Je gardais un souvenir plutôt bon de la lecture que j'avais faite de ce roman au moment de sa parution et emportée par mon intérêt persistant pour la période médiévale, j'ai voulu le relire car je pense sincèrement que le roman historique reste un moyen privilégié d'aborder une période de notre passé.
Jeanne Bourin décrit par le menu le quotidien d'une famille d'orfèvres parisiens et présente le portrait détaillé d'une époque . Qu'il s'agisse du milieu de la cour, de celui des artisans d'art, des étudiants, des établissements de soin, des foires commerciales ou encore des tavernes, le lecteur se familiarise avec un mode de vie qui n'est finalement pas si éloigné du nôtre que cela, avec un véritable rôle économique pour les femmes qui participent à la vie de la cité au même titre que les hommes.
Peut-on voir dans ces développements le fruit d'une documentation historique rigoureuse ? Oui si on en croit
Régine Pernoud qui a donné une préface au roman .
J'ai pour ma part trouvé que l'époque était présentée avec une certaine idéalisation qui m'a paru bien sujette à caution. Mais il en va de même pour les rapports humains qui sont au coeur de la trame narrative. Certes il y a des passages sombres, mais in fine les méchants sont punis et les bons récompensés ... Ne s'écarterait on pas de "la vraie vie" pour aborder le monde non pas tel qu'il est, mais tel que l'on voudrait qu'il soit ?
L'omniprésence du discours religieux tant dans les dialogues que dans les méditations des personnages m'a profondément agacée ( serais-je devenue encore plus anticléricale que je l'étais auparavant ? et à présent hostile à l'irruption de la religion dans la vie quotidienne ?) . Mais il est vrai que la société médiévale était structurée par le christianisme dans tous ses aspects et que le sentiment du péché et de la culpabilité devait tourmenter bien des gens ... Mais ces rappels incessants du fait religieux ....Ras le bol !
Que dire de l'intrigue si ce n'est qu'elle brille par sa minceur . Les histoires d'amour des filles Brunel n'ont rien de bien passionnant, pas plus d'ailleurs que les regrets de Mathilde ....Les personnages masculins paraissent bien "bruts de décoffrage" le gentil mari, le redoutable amant...Ils sont peu crédibles à mon sens.
Et aussi que de poncifs parsemés d'un vocabulaire censément adapté à la période concernée (les expressions "ma mie" foisonnent ad nauseam ...)
Le retour de la 7ème croisade du futur Saint Louis est présenté sous un jour bien triomphal alors que la ville de Damiette a été perdue, que le roi a dû payer une lourde rançon pour s'extraire de sa captivité et que de nombreux croisés qui l'avaient suivi ont été décimés par les combats féroces quand ce ne fut pas par la famine ou les fièvres. Pas de quoi pavoiser...
On croirait bien que l'auteur a voulu gommer tout ce qui fâche et n'est pas susceptible de plaire à un lectorat féminin, cible évidente si on en croit le titre.
Finalement cette lecture fut une déception. Il vaut mieux rester sur un souvenir meilleur et relire les romans de
Karen Maitland qui présente le Moyen Age d'une toute autre façon;