Ainsi va la vie du brigand. Pauvre, il se rêve grand de ce monde ; riche, il gémit sur ses exploits d'antan.
Le sang afflua soudain à ses pommettes parcheminées. Il fut surpris, à son âge, d'éprouver encore du désir physique. En sa jeunesse, il avait souvent mis en pratique l'adage bien connu des coureurs de sable : "La femme pour la procréation, le garçon pour le plaisir, la chèvre par nécessité."
Deux fois le plafond s'entrebâilla pour permettre au désert de s'engouffrer dans les profondeurs de la pyramide.
Le grand prêtre d'Amon s'inquiétait des réactions de la populace quand elle verrait passer ces esclaves et soldats de l'au-delà qui n'étaient rien d'autre que des hommes, des femmes razziés et momifiés sur les ordre de Pharaon. On pouvait tout craindre. Un mouvement de colère, une ruée générale sur les dépouilles, un pillage des trésors. Le défilé de ces richesses, qu'on s'en allait enfouir dans les entrailles d'une pyramide alors que le nome tout entier crevait de faim, risquait d'échauffer dangereusement les esprits.
Les musiciens entendent des musiques dans leur tête, les parfumeurs sentent des parfums qui n'existent pas encore.
C’est en se penchant sur le sarcophage de bois> peint qu’Anouna, parfumeuse au Per-Nefer de Sethep-Abou, s’aperçut que la momie sur laquelle elle travaillait depuis trois jours avait disparu. Une mince bandelette de lin sortait de la boîte funèbre, marquant le chemin emprunté par le mort lors de sa fuite. Une fine bande de tissu à peine froissée, imprégnée d’essences rares, et qui se tortillait comme la mue laissée par un serpent en train de faire peau neuve. La jeune fille voulut pousser un cri d’alamie mais aucun son ne sortit de sa bouche. Il fallait donc se résoudre à admettre l’impossible : le défunt avait mis la nuit à profit pour quitter la maison d’embaumement en laissant se dérouler dans son sillage l’interminable pansement enduit de résine qui constituait son armure d’éternité. Pourquoi était-il parti ? Parce qu’il refusait d’entrer dans le royaume des morts... ou parce qu’il était mécontent des services de l’embaumeur choisi par sa famille ? Anouna opta pour cette deuxième hypothèse car elle savait que les travaux du Per-Nefer laissaient quelque peu à désirer dès lors qu’il s’agissait d’enterrements de seconde classe.