Une histoire de tout, ou presque...

Chacun de vos atomes est probablement passé par plusieurs étoiles et a fait partie de millions d'organismes avant d'arriver jusqu'à vous. Nous sommes si chargés atomiquement et si vigoureusement recyclés à notre mort qu'un nombre significatif de nos atomes -jusqu'à un milliard pour chacun d'entre nous, selon certains- a sans doute appartenu un jour à Shakespeare. Un autre milliard nous est venu respectivement de Bouddha , Gengis Khan et Beethoven , ou tout autre figure historique de votre choix. (Il faut , semble-t-il , des personnages assez éloignés dans l'Histoire, car les atomes mettent quelques décennies à se redistribuer; si fort que vous le désiriez,vous n'êtes pas encore recyclé en Elvis Presley).

Le bipédisme est une stratégie exigeante et risquée, qui requiert un bassin façonné pour supporter une forte charge et implique donc que le canal de naissance de la femelle soit relativement étroit. Cette étroitesse a deux conséquences immédiates et une troisième à plus long terme. D'abord, elle suppose de violentes douleurs pour la mère en couches et un grand danger de mort pour la mère et l'enfant. Ensuite, pour que sa tête puisse passer à travers un espace aussi étroit, l'enfant doit naître alors que son cerveau est encore petit - c'est-à-dire quand il est encore sans défense. Ce fait implique des soins infantiles plus longs et, en conséquence, des liens solides entre un mâle et une femelle.

L'ADN n'a qu'une seule raison d'être : créer davantage d'ADN. Et vous en avez beaucoup en vous - environ 2 mètres compressés dans presque chacune de vos cellules. Chaque brin d'ADN comporte 3,2 milliards de lettres d'encodage, assez pour offrir 10 à la 3 480 000 000 combinaisons possibles, « garanties uniques selon toutes les probabilités » selon Christian De Duve. Cela fait beaucoup de possibilités, 1 suivi de plus de 3 milliards de zéros. « Il faudrait plus de 5000 livres de taille moyenne pour imprimer ce seul chiffre », précise De Duve. Regardez-vous dans la glace et réfléchissez au fait que vous contenez 10 milliards de millions de cellules, dont la plupart contiennent 2 mètres d'ADN fortement compacté : vous commencerez à saisir combien vous trimballez de ce truc avec vous. Si tout votre ADN était tissé en un seul fil ténu, il serait assez long pour relier la Terre à la Lune non pas une fois, mais des milliers de fois.

Il est surprenant de songer qu'au début du XXe siècle les plus grands experts scientifiques pouvaient à peine nous expliquer de manière claire d'où viennent les bébés.
Et c'étaient ces hommes, rappelons-le, qui jugeaient que la science ne pouvait pratiquement plus progresser.

Quand l'une d'elles échoue à expirer de la façon prescrite - comme cela arrive - et se met au contraire à proliférer follement, nous appelons le résultat un cancer. Les cellules cancéreuses sont en fait des cellules qui ont perdu les pédales. Elles font cette erreur assez régulièrement, mais le corps dispose de mécanismes élaborés pour y remédier. Il est très rare que le processus soit hors de contrôle. En moyenne, chez l'homme, il surgit une cellule maligne sur 100 millions de milliards de divisions cellulaires. Le cancer est une malchance dans tous les sens possibles du terme.

Nous aurions bien plus de succès contre nos bactéries si nous n'étions pas aussi prodigues de notre meilleure arme comme elles: les antibiotiques. On estime que 70% des antibiotiques utilisés dans le monde développé sont systématiquement distribués au bétail dans le fourrage comme accélérateur de croissance et à titre de précaution contre les infections. Ce type d'usage donne aux bactéries toutes les occasions de développer une résistance- et elles s'en sont emparées avec enthousiasme.

Sur les 23 divisions principales de la vie, trois seulement - les plantes, les animaux et les Champignons- sont assez grosses pour êtres vues par l'oeil humain, et encore, elles comportent des espèces microscopiques. De fait, selon Woese, si l'on totalisait toute la biomasse de la planète- chaque chose vivante, plantes incluses-, les microbes formeraient 80% du tout, peut-être plus. Le monde appartient à l'extrêmement petit- et cela depuis très longtemps.

Quand les temps deviennent vraiment durs, les bactéries ferment les écoutilles et attendent des jours meilleurs. [...]
En 1996, des chercheurs de l'Académie des sciences de Russie ont affirmé avoir ranimé des bactéries prises dans le permafrost sibérien depuis trois millions d'années. Mais le record de durabilité à ce jour aurait été établi par Russell Vreeland et son équipe de la West Chester University de Pennsylvanie: ils ont annoncé avoir ressuscité une bactérie vieille de 250 millions d'années, Bacillus permians, piégée dans des dépôts de sel à 600 mètres sous terre à Carlsbad, au Nouveau-Mexique. Si c'est vrai, ce microbe serait plus vieux que les continents.

À la fin du XVIIIe siècle, les scientifiques connaissent donc avec précision la forme et les dimensions de la Terre, ainsi que sa distance par rapport au Soleil et aux planètes; maintenant, Cavendish, sans quitter son fauteuil, venait de leur en donner le poids. On pourrait donc imaginer qu'il leur serait relativement simple de déterminer son âge : après tout, les matériaux nécessaires se trouvaient littéralement sous leurs pieds. Mais non. Les humains réaliseraient la fission de l'atome, ils inventeraient la télévision, le Nylon et le café instantané avant d'arriver à calculer l'âge de leur planète.

Ce qui est le plus étrange, ça n'est pas que ça soit arrivé, c'est que ça n'arrive pas tout le temps.