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Quand on achète ce bouquin, on ne sait pas trop si on a été attiré par le format (presque 1500 pages dans a collection « Point »), ou par nécessité professionnelle ou universitaire, ou par envie de découvrir un monde, un travail, voire notre société.

Et on se retrouve avec une masse d'informations, facile à lire, agréable qui présente des histoires de vie simples, quotidiennes, et souvent passionnantes.
Le travail réalisé par Pierre Bourdieu et son équipe d'enquêteurs, de sociologues, consiste à livrer un grand nombre d'interviews réalisées dans les cités dont on parle aux infos, ou dans des milieux plutôt défavorisés et toutes susceptibles de nous faire réfléchir, de nous conduire à voir différemment le monde qui nous entoure.

On y rencontre des gens qui vivent des situations souvent sans-issues.
Certains qui ont baissé les bras, d'autres qui se battent, ou qui n'ont pas conscience de leur situation.
Et puis, il y a aussi de nombreux acteurs sociaux, tour à tour enthousiastes, découragés, utopistes puis réalistes.
Cette étude réalisée au début des années 90 est finalement toujours très actuelle. Nous en avons pourtant entendu des discours magnifiques, et exploré des plans sur le sujet. Et on s'aperçoit qu'à part quelques emplâtres posés sur une jambe de bois, les choses n'ont pas vraiment évolué. Pour ne pas dire que rien n'a changé. Ce bouquin est donc encore très actuel.

Un seul défaut à cet ouvrage : Son côté un peu politiquement partisan, dû au choix des interviewés, au sujet lui-même, etc.
Mais comment faire autrement ? On peut toujours lire avec un peu de recul.

Pour finir avec une sorte de sourire, j'ai failli inscrire ce livre dans ma liste pour une île déserte, tant il est passionnant à lire, feuilleter, reprendre… Et j'ai fini par me dire que la sociologie des banlieues ou de la pauvreté sur une île déserte, ça n'avait pas beaucoup de sens.
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Si je ne devais garder qu'un seul livre de mes études de sociologie, ce serait celui-là, parce qu'il contient une mine d'informations sur l'exclusion et parce qu'il est facile à lire (ce qui n'est pas toujours le cas avec Bourdieu) et donc acessible à tous les publics pourvu qu'ils soient un peu curieux de la société dans laquelle ils vivent.
La « misère du monde » cesse ici d'être un concept abstrait : elle s'incarne dans des visages, des noms, des parcours de vie. C'est un des grands mérites de cette enquête : on y lit en filigrane des parcours de vie et des événements-pivots qui font basculer des vies (décès, séparation des couples, chômage, maladies graves, accidents du travail, échecs scolaires et professionnels à des moments où on ne peut plus se le permettre). On y ressent surtout la complexité de l'être humain, les contradictions qui le traversent (quand les idéaux politiques anti-racistes se heurtent par exemple aux difficultés de la cohabitation avec des populations ayant une culture très différentes) et la volonté de s'en sortir malgré tout, de ne pas baisser les bras, même quand le sort semble s'acharner. On comprend aussi que l'exclusion c'est souvent le résultat à un moment donné de la conjonction de plusieurs facteurs et qu'une personne exclue doit être prise en compte dans toutes ses dimensions (situation familiale, santé - les jeunes aidés par le JAP quand il était éducateur de rue sont tous porteurs du HIV - etc.).
Comme en contre-point aux témoignages des exclus, des interviews ont été réalisé avec ceux qui sont a priori du bon côté de la barrière, comme des travailleurs sociaux ou un juge d'application des peines : on voit les difficultés de ceux qui ont pour mission d'aider les plus démunis tout en incarnant l'ordre social. Il y a notamment un très beau portrait d'une jeune femme inspecteur de police, que sa famille aurait préféré voir en infirmière ou assistante sociale, très idéaliste et investie dans son métier et qui compatit souvent plus avec l'ancien taulard paumé ou la fille qui est à deux doigts de se prostituer qu'avec les commissaires qu'elle juge corrompus ou englués dans leurs vieilles habitudes et peu concernés par ce qui se passe dans leur commissariat.
En le relisant aujourd'hui, je me rends compte que ce livre est un des chef d'oeuvre de la sociologie française par ce qu'il apporte comme connaissance sur la société et sur ceux auxquels on ne s'intéresse pas en général et sur l'attitude scientifique et déontologique du chercheur en sciences sociales. On peut aussi faire le constat que les problèmes n'ont pas été résolus (on y parlait déjà de « malaise judiciaire » et on pouvait y deviner les émeutes de 2006) et que ce sentiment de fatalité et ce poids de l'échec d'autant plus lourd qu'on s'en attribue la responsabilité est encore présent et peut-être même qu'il s'est diffusé dans les strates de la société jadis épargnées, comme les fonctionnaires. Ce qui a peut-être changé par rapport au début des années 90 où Bourdieu a enquêté c'est qu'il y a de moins en moins de place pour l'utopie alors que beaucoup de gens interviewés dans le livre étaient des militants communistes ou d'anciens maoïstes.
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Toute la misère du monde. Dans les interstices, dans les failles, dans notre corps et nos coeurs, la misère , toutes les misères, s'immiscent pour former un gros amas compact et massif dont se régale le néo capitalisme.
Nous sommes né par hasard dans un monde qui se fout de nous.
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Bible pour tout étudiant en sociologie, ce livre monumental est destiné à ceux qui s'intéressent à la parole brute de leurs concitoyens. Un livre "tour de Babel".

