La magie des mots.
Déjà sept livres, il me restait la possibilité d'en emprunter un huitième ! Attirée par la douceur du titre "La Rose de cire", j'ai eu la curiosité de prendre ce petit livre du rayonnage de la bibliothèque. La beauté de l'illustration de la couverture et le résumé m'ont définitivement convaincue...
Au cours d'un voyage à Constantinople, Malter achète dans un bazar une jolie tabatière à musique. le chant de l'oiseau, surgissant de la trappe, le touche profondément et le bijou lui devient vite indispensable. A la mort de Malter, c'est son très cher ami, le narrateur, qui en devient le détenteur légitime. le mécanisme ne fonctionnant malheureusement plus, le narrateur se voit dans l'obligation de confier le précieux objet à l'horloger Costelet. Pour compenser la perte de la tabatière, celui-ci lui remet en échange une rose de cire d'une étrange beauté, à laquelle sa fille, Edith, semble particulièrement attachée...
L'irruption dans la vie du narrateur, de la tabatière, d'un médaillon antique de verre gravé, puis de la rose de cire va bouleverser son destin.
Une écriture très classique pour s'interroger sur les liens entre les faits, les êtres et les objets...un très beau moment de lecture.
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Il arrive parfois aux fleurs artificielles d'atteindre une qualité d'étrangeté magnifique ou paradoxale ; quand elles s'éloignent volontairement, délibérément, de l'imitation. Ici, au contraire, la ressemblance de la fleur de cire avec une fleur réelle avait été cherchée, voulue, étudiée, réalisée, avec un goût à la fois habile et ingénu. Le rose dont étaient peints les pétales était de cette nuance qui s'harmonise le mieux avec la matière de la cire : en même temps lisse et profond, intense et frais. Une rose vivante, "vraie", n'aurait pas eu plus de naturel dans la disposition de ces pétales autour du coeur invisible, et chaque pétale avait sa vie propre, son mouvement, son creux, sa cambrure.
On a tort, d'ailleurs, de vouloir tout expliquer. Les objets ont leur secret. Les êtres aussi.
Plus tard ! C'est toujours cela qu'on se dit quand, au départ d'un train ou au chevet d'un malade, on prend conscience tout à coup de n'avoir pas assez aimé, pas assez compris. Et cela ressemble à ces bouquets de belles et de bonnes résoltuions qu'on entasse hâtivement, avec la peur d'arriver trop tard, au pied d'un mourant.
J'éprouvai une sensation d'angoisse quand je vis que la tabatière à musique ne fonctionnait plus. Elle était en bon état, la veille au soir. Elle avait passé la nuit, près de moi, sur ma table de chevet. Personne, certainement, ne l'avait touchée. Le couvercle de la tabatière s'ouvrait, comme de coutume, mais la trappe qui aurait dû laisser sortir l'oiseau restait fermée. Je craignais de fausser un mécanisme certainement très délicat, et, d'autre part, la pensée que l'oiseau ne chantait plus, qu'il s'inquiétait peut-être, lui aussi, de ne pas voir s'ouvrir la trappe, me troublait plus que je ne peux l'expliquer.
Le moment est venu d'en finir avec ces secrets, obsédants et ridicules. La rose de cire est revenue chez moi ; je vais en profiter pour tout savoir, et le texte mystérieusement confié aux feuilles de cuir vert finira bien par me livrer son énigme.
« Vie et mort de Gérard de Nerval », conférence de Marcel Brion, à l'occasion du 100ème anniversaire de la mort de Nerval. Première diffusion le 21 mars 1955 sur la Chaîne Nationale.