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Critique de JeanLouisBOIS


Critique de Sud-Ouest duDimanche 13 novembre 2011:

Bruckner l'antisauveur

Au catastrophisme écologique, le philosophe oppose une écologie généreuse et démocratie. « On peut penser la peur, dit-il, mais la peur ne pense pas ».
Moins tranchant que Claude Allègre, promu chef de file des climatosceptiques, le philosophe Pascal Bruckner a-t-il rejoint le cénacle grandissant des écolos sceptiques ? L'ancien nouveau philosophe (plutôt écouté lorsqu'il ausculte l'intime ressort du paradoxe amoureux) reçoit depuis quatre semaines une jolie volée de bois vert. Dans la mire des défenseurs de l'environnement : son dernier essai, titré « le Fanatisme de l'Apocalypse » et sous-titré « Sauver la Terre, punir l'homme ». Ces pourfendeurs se nomment entre autres Hervé Kempf, de Rue 89 ou du journal « le Monde ». le quotidien du soir, dans un dossier du 5 novembre, raconte ainsi comment l'essayiste s'est fait piéger, comme d'autres, à compiler sans vérification des fariboles faisant florès sur le Net.

Le piège du DDT

Ainsi Pascal Bruckner mentionne-t-il page 177 la fable sur le DDT. Laquelle prétend que, à cause des ultras écologistes, cet insecticide puissant capable d'éradiquer des moustiques porteurs de maladies graves n'a plus été fabriqué et que des millions d'enfants africains en sont morts. Vrai ou faux ? Faux. L'arrêt du DDT est à mettre au crédit des libéraux sous Nixon, réplique « le Monde », citant ouvrage et propos de deux historiens américains.
Ce reproche formulé, on se gardera de jeter le bébé avec l'eau du bain. Certes, Bruckner malaxe les concepts dans une langue puissante, avec un insolent talent polémiste. Mais cet intellectuel du Vieux Monde est dans son rôle lorsqu'il cherche à comprendre quels grands courants d'idées sont à l'oeuvre dans les souterrains de la nouvelle pensée dominante.

Forcer le trait

Du reste, le philosophe n'appartient pas au clan qui nie tout, du réchauffement climatique à la fin des réserves pétrolifères qui ont fait le bonheur mécanique des Trente Glorieuses. Bruckner est au fond plus nuancé qu'il n'y paraît. Il tente de définir la bonne et la mauvaise façon de penser l'écologie, la peur féconde et celle qui nous immobilise. L'écologie, argumente-t-il, serait plus efficace si elle évitait le catastrophisme, les leçons mortifères ; si elle s'émancipait des amalgames entre centrale nucléaire défaillante et amateur de 4 × 4 ; si elle ne clouait pas au même pilori l'inconscient qui se moque du robinet ouvert pendant qu'il se brosse les dents et les investissements low-cost des pétroliers coupables de gigantesques marées noires.
On peut soupçonner Bruckner de forcer le trait lorsqu'il cite à gogo les maîtres à penser des écologistes - Hans Jonas, Jean-Pierre Dupuy et Dominique Bourg - et extirpe de leurs écrits une vision de la société des hommes où l'on se défie de la science et du progrès, et où les générations actuelles plaident d'avance coupable et demandent pardon à des enfants qui naîtront dans mille ans.

Questions essentielles

Même si son propos dérange, on reconnaîtra au philosophe de poser des questions essentielles : pourquoi, alors qu'on crie au feu, personne ne bouge ? N'est-ce pas justement cette vision apocalyptique du monde qui nous sidère ? Pourquoi l'Occident héritier des Lumières développe-t-il à ce point la haine de lui-même ? Qu'est-ce que cette inversion historique de notre rapport au temps qui nie le futur et nous rend comptables de ce qui n'a pas encore été vécu ?
Par Catherine Debray
Lien : http://www.sudouest.fr/2011/..
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