Bourdieu fait son métier, aidé ici par une troupe de jeunes sociologues. Ils interviewent compilent et transcrivent des kilomètres de verbatim.

Le résultat est un chef d'oeuvre: des gens de toutes conditions racontent leur traversée de la vie, leur travail, les usines, l'immigration, la vie en banlieue, leur métier, leur quotidien, les failles, les fuites etc etc etc.... Un patchwork émouvant de témoignages et d'entretiens semi-dirigés. du grand Bourdieu sociologue, bien que je ne sois pas fan de l'homme au caractère irascible et autoritaire.

La misère du monde est une lecture dont on ne ressort pas indemne.
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Cet ouvrage est important à plus d'un titre . En premier lieu , point de démagogie àla Pernaut ici , c'est le réalisme du monde que Bourdieu fait ressortir . Sa volonté de donnez la parole aux gens directement , sans passer par un quelconque montage s'avére trés pertinente . Il était temps qu'ils soient au coeur du débat et en cela déja Bourdieu à gagner son pari . En second lieu , il faut voir le volume colossal d'enquéte qu'il à produit pour aboutir a cet ouvrage . Il y a un travail de véritable expert ici ,pas un truc baclé a la Pernaut . Tout cela conjugué à la profondeur de la réflexion présente ici , fait de cet ouvrage n inestimable "outil " pour comprendre de maniére plus précise le monde et ces difficultés .
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Ce gros ouvrage paru en 1993 est passionnant et, je pense, unique dans le domaine de la sociologie. C'est le résultat d'une grande enquête au sein des classes populaires, menée sous la direction de Pierre Bourdieu. C'est avant tout un recueil d'interviews de personnes engluées dans de multiples difficultés, matérielles, professionnelles, financières et/ou personnelles. Elles nous livrent quelques clés de leur vie, souvent médiocre, parfois misérable. Avec leurs mots bien à elles, elles nous donnent leur point de vue sur notre société. Pour n'importe quel lecteur ayant trouvé toute sa place dans la "ruche sociale", c'est une plongée dans un milieu méconnu et presque effrayant. Chacun des interviewés, personnellement, suscite notre intérêt, notre esprit de solidarité et notre compassion. Mais il y en a tant qui sont dans la m… et qui y resteront jusqu'à la fin de leur pauvre vie ! On se sent vite attristé, éprouvé, voire écoeuré. Il faut souligner que cette "misère" ne procède pas uniquement des inégalités socio-économiques, mais ces facteurs pèsent souvent très lourd sur les individus. A moins d'avoir une vision plus large et d'être engagé politiquement, le lecteur achève ce livre avec un sentiment d'impuissance qui parait difficile à supporter. Pour ma part, je me suis senti obligé de le lire seulement par petits morceaux, pour éviter la saturation.
Bien entendu, les conditions de vie des classes défavorisées ne se sont pas arrangées en vingt ans, et même ça s'est probablement aggravé…
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LE classique de Sociologie des ces 30 dernières années. Et un des plus grands Classiques de l'Histoire de la Sociologie. Rien à ajouter, le lire permet d'en sortir grandi.
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"La Misère du monde" de Pierre Bourdieu dresse l'anatomie clinique du cadre sociologique enfermant dans laquelle nous autres humains étions contraints d'évoluer à la fin du 20ème siècle. Et les choses n'ont guère changé depuis… sinon en pire. Certains, très rares, parviennent à s'affranchir au cadre hiérarchique imposé par les dominants du moment. Beaucoup y demeurent englués. On ne peut lui échapper qu'en le connaissant et en le combattant.

À plusieurs reprises dans l'Histoire, ce cadre fut ébranlé. Lors de la Révolution française, lors du Front populaire de 1936, avec le Conseil national de la Résistance en 1944/45, lors des évènements de Mai 68 dont l'influence se fit sentir jusqu'à la fin des années 90. Mais toujours le cadre oppressant revient à l'assaut.

