Citations sur Un avion sans elle (251)
Un suicide douillet ! Le pire des oxymores ! Quelle affreuse façon hypocrite de se présenter devant le Jugement dernier !
Emilie multipliait la surface habitable de la petite maison des Vitral par deux, par dix, simplement en la gonflant de musique, de mélodies de Chopin ou de Satie, en faisant s'envoler en haut, au-dessus des falaises, comme une baudruche de bonheur, puis en la faisant exploser d'un éclat de rire. Quand elle était triste, elle se soignait en musique. Un insecte égaré.
Une main se posa sur son épaule. Un tube métallique s’enfonce dans le bas de son dos. Une arme à feu sans aucun doute.
Izel fut tuée sur le coup. En cela, elle fut la plus chanceuse.
Elle ne vit pas les lumières s'éteindre. Elle ne vit pas l'avion se tordre comme une vulgaire canette de soda au contact d'une forêt d'arbres qui semblaient un à un se sacrifier pour ralentir la course folle de l'Airbus.
Quand tout s'arrêta, enfin, elle ne sentit pas l'odeur de kérosène se répandre. Elle ne ressentit aucune douleur lorsque l'explosion déchiqueta son corps, ainsi que ceux des vingt-trois passagers les plus proches.
Elle ne hurla pas lorsque les flammes envahirent l'habitacle, piégeant les cent quarante-cinq survivants.
Tout en tendant trois paquets de cigarettes à son client, Mariam regarda Marc s'éloigner. Elle en avait trop dit, sur ce coup-là. Elle n'était pas aussi sûre d'elle... Marc et Emilie formaient un couple curieux, étrange, ne ressemblant à aucun autre, mais ce dont elle était persuadée, c'est que dans les heures qui allaient suivre Marc allait jouer son destin, à pas grand-chose, un bon ou un mauvais choix...
Dans quatorze minutes, Lylie aurait dix-huit ans, officiellement du moins… Qui était-elle ? Il n’avait aucune certitude. Une chance sur deux, comme au premier jour. Pile ou face.
Lyse-Rose ou Emilie ?
Il avait échoué. Mathilde de Carville avait dépensé une fortune, dix-huit ans de salaire pour rien… […]
Il resterait ce carnet, cette centaine de pages rédigées ces derniers jours… Pour Lylie, pour Marc, pour Mathilde de Carville, pour Nicole Vitral, pour les flics, pour les avocats, pour qui voudrait bien se plonger dans cette mise en abyme…
Une lecture envoûtante, sans aucun doute. Un véritable chef-d’œuvre, une enquête policière à couper le souffle… Tout était là…
Sauf la fin…
Il avait rédigé un polar dont on aurait arraché la dernière page, un thriller donc les cinq dernières lignes seraient effacées.
Une arnaque…
Sa Lylie, sa libellule... Mon Dieu, elle aurait tout donné pour porter un prénom normal, banal. Un seul prénom !
- Monsieur Vitral, serai-t-il possible que je m'entretienne seul avec vous ?
Pierre Vitral hésita. Pas sa femme. La question, en fait, s'adressait à elle. Elle ne s'embrassa pas pour lui répondre :
- Non monsieur de Carville, cela ne va pas être possible.
Nicole Vitral tenait le jeune Marc dans ses bras. Elle ne le lâcha pas, le serrant plus fort encore. Elle continua :
- Même si je vais dans la cuisine, voyez-vous, monsieur de Carville, j'entendrai encore tout. C'est petit, chez nous. Même si je vais chez les voisins, j'entendrai encore tout. C'est comme ça. les murs ne sont pas épais. On ne peut pas avoir de secrets. C'est peut-être parce qu'on n'en veut pas, d'ailleurs, des secrets. Marc, dans ses bras, pleurnichait un peu. Elle s'installa sur une chaise pour l'asseoir sur ces genoux, pour signifier aussi qu'elle ne bougerait pas.
Léonce de Carville ne parut pas plus impressionné que cela par la tirade.
- Comme vous voulez, continua-t-il avec son sourire de tombola, je ne serai pas long. Ce que j'ai à vous proposer tient en quelques mots.
Marc se secoua, comme si la nostalgie tombait en pellicule sur ses épaules.
Cela peut vous sembler étrange, mais j'ai appris après toutes ces années que les épreuves qu'exige la religion renforcent la foi plus qu'elles ne l’éprouvent. L'injustice divine, curieusement, pousse à la soumission plus qu'à la révolte. Comme la punition oblige à l'obéissance. Surtout la punition injuste, celle qui tombe au hasard, pour l'exemple.