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EAN : 9781095772058
Anamosa (06/05/2016)
4.2/5   5 notes
Résumé :
Traduit par Morgane Saysana
Préface. L'Amérique et le démon de la race. Christophe Granger

Chicago, juillet 1919 : un jeune Noir se noie, terrorisé par des adolescents blancs qui commençaient à lui jeter des pierres, sur une plage partagée par une frontière raciale invisible. La police refuse d'intervenir, ouvrant la voie à plusieurs jours d'émeutes qui, dans la ville, laissent derrière eux 23 morts parmi les Noirs, 15 parmi les Blancs et des ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Ce titre reprend un texte publié en 1919 par Carl Sandburg, poète, historien et écrivain américain, dans la foulée d'émeutes raciales à Chicago qui ont causé la mort de 38 personnes (23 Noirs et 15 Blancs). Cependant, le propos ne relate pas les émeutes en tant que telles et c'est bien là toute sa force. L'auteur y consacre un court premier chapitre de trois pages et s'attache ensuite à expliciter le contexte immédiat de ces émeutes, puis le contexte social et historique, les migrations des Noirs du Sud vers Chicago pour répondre à l'appel de main d'oeuvre et fuir une situation que l'on pourrait qualifier d'apartheid, l'emploi industriel, les syndicats dans les usines et les abattoirs, etc. En seize courts chapitres, Carl Sandburg dresse le portrait d'une époque.

Son propos est renforcé par la préface et le travail d'édition d'Anamosa qu'il est bon de noter. La préface de Christophe Granger fait le point sur les émeutes elles-mêmes de manière chiffrée et factuelle et met en exergue la violence des débordements par rapport à une situation décrite par Carl Sandburg qui pourrait presque paraître « normale » à nous autres citoyens du XXIè siècle. L'éditeur appuie ce propos en publiant en fin d'ouvrage la liste des personnes décédées au cours des émeutes, le lieu et les conditions de chaque crime. Cette liste redonne toute son humanité au discours des historiens et nous rappelle en quelque sorte à notre devoir de mémoire. En début et fin d'ouvrage, les éditeurs ont également pris soin d'ajouter des photographies en noir et blanc et double-pages représentant les rues de Chicago et des Américains au début du XXè siècle. La couverture à bords rabattus achève de faire de ce livre un bel objet, agréable à tenir en main, à regarder et à lire. Je n'ai pas l'habitude d'un tel soin apporté aux publications en sciences humaines et je tenais à le préciser.

Pour revenir au texte, les propos de Carl Sandburg sont extrêmement abordables au lecteur non spécialiste de l'histoire américaine – sans être simplistes. L'auteur expose sans emphase des faits historiques et sociologiques sans s'étaler démesurément, chaque chapitre comporte une dizaine de pages. Et ces faits, (re-)découverts par le lecteur de 2017, font naturellement échos à la situation actuelle, aussi bien aux Etats-Unis qu'en France ou ailleurs en Europe, s'il n'était l'abominable et meurtrière conséquence des émeutes…
Sans aucun militantisme affiché, l'ouvrage a le mérite de pointer du doigt les choix politiques – ou l'absence de choix – en matière de ségrégation raciale, de paupérisation des milieux ouvrier et immigré, de flambée des prix immobiliers, de travail des femmes après la guerre…
Paradoxalement, Carl Sandburg met en exergue les avancées réalisées depuis les émeutes raciales de 1917 (entre 60 et 200 Noirs massacrés par une foule de Blancs entre mai et juillet). Les efforts menés au niveau des syndicats pour éviter autant que possible la ségrégation dans les usines auraient contribué à limiter les massacres de 1919.
Le dernier chapitre rédigé par Joël Spingarn, ami de C. Sandburg et premier compilateur et éditeur de ce livre, est consacré à la nécessité d'envisager la question raciale non plus à l'échelle d'une usine ou d'une ville mais à l'échelle nationale, voire fédérale. Il soulève l'importance d'une coordination des Etats – en l'occurrence américains – afin de lutter contre les multiples facteurs systématiquement à l'origine des émeutes et des crimes raciaux.

