Citations sur Fée d'hiver (56)
Alice n'avait jamais vu Richard et Daniel aussi joyeux. Daniel la considérait gentiment. Cet homme avait chassé de son coeur l'amertume. Elle aurait aimé en parler avec lui. Mais il se taisait, se contentant de se montrer bienveillant, se plaisant sans doute à penser que la plus jolie des paroles est celle dont on ne capte pas le bruit.
Alors ils trinquèrent tous à l'avenir du Val Triste. Daniel et Richard accordèrent leurs guitares puis ils jouèrent une ballade tendre et loufoque : une déclaration d'amour à une jeune tortue par deux oiseaux fous d'ailes, vous savez, lorsque la tortue dit :
- Et comme ça vous m'aimez ?
- Oui, oui.
- Pour toujours ?
- Ah non ! tut-tut, ils pépient.
- Pourquoi non, elle proteste.
- Pas pour toujours, tut-tut, mais pour un jour de plus, reprennent, sans rire, les deux oiseaux en choeur.
En revanche, pour Vladimir, cette cabane symbolisait la maison de l'exil. Oh ! à peine plus grande qu'une boîte à chaussures mais il avait le droit d'y remiser ses souliers, il se plaisait dedans. Il avait, comme on dit, les pieds au sec avec, tout autour pour décor, la prairie, géante toile d'araignée nimbée de rosée et, comme ambiance, les matins frissonnants dans le murmure proche du ruisseau et le bruissement des arbres. Aussi, en quittant à l'aube son "chez soi" pour se rendre au travail, espérait il avoir mis du sens, recousu et relié son existence. Le début d'un poème en prose trottait dans sa tête. Poussé par le vent qui dans son esprit a une direction sûre, il avance dans sa vie à la poursuite des nuages, les voir qui cavalent sur l'immense patinoire et l'oeil noir de l'univers.
Richard comparait Daniel à une sculpture entrevue dans un parc où un ange de pierre essayait de s'envoler, se décoller de son socle, malgré une aile brisée. Il voyait dans cette tentative une forme de causalité. Daniel en ange diminué et lui géant simiesque à la patte folle, symbiose d'un oiseau mythologique avec un élytre déployée pour protéger l'autre aile, sans l'abîmer.
On envisage de fonder un foyer. Ils furent heureux et eurent beaucoup d'enfants, n'est ce pas ? Refrain connu, beaucoup d'appelées, très peu d'élues.
S'il suffisait de se marier, de faire des gosses pour être heureuse, cela se saurait non ?
Huit ans de mariage, autant de nuits accumulées pour en arriver là.
L'impression grandissante de dormir avec un inconnu, alors que l'on a qu'une envie : se retrouver au lit avec l'amour.
Les miroirs ont le chic pour cela, ils vous cachent l'envers en vous bernant sur l'endroit. Ils servent pour l'essentiel à permettre de tourner autour de soi à l'instar d'une abeille qui se tortille au voisinage d'un pot de fleur. On devrait les appeler les malentendus, les leurres de l'amour narcissique ou encore la fourberie des alouettes.
Le silence lourd, plus lourd que le sommeil. Le petit garçon a mis un poing fermé dans sa bouche et avalé les cailloux blancs du souvenir avec le reste.
Elle est partie. Sa jupe voltigeait avec le vent, les premières gouttes de pluie soufflaient sur les bougies de ses vingt ans et dans ses yeux, un oiseau devait lui caresser les cils avec une plume du dimanche.
Je lui ai tendu le carnet. Merci Daniel mais tu aurais pu me le dire de vive voix. Tu te méfies de moi ? Un instant interdit, j'ai hoché la tête et me suis remis à griffonner. "Non, mais c'est comme si je voulais m'envoler à mon tour et que je tombe dans le vide. L'esprit de l'air a l'aspect d'un oisillon, disons un merle blanc, presque invisible. Un petit vent de plumes avec un coeur chaud. S'il tombe à terre, il se change en paon et offre ses couleurs à la lumière du jour. Alors, conquise, toute la terre se tait."