Le consumérisme reste un incontestable progrès tant qu'il se cantonne à ses fonctions propres et ne prétend pas régenter par sa seule logique l'ensemble des problèmes, l'éducation, la politique, la culture. (p.262).
Un changement de paradigme s'est effectué au tournant du XXIème siècle: nous sommes passés du temps des révolutions au "temps des catastrophes". (p.32).
Les grèves de l'automne 2010 en France auront montré le spectacle étonnant de lycéens manifestant pour leurs retraites. Etrange inversion : avant même d'avoir commencé leur vie de travailleurs, ces adolescents aux temps grises songent déjà à la clore. L'avenir doit être écrit d'avance et l'existence sécurisée du début à la fin. Les jeunes, durement touchés par le chômage, sont à l'avant-garde du plus grand parti de France, le parti de la peur. Les français ont peur du monde, peur de la précarité, peur des autres et plus encore peur de leur peur qui se propage parmi eux à la vitesse de l'éclair. C'est un sentiment entretenu jour après jour par les médias, les élites et qui vient denotre incapacité à nous repérer dans un univers devenu trop complexe. La passion française pour la grève, notre sport national, est moins un signe de vitalité que de routine, bel exemple d'une conquête devenue un symptôme dépressif. Puisque notre pays a cessé depuis longtemps d'être la "nation indispensable", il faut se mettre en grève du monde extérieur, exoerciser cette pression de tous sur chacun qu'on nomme la globalisation. On attend les arrêts de travail chaque saison, dans les gares, les transports en commun, les aéroports comme on attend l'automne avec un mélande de fatalisme et d'excitation. Il y a de l'angoisse mais aussi du trépignement d'enfant gâté dans cette routine de la fronde.
On voudrait nous alarmer, on ne réussit qu'à nous désarmer.
L'inquiétude environnementale est universelle, la maladie de la fin du monde purement occidentale. (p.269).
Nous vivons le temps des avant-gardes régressives: faute d'inventer elles dénigrent. Et l'écologie ajoute à ce ressentiment général la caution douteuse de la science. (p.268).
L'angoisse de notre temps est l’angoisse du passage, l’effritement d'un ordre qui se décompose sans que nous sachions ce qui lui succèdera. (p.238).
L'envie d'éliminer toute incertitude se renforce de l'impossibilité d'y parvenir et dégénère en aversion au risque. (p.171).
L'écologie dans sa forme majoritaire n'est pas la redécouverte émerveillée des paysages et des forêts mais plutôt l'humanité se prenant elle-même en horreur dans le miroir de la création. Il manque à notre temps une vertu fondamentale: la faculté de célébration. (p.137).
Le fête du progrès ne s'arrête jamais, elle nous épargne la double impasse de l'angoisse, il n'y a pas de vide, et de saturation car le désir est sans cesse relancé. (p.114).