« Familles, je vous hais !» clamait
Gide.
La tribu d'Agrippine qui nous est donnée de suivre est presque exclusivement féminine. Zonzon, l'arrière-grand-mère d'Agrippine, est agée de 95 ans. La tatie Danielle de la bd, perverse et acariâtre, se plait à oublier les prénoms des membres de sa famille mais excelle en calcul mental. Mesquine et hypocrite, pensionnaire d'un EPAHD, elle tyrannise le personnel de l'institution, dégoisant avec ardeur sur sa fille et son arrière-petit-fils. Jamais contente, toujours un mot pour blesser, la réplique acerbe et la pique fulgurante, elle ne peut cacher une extase incommensurable à faire chier le monde. Elle s'acharne à confirmer l'adage : « la vieillesse est un naufrage ».
Les dilemmes et préoccupations futiles ou existentiels d'une adolescente gâtée mettent en lumière les travers d'une bourgeoisie parisienne coincée entre existentialisme et société de consommation.
Agrippine, adolescente au prénom sophistiqué et à la connotation bourgeoise, y est dépeinte sous les traits d'une fausse rebelle préoccupée par le paraître et la séduction. Une allure vestimentaire négligée s'oppose à ses besoins financiers conséquents.
Les adultes, sorte d'hippies soixante-huitards attardés, veulent garder une liberté de ton tout en menant une petite vie étriquée.
Une saillie vacharde et jubilatoire éclate dans chacune des planches dans un portrait acide du troisième âge que l'on conçoit traditionnellement comme gentil et bienveillant.
On sent le vécu dans chacune des scènes !
C'est drôle et corrosif, cela n'a pas pris une ride.