi incisifs et percutants. Ils font à la fois sourire et réfléchir sur la condition de l'homme.
Il m'a semblé, à mon grand plaisir, que
Juliette Bouchet a travaillé plus en profondeur son histoire et s'est documentée pour la rendre plus crédible sur la technologie de pointe et dans la psychologie des personnages.
Et c'est très réussi.
L'histoire de passe dans les ruines d'un après monde, où un évènement terrible a contraint une poignée d'humains et leurs robots humanoïdes à vivre dans un bunker, au centre sous-terrain de Black
Berry.
L'auteure, en défenseur de la nature et de l'environnement, reprend son thème favori celui de l'écologie et du devenir de notre planète. Elle s'est faite accusatrice en nous interpellant sur la maltraitance que l'homme inflige à la nature sans prendre une réelle conscience, que c'est l'humanité entière et son avenir qu'il met en danger.
Dans ce bunker, survivent un chercheur et trois générations de femmes ; Ania la grand-mère qui n'a jamais su donner une once d'amour à sa fille Phaedra. Phaedra, mère elle-même de Bellone. Une mère qui a eu beaucoup de difficulté à aimer sa fille et qui est dans une constante rivalité avec sa propre mère.
Et dans ce huis clos, les conflits générationnels seront inévitables presque explosifs.
Juliette excelle avec le thème de la famille et de cet héritage transgénérationnel que chacun porte parfois comme un fardeau. Avec ces « répétitions » faites de génération en génération. Et il est nécessaire parfois de casser la chaine enfin d'arrêter ces malédictions. Ce mal d'être qui crée un désert balayé par des rancoeurs, de la souffrance et où les sentiments d'amour n'ont plus leur place.
Juliette Bouchet, autre que le comportement humain, s'est aussi attardée sur ces robots humanoïdes dernière génération, qui côtoient les humains et qui semblent d'une supériorité intellectuelle. Et qui pourraient même être dangereux pour les hommes, ceux-ci restant limités dans leur intelligence et fragilisés par leurs sentiments.
Des Artilects (artificial intellect) qui, équipés d'une technologie « deep learning », se comportent souvent comme des humains.
Le « deep learning » n'étant pas une invention de l'auteure, mais une vraie avancée technologique, c'est un type d'intelligence artificielle qui est en constant apprentissage. Il fut conçu par des scientifiques, il y a plusieurs dizaines d'années.
Déjà en 1943,
Alan Turing, le mathématicien de génie dont ses travaux avaient permis de déchiffrer les codes nazis, émettait la possibilité de créer une telle intelligence artificielle.
J'ai trouvé la fin du roman très originale.
Juliette Bouchet s'étant refusée à la récurrente victoire des machines, comme nous la trouvons dans beaucoup de romans. Elle termine son histoire sur une note très d'optimisme où les humains et les robots humanoïdes trouvent un accord, une alliance, une « connexion » pour créer un nouveau Messie hybride.
Cybèle, sera celle qui construira un meilleur et nouveau monde.
« Mon coeur vient du désert d'Atacama » est un roman intense, fascinant qui m'a tenu en haleine jusqu'au bout. C'est aussi un roman futuriste où les androïdes ont une âme et nous donnent une leçon d'humilité.