On a tort, d'ailleurs, de vouloir tout expliquer. Les objets ont leur secret. Les êtres aussi.
Plus tard ! C'est toujours cela qu'on se dit quand, au départ d'un train ou au chevet d'un malade, on prend conscience tout à coup de n'avoir pas assez aimé, pas assez compris. Et cela ressemble à ces bouquets de belles et de bonnes résoltuions qu'on entasse hâtivement, avec la peur d'arriver trop tard, au pied d'un mourant.
Il arrive parfois aux fleurs artificielles d'atteindre une qualité d'étrangeté magnifique ou paradoxale ; quand elles s'éloignent volontairement, délibérément, de l'imitation. Ici, au contraire, la ressemblance de la fleur de cire avec une fleur réelle avait été cherchée, voulue, étudiée, réalisée, avec un goût à la fois habile et ingénu. Le rose dont étaient peints les pétales était de cette nuance qui s'harmonise le mieux avec la matière de la cire : en même temps lisse et profond, intense et frais. Une rose vivante, "vraie", n'aurait pas eu plus de naturel dans la disposition de ces pétales autour du coeur invisible, et chaque pétale avait sa vie propre, son mouvement, son creux, sa cambrure.
Le moment est venu d'en finir avec ces secrets, obsédants et ridicules. La rose de cire est revenue chez moi ; je vais en profiter pour tout savoir, et le texte mystérieusement confié aux feuilles de cuir vert finira bien par me livrer son énigme.
J'éprouvai une sensation d'angoisse quand je vis que la tabatière à musique ne fonctionnait plus. Elle était en bon état, la veille au soir. Elle avait passé la nuit, près de moi, sur ma table de chevet. Personne, certainement, ne l'avait touchée. Le couvercle de la tabatière s'ouvrait, comme de coutume, mais la trappe qui aurait dû laisser sortir l'oiseau restait fermée. Je craignais de fausser un mécanisme certainement très délicat, et, d'autre part, la pensée que l'oiseau ne chantait plus, qu'il s'inquiétait peut-être, lui aussi, de ne pas voir s'ouvrir la trappe, me troublait plus que je ne peux l'expliquer.