« Les arbres ne nous répondent jamais , mais ils nous regardent » .
« Nous sommes sur un projet de méga centrale électrique se substituant pour partie à celle actuelle utilisant le charbon. L'idée consiste à créer une chaîne de production à partir de la biomasse … »
« Émilie songeait : Continue ma belle , parle sans t'émouvoir » ..
Quelques passages de cette belle histoire d'amour et de résistance bienvenue face au rouleau compresseur du pouvoir et de l'argent ..
C'est l'histoire d'Emilie , solitaire, le coeur en berne , elle s'occupe à plein temps d'une terre qui se mérite : gardienne des lieux depuis la mort de son mari et le départ de son fils Serge , sur le mont Palle ,là où se trouve la ferme familiale …
Elle n'a pas le temps de s'apitoyer , voire de réfléchir au prétendu travail de deuil .
« La montagne empiétait sur l'horizon , sa masse inerte accaparait le paysage . Une entité dure mais également fragile , avec la forêt pour territoire . Un endroit improbable ayant lié pacte avec le temps , des monts scellés à l'infini de la terre jusqu'au ciel ? » .
Tenace , elle s'opposera de toutes ses forces au projet de « nourrir » une centrale électrique face à des entrepreneurs bien déterminés à décimer la forêt environnante pour réaliser leur funeste réalisation : gigantesque , gargantuesque projet de centrale à biomasse.
Chacun et chacune jouera son rôle et donnera au récit sa force , à l'image de cette indomptable montagne de Palle qui domine les lieux et tire son ineffable beauté de ses contrastes .
Une lecture rafraîchissante, description tout en finesse quoique lente , d'une existence rude, âpre, forgée au fil des saisons à l'ombre d'une montagne .
On suit Émilie , forte , face à une nature majestueuse et féroce , un combat écologique au tempo lent , le portrait touchant , lumineux de cette femme .
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Rythme et musicalité de la langue animent ce beau récit , c'est aussi l'histoire de retrouvailles entre deux enfants que la vie a séparé dans leurs toutes jeunes années , ils mettront beaucoup de temps à se re- apprivoiser : Émilie et Victor ….
La poésie imprègne chaque ligne ou presque de ce roman ,,l'auteur décrit magnifiquement la faune et la flore , les éléments du climat , l'âpre beauté des saisons , les contraintes, les contrastes , les couleurs changeantes , les nuages menaçants , « la lune dans son landau » le ciel et ses changements , les paysages sont magnifiés , la nature est décrite comme si elle vivait en nous, pareille à un tableau de maître pointilliste !
La langue est soyeuse, belle, on pourrait citer nombre de phrases éloquentes , et je pense aussi aux nombreux oiseaux , les corbeaux……
Le lecteur retient son souffle lors des passages poétiques enchanteurs !
Je ne connais pas l'auteur , je salue son talent de poète !
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Un portrait tout en finesse des personnages clés de l'histoire mais aussi de la montagne qui les environne et les a accompagnés toute leur vie. Une belle histoire de résistance aussi, résistance de quelques humains courageux face au rouleau compresseur de l'argent roi. Cela fait chaud au coeur, même si ce sont des personnages fictifs, de savoir que quelques humains encore sont préoccupés par la défense de nos plus belles forêt. Un récit malheureusement d'actualité : voir ce qui se passe à Gardanne et sur le plateau de Millevaches en Limousin... le souci environnemental est bien le dernier qui préoccupe nos dirigeants ! Certains ne voient, dans les arbres, qu'un tonnage prometteur de pâte à papier, de bois énergie ou de bois d'oeuvre. le pire c'est quand tout ce trafic se met en place habilement camouflé derrière un discours de "développement durable" ou de "protection de la biodiversité". Toute allusion qui serait perçue à la façon dont sont traités les pygmées par les multinationales, dans la forêt équatoriale, n'est qu'une pure coïncidence.
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André Bucher, autour d’un discours fondamentalement militant, construit une histoire de retrouvailles entre deux enfants que la vie a séparés dans leurs toutes jeunes années.
Lire la critique sur le site : Actualitte
« Dans cette noirceur profonde, le ciel ne désemplissait pas, allant même jusqu’à conserver les étoiles anciennes.
À l’aube, il lâchait sa provision de silex , papillons éphémères qui palpitaient encore , silencieux dans les trous d’air , de la même lignée pour ce qui relevait des ailes , mais privés de voix et orphelins des oiseaux .
Ce semblant de terminus , ou cul de sac à l’indifférence immuable , paraissait voué à un avenir dépourvu d’enjeux ou de surprises autres que celles du climat .
Les années s’emboîtaient , lui conférant peu à peu une forme d’impunité à l’Instar des passages réguliers , pour la plupart inoffensifs , de nuages , le plus souvent laiteux , suspendus dans la pâle lueur flottant sur les monts » .
« Au petit matin, son fils dormait encore , Émilie sortit dans la cour. Un rire de neige masquait le chagrin hivernal des chênes toujours en délicatesse d’un futur feuillage .
Elle pensait à un drap couleur crème , tombé du ciel en plein sommeil. .
Qui donc rendre responsable de ce prodige? Un coloris délicat qui étouffait les tâches d’encre de la mélancolie.
Le fond de teint de l’oubli …. »
"_[...] Trop de chagrin. Le drame avec la malheur, une fois réunis, c'est qu'ils aiment la compagnie.
_Ils signifient pourtant la même chose, non ?
_Pas vraiment. Le drame, c'est lorsqu'il survient. Le malheur, c'est quand ça dure."
"_Qu'est-ce que tu lui veux ?
_Oh ! Rien de spécial, juste savoir ce qu'il en pense.
_Tu sais bien qu'il n'est pas de ton bord. Tu as déjà essayé de faire manger des grenouilles à un Anglais ?
_Non, mais je dirai que les grenouilles n'en mangent pas non plus."
"_[... Alors tu vois, on a beau brandir, agiter l'épouvantail du dénuement, l'isolement, la solitude qui ira en grandissant avec le temps, etc., sauf que la solitude c'est comme une cicatrice, tu dois juste t'armer de patience et éviter qu'elle ne s'infecte."
Rencontre avec André Bucher autour de son dernier livre "Tordre la douleur", aux éditions Le mot et le reste.
Entretien filmé à la librairie Le Bleuet le 16 janvier 2021 (sans public).
Partie 5.