Lorsque je sentis que ce cadre remontait en puissance au début de ce 21ème siècle, c'est fort des connaissances acquises grâce à Pierre Bourdieu que je pus en mesurer les failles et en éviter les écueils.
Lien : https://www.yeti-editions.fr/
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Recueil d'entretiens menés auprès de personnes très diverses, de l'ouvrier Peugeot à la prof de français en passant par l'actrice ou le cadre au chômage, la misère du monde réussi le pari de nous intéresser à toutes ses vies et leurs souffrances sans tomber dans la simplification manichéenne. Une sorte de kaléidoscope sensible des années 90, qui fait sérieusement réfléchir et constitue en même temps un livre à la lecture passionnante et très agréable.
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La pauvreté c'est manquer du superflu, la misère manquer du nécessaire.
Au début des années 90, le très célèbre Pierre Bourdieu a effectué un travail de sociologie appliquée à la rencontre de tous ceux qui souffrent de la misère. Pas au bout du monde, mais ici, en France, dans la quatrième puissance économique du monde (à l'époque).
L'étude porte bien au-delà des niches bien connues du mal être (clochardisation, banlieues poubelles, travailleurs précaires) : des commerçants, des professeurs, un directeur de collège, bref des personnes insérées socialement dans des postes à responsabilité y parlent de leurs difficultés. On se rend compte très vite que la sécurité financière ne peut être un mètre étalon et que ce fameux seuil de pauvreté ne veut rien dire en lui-même. La misère peut s'afficher partout dans une société qui a perdu ses repères sans en avoir trouvé d'autres. Ce travail en profondeur, à la rencontre de ceux qui souffrent, peu importe leur position sociale finalement, date de 30 ans, à une époque où l'URSS venait juste d'exploser, où Mitterrand était reconduit pour un second mandat, où le monde du travail, durement touché par les crises économiques des années 70, du moins dans ce qu'elle avait de plus industriel, n'avait pas encore été contaminé par cette exigence de rentabilité exacerbée, où ce libéralisme destructeur n'était incarné que par les années Reagan dans une amérique qui tentait de redorer son blason des années 50, lourdement saboté par les coups de boutoirs sans pitié du Japon ou par une Angleterre Thatcherisée à l'extrême avec toutes les conséquences sociales qui s'en suivirent.
Il serait intéressant de retrouver les acteurs de cette étude 30 ans après. Quelle a été leur vie ? Ont-ils pu s'en sortir ? Et rencontrer de nouveaux candidats à cette précarisation de la vie à tous ses niveaux : travail, éducation, santé, place dans la société, reconnaissance…
Cette somme (quasiment 1500 pages) se parcourt comme un recueil de nouvelles. Articulée autour de thèmes primordiaux : travail, éducation, violence, santé, rapports humains, chaque interview peut être lue indépendamment. Chaque parole est précédée d'une brève introduction du sociologue qui a mené l'enquête. On a donc droit à une glose universitaire parfois indigeste (je retrouve « mon » Bourdieu : au secours, un traducteur, vite !), mais, paradoxalement, ce n'est pas cette prose intellectuelle qui pose problème. Il suffit de se concentrer un brin et puis, le témoignage des personnes qui souffrent va être une récréation, une respiration.
Grave erreur.
A part deux ou trois exceptions, notamment Antoine, videur de boite, heu pardon, physionomiste ou portier de discothèque, qui nous livre une vraie réflexion sur la violence, les propos retranscrits in extenso sont illisibles. Une vraie torture.
J'appartiens à un milieu modeste, ma famille est essentiellement constituée jusqu'à ma génération de petits paysans, d'ouvriers, d'employés, aucun n'a fait d'études supérieures. Pourtant pas un ne s'exprime avec autant d'hésitation, dans un français malmené de la sorte, des phrases interrompues, des répétitions, une syntaxe inexistante qui rend souvent le propos incompréhensible. Quand cela vient d'un adolescent qui n'a eu que peu de rapports avec l'école, d'un employé à qui l'on ne demande aucune réflexion, j'arrive à comprendre. Mais où ont-ils dénichés ces gens ?
Je comprends la volonté de rendre vivant une étude qui aurait été, sans ces témoignages, quasiment réservée à des étudiants en sociologie, sans grand intérêt pour le grand public. Mais était-ce trahir celui qui parle de gommer ces imperfections dues, peut-être, à une appréhension (présence d'un micro, devoir se raconteur devant « quelqu'un », difficulté d'organiser ses pensées – ont-ils été prévenus du projet ? leur a-t-on permis de réfléchir à ce qu'ils allaient dire ?).
J'en suis même venu à penser que tout cela était peut-être voulu, comme lors de reportages télévisés sur la banlieue, d'articles sur la précarité et ceux qui en souffrent. On force le trait. On interviewe ceux qui s'expriment le plus mal. On encore ces candidats aux jeux télévisés, apparemment plus bêtes que les questions posées. Montrer une France des démunis en laissant croire que c'est bien de leur faute. Mais je dois être de mauvaise foi.
Le dernier chapitre (comprendre) explique en partie ce résultat : la volonté d'interférer le moins possible avec le témoin. Soit.
Autre douleur, psychologique celle-là. 30 ans avant que les thèses de l'extrême droite n'aient pignon sur rue, on y sent cette xénophobie, ce racisme de concierge qui avait déjà permis à le Pen de siéger au parlement Européen. Et l'on sent bien toute la responsabilité des médias et l'effort pédagogique à fournir pour éradiquer ces réponses trop simples à des questions compliquées.
Quoi qu'il en soit et même si la langue parlée ici est rendue difficile par sa transposition directe par l'écrit, ce volume est d'une rare intensité. On y croise des hommes et des femmes d'une grande valeur : on ne les rencontre pourtant pas dans les couloirs des grandes entreprises ou les salons des ministères (ou si… mais juste pour vider les poubelles).
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