L'esprit se convainc peu à peu de la réalité suprême de ces images. Se bornant d'abord à les subir, il s'aperçoit bientôt qu'elles flattent sa raison, augmentent d'autant sa connaissance. Il prend conscience des étendues illimitées où se manifestent ses désirs, où le pour et le contre se réduisent sans cesse, où son obscurité ne le trahit pas. Il va, porté par ces images qui le ravissent, qui lui laissent à peine le temps de souffler sur le feu de ses doigts. C'est la plus belle des nuits, la nuit des éclairs : le jour, auprès d'elle, est la nuit.
Le malheur pour M. Bataille est qu'il raisonne : certes il raisonne comme quelqu'un qui a "une mouche sur le nez", ce qui le rapproche plutôt du mort que du vivant, mais il raisonne. Il cherche, en s'aidant du petit mécanisme qui n'est pas encore tout à fait détraqué en lui, à faire partager ses obsessions.
On raconte que chaque jour, au moment de s'endormir, Saint-Pol Roux faisait naguère placer, sur la porte de son manoir de Camaret, un écriteau sur lequel on pouvait lire : LE POÈTE TRAVAILLE.
Contre la mort
Le surréalisme vous introduira dans la mort qui est une société secrète. Il gantera votre main, y ensevelissant l'M profond par quoi comence le mot Mémoire. Ne manquez pas de prendre d'heureuses dispositions testamentaires : je demande, pour ma part, à être conduit au cimetière dans une voiture de déménagement.
Tant va la croyance à la vie, à ce que la vie a de plus précaire, la vie réelle s'entend, qu'à la fin cette croyance se perd.
Toutes les idées qui triomphent courent à leur perte.
Cet été les roses sont bleues; le bois c'est du verre.
La terre drapée dans sa verdure me fait aussi peu d'effet qu'un revenant.
C'est vivre et cesser de vivre qui sont des solutions imaginaires.
L'existence est ailleurs.
Ne cesse d'être d'actualité la fameuse question posée par Arthur Cravan "d'un ton très fatigué et très vieux" à André Gide : "Monsieur Gide, où en sommes-nous avec le temps ? - Six heures moins un quart", répondait ce dernier sans y entendre de malice.
Je crois à la résolution future de ces deux états, en apparence si contradictoires, que sont le rêve et la réalité, en une sorte de réalité absolue, de Surréalité, si l'on peut ainsi dire. (p.23-24)
L'idée de surréalisme tend simplement à la récupération totale de notre force psychique.