Dans cette « Heure de grâce », on découvre un autre
Maurice Carême, très éloigné de l'auteur archi-connu de poèmes naïfs (oserais-je dire niais ?) et comptines légères pour enfant en âge scolaire. Non, ici, Carême dévoile un tempérament torturé, une âme d'enfant emprisonnée dans un corps vieillissant, hantée par l'approche de la mort, par le temps qui passe et emporte les êtres aimés, par la peur de la solitude.
C'est aussi une âme fière, qui refuse de courber le front, qui ne peut trouver la paix dans les joies simples de la vie (« pourquoi ce front chagrin, cette mélancolie ? le ciel est si serein, la terre si ravie, que l'on entend la vie rire dans le matin »), qui ne cesse de s'interroger et finit peut-être par douter de sa foi (« Mais c'est en moi, Seigneur, que votre voix jamais ne monte et ne résonne alors que, dans le monde, je l'écoute en pleurant qui résonne et qui monte toujours plus belle et plus fermée sur son secret »). Ou encore :
« C'est encor moi, Seigneur,
Toujours moi, plus malade
Après chaque dérade
Et rejeté si loin
De votre bergerie,
Qu'il n'est plus de chemin
Entre vous et ma vie. »
Mais au fil des pages, au fil des ans devrai-je écrire (le recueil court sur la période de 1948 à 1957), petit à petit, les tourments s'apaisent et le poète retrouve dévotion et gratitude.
Personnellement, j'ai rechigné sur certains passages, ceux où Carême nomme expressément le Seigneur et Marie. Même si en exergue, il cite Ruysbroek l'Admirable : « de quelque manière ou sous quelque nom qu'on se représente Dieu comme Maitre de tout le créé, l'on est toujours dans le vrai », j'ai trouvé le tout un peu trop connoté de catholicisme.
Néanmoins, j'ai globalement apprécié le ton des poèmes, soignés et toujours très imagés, très visuels. J'y ai découvert une autre facette de cet auteur sincère, affichant ses défauts et ses peurs sans fausse pudeur.