Il y a bien longtemps que j'ai lu du Bourguignon. En fait, je sais que je l'ai lu, mais ce que je retiens surtout de lui, c'est La vie, la vie... cette magnifique série télé que j'ai dévoré, qui m'a fait rire, pleurer, aimer... Je me souviens également, qu'à chaque lecture de ses bouquins, j'espérais retrouver de cet ensemble qui m'avait tant plu... Et je me souviens également, que chaque fois, ça y était pas ! Quand je suis tombé sur ce livre dans une vente de livres de la bibliothèque, je me suis dit que j'allais retenter... La sauce n'a pas pris cette fois non plus... C'est pas que j'ai détesté, mais il y avait tant de bonnes idées dans ce bouquin, qu'au final, j'ai l'impression de nous n'avons qu'effleuré les choses... Bourguignon aurait pu faire un livre pour chaque thématique dans ce livre : le rapport au corps, les amours adolescentes, la fin de l'innocence, les relations mères-filles conflictuelles, le rapport à la religion et à ses dogmes qui guident une vie, le suicide, la sédentarisation, l'isolement des grands centres et la non-accessibilité des services, et, et et... j'en passe... Vraiment, y'avait beaucoup de bonnes idées, mais je reste vraiment sur ma fin. C'est somme toute une bonne lecture, j'ai vraiment beaucoup les personnages de Laurie et de la lutte contre ses démons, et celui d'Alice, qui prend possession de son corps à mesure qu'elle perd des livres... elles m'ont touchées pour des raisons différentes. L'une par son don de soi et l'autre par la réappropriation de son être... Mais bon... trop, c'est comme pas assez au final.
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Ici, rien n’avait bougé. Sandman Glass & Gift, le Saddlesore Saloon, le Angus Cafe avec les restes orange et blancs de sa portion drive-in, le Phillips 66 à la jonction de trente et un, Fox’s Corner’d Inn, le bureau de poste et un peu plus loin l’église de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours. L’alignement restait le même, saupoudré ça et là d’une maison de bois, d’une roulotte, d’un ranch sur le retour et plus récemment d’une somptueuse maison de villégiature. On avait eu beau rajeunir certaines devantures à la saveur Old West, derrière les façades, rien n’avait bougé, les charpentes des maisons pas plus que celles des hommes. C’était d’ailleurs pour cette raison qu’on venait s’établir ici, justement pour fuir ce qui remuait trop ailleurs. C’est moi qui change, pensa Laurie.
Laurie Rivers, vingt-six ans, avait pris place de manière à veiller sur les plus jeunes qui jouaient entre les îlots de couvertures et de serviettes de plage. Kevin, sur la grève, en contrebas, lançait des roches dans la rivière. Quand le garçon croisa son regard, Laurie fit mine d’applaudir et le jeune homme leva les bras au ciel, victorieux.
— Kevin Perowski, mesdames et messieurs!
L’institutrice éclata de rire. Mark, son mari, interrompit sa lecture et leurs sourires se firent écho.
— Laurie! Venez!
Laurie se leva, ajusta son cut-off jean et sa blouse blanche puis elle entreprit de descendre jusqu’à la berge. Kevin prit sa main et en délia délicatement les doigts. Onze ans les séparaient, mais à l’extérieur de la classe, la jeune femme avait l’impression que cette différence s’estompait sensiblement.
— À vous, dit-il en plaçant un caillou au creux de sa paume.
La froideur et l’humidité de la pierre réveillèrent, chez l’institutrice, des sensations propres à l’adolescence; la grenouille qu’on imagine gluante et qui s’avère
Extrait de la publication
lisse et tiède au creux de la main, le rubber boa qu’on tient entre deux doigts et qui s’entortille gentiment autour du poignet, la viscosité de la truite tout juste sortie de l’eau. Laurie, la mémoire chatouillée, éclata spontanément de rire. Elle s’élança et son projectile par courut une distance plus que respectable avant de disparaître, avalé, dans l’onde bleu acier.
— Pas mal pour une fille.
Moins pour la boutade que pour l’œil rieur qui l’avait accompagnée, Laurie gratifia son élève d’un sourire.
Trois ans plus tôt, le 15 avril, un pêcheur venu du
Canada avait découvert le cadavre de Nelly McCann deux kilomètres en aval de Swan Valley. L’adolescente flottait sur le ventre entre deux eaux, son sac à dos, toujours en place, crevant la surface. Intrigué par l’étrange paquetage, le touriste, chaussé de ses cuissardes, s’était aventuré à sa rencontre. Un objet glissant à cet endroit pouvait signifier une embarcation renversée plus en amont. D’étranges tentacules blonds ondoyaient à l’une des extrémités de la masse. L’homme s’apprêtait à tendre la main quand il comprit qu’il s’agissait de cheveux humains. Frappé d’horreur, il se précipita vers la berge alors que le corps poursuivait lentement sa procession dans la Snake. Le responsable de l’enquête avait vite conclu à un suicide. Après tout, c’était la haute saison dans le Midwest.
Vidéo de Stéphane Bourguignon