...la concentration nécessaire quand on conduit (même sur une courte distance et sur un trajet qu’on connaît par cœur) la distrait. On dirait qu’il survient toujours un problème sur la route, un accident, une diminution momentanée du nombre de voies en raison de la réfection de l’asphalte, des bas-côtés ou des travaux exécutés la nuit sur les autoroutes, et il arrive que ce soit la pagaille, la pagaille, tout simplement, les mauvaises manières, les conducteurs qui utilisent leur mobile au volant et ceux qui conduisent en regardant derrière. Les retards nuisent à son équilibre intérieur. Quand on voit des feux de stop devant, on ne sait jamais si on va être arrêté pendant cinq minutes ou une heure. Ou pour la vie. Le reste de votre vie.
Naturellement, la cabane sur laquelle elle avait jeté son dévolu n’était pas tombée du ciel, même s’il y avait un je-ne-sais-quoi de sacré dans le fait qu’elle fût apparue au moment où elle en avait le plus besoin. En réalité, elle était le fruit du travail d’hommes qui avaient eux aussi eu des besoins, des aspirations et des visées financières très précises...
Elle céda, brièvement, à la panique mais la réprima aussitôt. Elle n’avait pas peur, non, elle n’avait plus peur, la peur, c’était du passé. Elle ne ressentait que de la frustration. De la colère. Pourquoi avoir été épargnée si c’était pour finir là, mourir de faim, de soif, de froid ?
Elle contempla l’océan avec une sorte de haine inédite, elle abhorra sa monotonie, son indifférence, son froid à vous sucer la moëlle. Et puis, soudain, elle ressentit la soif. Elle avait encore soif. Plus soif encore qu’avant, dans l’eau, alors qu’elle avait déjà eu plus soif là-bas que jamais avant dans sa vie.