Pour vivre, pour survivre, on s'arrange avec ses sentiments, n'est-ce-pas ?
Histoire très passionnante. on est tenu en haleine jusqu au dernières pages
Lylie, subjuquée, sentit une étrange émotion monter en elle, sans qu'elle puisse s'expliquer pourquoi. Simplement en regardant ces fillettes semblables, identiques en tout point... Et pourtant, chacune d'entre elles savait qui elle était. Anais n'était pas Juliette, Juliette n'était pas Anais...Pas parce qu'elles se sentaient différentes. Non. Tout simplement parce que leur mère les distinguait, l'une de l'autre, connaissait leur prénom, sans jamais se tromper. Leur unique prénom.
Quand Dieu lui prit Alexandre, son fils, dans cet accident d'avion, Mathilde ne douta pas. Cela peut vous sembler étrange, mais j'ai appris après toutes ces années que les épreuves qu'exige la religion renforcent la foi plus qu'elles ne l’éprouvent. L'injustice divine, curieusement, pousse à la soumission plus qu'à la révolte. Comme la punition oblige à l'obéissance. Surtout la punition injuste, celle qui tombe au hasard, pour l'exemple.
La carlingue s'écrasa à minuit trente-sept... Ce furent les experts qui calculèrent cela après coup, car aucun témoin n'était présent, sauf les passagers, mais on ne retrouva rien d'eux, pas même une montre brisée qui aurait indiqué l'heure du crash. Les écologistes s'étaient battus avant Noël pour chacun des petits sapins jurassiens. En quelques secondes, l'Airbus déracina plus d'arbres qu'un siècle de réveillons.. Ceux qui ne furent pas arrachés brûlèrent, malgré la neige. L'avion traça une autoroute dans la forêt, sur plusieurs centaines de mètres, avant de s'effondrer, épuisé. Il explosa quelques secondes plus tard, puis continua de se consumer, toute la nuit.
Dix huit ans que cette histoire me colle aux neurones, comme une petite boule de cervelle rose, mâchée et remâchée, jusqu'à n'avoir plus aucune saveur. Méfiez-vous, vous qui lisez ces pages, que la petite boule de cervelle rose ne se colle pas à vos propres pensées, malaxée par votre imagination, étirée par votre logique sans fin.
La fleur qui pousse au milieu des ronces.
[...] mais la vie ne retire le poignard que pour mieux l'enfoncer une seconde fois.
- Et toi, tu t'appelles comment ?
- Je ne sais pas...
Judith se pinça les lèvres, comme si elle venait de poser une question trop indiscrète. C'était sans doute la première fois qu'elle croisait quelqu'un qui ne portait pas de om. Ele tenta de sourire à l'inconnue, comme lorsqu'elle essayait de réconcilier deux copines qui se disputaient.
- C'est pour ça que tu es triste, alors ?
Excédée par la lenteur de la procédure et la frilosité du juge Le Drian, Lucile Moraud fit afficher, le 29 janvier, à la une de L'Est républicain, une photographie en pleine page de "la miraculée", dans sa cage de verre au service pédiatrique de l'hôpital, où elle patientait depuis plus d'un mois dans l'indifférence générale, et sous-titra, en gras, trois lignes de la chanson:
Oh, libellule,
Toi, t'as les ailes fragiles,
Moi, moi, j'ai la carlingue froissée...
L'expérimentée journaliste fit mouche. Plus personne ne peut entendre le tube de Charlélie Couture sans penser à la petite miraculée, à ses ailes fragiles, à la carlingue froissée. Pour la France, l'orpheline des neiges devenait "Libellule". Le surnom demeura. Même ses proches l'adoptèrent.