Elle se sentait disparaître depuis sa naissance, petit à petit, tout doucement, comme un dessin sur un papier carbone passé sous la pluie.
Elle mesure brusquement l'étendue de son ignorance. Tout ce qu'elle sait sur les humains elle l'a lu. les livres sont ses seuls compagnons, les seules choses qu'elle juge dignes de confiance, et les livres ont toujours, toujours raison.
Le Kaléidoscope est une longue-vue sur les étoiles : la voûte céleste comme un enfant pourrait l'imaginer, avec des mots en lettres d'or, de fausses coordonnées mathématiques et des fusées imaginaires qui traversent les cieux en bourdonnant.
Loom en avait reconstitué, fasciné, les histoires imaginaires et s'était inventé des mondes merveilleux où la médecine et la magie marchaient main dans la main.
« Je suis une fenêtre cassée. Je suis un être de verre. Je suis un être de verre qui disparaît sous la pluie. Je me tiens parmi vous, agitant mes bras et mes mains invisibles. Je crie mes mots invisibles. Je suis épuisé (…). Je vous fais signe de là-bas. Je rampe en cherchant l’entrée du vide (…). Je crie mais ce ne sont que des fragments de glace brisée. Je vous informe que le volume de tout ceci est bien trop haut. Je vous fais signe. Je vous salue de la main, je disparais. Je disparais, mais pas assez vite. »
David Wojnarowicz, Seven Miles a Second
Il y a de tout : des chiens, des chevaux de pantomime, des cheminots, des créatures mythologiques, des lutins, des fées, des rats, des extraterrestres, des samouraïs, des moines tibétains, des démons et des anges, des mouettes, des Victoriens, des animaux, des scientifiques, des prostituées, des new-yorkais, des drogués, des petites filles à couettes, des chanteurs country, des kangourous, des écrivains ratés, des quakers, des moujiks...
Je ne crois pas à ces conneries de paradis ou d'enfer. Une fois mort, c'est fini, kaput, on meurt seuls. C'est dans la vie que nous devons trouver notre chemin. C'est ici que ça se passe ! Nous devons faire notre existence là, sur cette terre que nous détruisons.
Elle avait appris à aimer, parce que c'est comme ça qu'elle a décidé de devenir humaine, parce qu'elle part du principe qu'un humain qui ne lit pas est un humain malheureux.
Elle feuillette pour retrouver son marque-page, une fine feuille dorée presque invisible. Elle aime chercher son marque-page, ne pas le trouver immédiatement. Elle y trouve l'occasion de repasser à travers des pages déjà lues, relire quelques phrases clés des événements a venir ou, comme c'est le cas ici, d'entrevoir les délicats dessins d'Arthur Rackham.
Les mêmes enjeux, la même romance et la façon dont ces hommes magnifiques tiennent les bras de ces femmes sublimes, l'un vers l'autre, basculant dans un monde d'abandon, le parfum chic et cinémascope de l'amour.