Pourquoi ai-je eu envie de lire ce texte ? Ayant manqué d'une figure paternelle petite, je suis avide de vivre cette relation si particulière par procuration. Epaulant, ces derniers temps, ma vieille maman qui perd de sa force et s'étiole, semaine après semaine, j'ai eu envie de découvrir comment d'autres percevaient ce changement de statut, ce passage de l'enfant à l'adulte aidant.
Parce que, quoi qu'on en pense, on reste un enfant tant que nos parents sont encore là ; leur fin constitue un nouveau passage à l'âge adulte. C'est aussi ce que nous explique
Nina Bouraoui dans ce roman : elle nous parle de son père, certes, mais elle nous parle surtout d'elle (et donc de nous), de cette peur qu'elle a de perdre une partie de son « toit », d'avoir à se reconstruire une maison sans LE patriarche qui a fait d'elle ce qu'elle est.
J'ai aimé les remontées, très désordonnées, dans les souvenirs d'enfance, qui donnaient une image éclatée de cet homme présenté davantage comme une idole que comme un papa-gâteau. J'ai moins aimé les retours sur certaines relations de la jeunesse de l'autrice, relations avec lesquelles elle a apprivoisé son homosexualité. Je conçois cette souffrance passée, ce besoin de rendre des comptes (on en vient encore à se dire que la disparition des parents fragilise, remet en question beaucoup de notre construction et de nos choix passés, oblige à un recul sur ce qu'on a vécu), mais je trouve que ce livre, bel hommage au père et, à la fois, au corps médical qui accompagne, n'était pas le lieu.
Mais c'est mon humble avis et je m'en veux de juger cela : on sent que
Nina Bouraoui a traversé une étape difficile de sa vie, que ce roman l'a aidée, qu'il lui a permis de dire ce qu'elle n'a pas forcément su dire au père. Forcément, la complexité des sentiments ressort et ne peut pas toujours être cadrée dans un tel moment. Comment le vivrais-je, moi ? M'en sortirais-je aussi bien?