Agrippine, tome 7 : Allergies

ZUT j'ai encore mis ma citation dans la mauvaise case.
Je viens réparer une injustice car Bretécher n'apparait jamais dans les auteurs cités du site c'est insensé!
Notre grande Claire a pourtant le génie de mettre en scène des personnages qui nous renvoient un reflet de nous-mêmes à la fois hilarant et bizarrement ressemblant.
Bizarrement, car le reflet est celui d'un miroir grossissant (celui de ma salle de bains où je me trouve tellement moche) et déformant (celui-là exclusivement dans les fêtes foraines)
Agrippine est aussi agaçante qu'une Célimène, son vocabulaire n'est pas celui de Molière mais ses tirades sont riches et percutantes.
Ceux qui n'ont pas un ado à la maison ne peuvent pas vraiment sentir tout le sel des situations et des dialogues, qui abondent en néologismes fleuris.
Claire Bretécher a aussi un coup de crayon magnifique, les attitudes des personnages, les gestes, les décors, les costumes, la mise en scène, c'est beau comme de l'antique.
Je signale en passant un très beau livre d'elle "Portraits sentimentaux" que j'ai découvert par hasard et par bonheur et que je regarde souvent.

Tout le monde semble allergique à quelque chose : par exemple aux acariens pour les plus classiques. "Te rends-tu compte que ton lit à lui seul héberge deux millions d'acariens qui se régalent de tes squames cutanés ?"
Mais ici vous découvrirez dans cet album une foule d'allergies insolites, ainsi que les moyens d'y faire face, grâce à l'humour ravageur de Brétécher dans de nouvelles péripéties de son héroïne, Agrippine, et de ses camarades ados centrés sur leur nombril.
Challenge Bande dessinée 2023

je me régale d'avance d'imaginer la tête des archéologues dans trois mille ans quand ils tomberont sur cet album... Il est tellement ancré dans notre époque que les pauvres ne sont pas prêts d'y retrouver du sens. les allergies donc, la nouvelle mode, allergique à ceci, à cela, comment vivait on avant ? oui avant de savoir que les cacahuètes, le salsifis et les acariens peuvent provoquer la mort par asphyxie? c'est à hurler de rire, le trait est sûr, le langage est exact, les situations sont nettes. Agrippine sur son lit en calbutte en train de se faire les ongles, dans une chambre en bourrier, le sifflard sur le lit et la grand-mère qui déboule. c'est exact à la virgule prêt. un plaisir intense et sans honte. Il paraît qu'à L Académie Française ils ne savent pas qui élire, ils feraient mieux d'y faire entrer cette grande dame de Claire Bretecher plutôt que des cardinaux et des ex-ministres...

Histoires courtes d'une page pour croquer avec humour une grande ado préoccupée par son apparence, blasée, pas vraiment prête à faire des efforts, attentionnée envers son arrière-grand-mère, mais plutôt cynique envers sa grand-mère qui se ridiculise à ses yeux en parlant et en s'habillant comme si elle avait 20 ans. Les allergies pour Agrippine sont l'occasion d'attirer l'attention, de focaliser sur des détails. Une critique douce-amère d'un groupe social, les grands ados aisés, citadins et égo-centrés.