Nous sommes à la veille de 2019, les américains ont eu élu un président noir et re-publier ou lire Carl Sandburg relève toujours de l'acte militant et nécessaire.
Lien : https://synchroniciteetseren..
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Un journalisme d'investigation sans voyeurisme


Dans sa préface, « L'Amérique et le démon de la race », Christophe Granger revient sur ces épisodes oubliés des lendemains de la Première guerre mondiale, les « pogroms » et les « émeutes raciales meurtrières » et indique que Carl Sandburg « s'efforce de les rendre intelligibles, ces émeutes ; de soutirer à la cruauté de ce qui s'y joue quelque chose des contradictions sociales qui les ont fait naître »

Ségrégation tacite et coutumière, frontières invisibles mais bien réelles, « l'instante possibilité du désastre », bandes de jeunes Blancs, mansuétude de la police… « En tout, les émeutes ont duré treize jours. du 27 juillet au 8 août. Treize jours de terreur. Lorsque le calme revient dans la ville, on dénombre au total 537 blessés et 38 morts – 23 parmi les Noirs et 15 parmi les Blancs ».

« Libérer la possibilité de comprendre ». Raconter ne suffit pas. Il faut replacer le Red Summer dans l'histoire longue des violences raciales dont les lynchages, les migrations de populations afro-américaines du Sud vers les villes du Nord, l'essor de la main-d'oeuvre industrielle, l'« arrachement » des migrant-e-s mêlé à « l'insécurité, l'humiliation et la misère organisée pour eux », la racialisation « manifeste et incessante » des relations sociales, l'attribution de « propriétés naturelles » aux populations, les « routines policières », l'action des gangs de blancs… « Les émeutes, autrement dit, n'ont rien de la simple pulsion raciste assouvie dans l'instant que les lectures paresseuses voudraient voir. Si elles prennent un tour racial, c'est que les conditions dans lesquelles elle se produisent sont tout entières travaillées par les catégories raciales de perception du monde auxquelles elles donnent brusquement l'occasion d'une réalisation tangible dans les bagarres et les meurtres – qui à leur tour légitiment l'existence de préjugés de race ».

Il faut donc contextualiser les rapports sociaux, rendre compte de leur complexité et des contradictions qui les traversent, « rendre les problèmes sociaux à leur contexte »…

Hier et aujourd'hui. Ferguson en août 2014, dément une nouvelle fois « l'histoire, flamboyante et apaisée, que l'Amérique aime à se raconter d'elle-même ». Et si les rapports entre inégalités sociales et domination ne sont pas statiques, le récit étasunien reste construit sur « l'illusion de l'indifférence raciale ».

Chicago 1919, Tulsa 1921, Harlem 1943, ghetto de Watts 1965, Hot Summer 1967, émeutes en 1968, Miami 1980, Brooklyn 1991, Los Angeles 1992, Cincinnati 2001, Sanford 2012…

Christophe Granger aborde aussi, les politiques de rénovation urbaine, la ghettoïsation, les guerres de gangs, le chômage et la désertification industrielle, les politiques de pénalisation de la misère, les renvois à la seule responsabilité individuelle, sans oublier le façonnage des « mots pour le dire »…

Le lecteur et la lectrice pourront sauter la courte note introductive d'août 1919 de Walter Lippmann, bien révélatrice de l'intériorisation des processus de racialisation !

Les émeutes raciales de Chicago. le franchissement d'une ligne de ségrégation imaginaire, la passivité des autorités municipales, les gangs et la loi de la jungle, la surpopulation et les taudis, la ligne Mason-Dixon et les états esclavagistes du sud, les facteurs de tensions (logement, politique et troubles psychologiques liés à la guerre, organisation du travail)…

« de meilleurs emplois, le droit de voter et de voir son vote comptabilisé lors du dépouillement, l'absence de ségrégation sur la voie publique et dans les transports, une moindre discrimination raciale, une attitude plus tolérante de la part des Blancs, l'égalité des droits en termes d'éducation : voilà quelques-unes des raisons qui attirent un flot continu de gens de couleur fuyant le Sud pour le Nord »

Carl Sandburg insiste particulièrement sur la non-prise en considération de ce que les populations afro-américaines « considèrent comme leur incontestable américanité », les migrations depuis le sud et leurs effets, les politiques immobilières et la perception des dévalorisations par des populations blanches, les besoins de « main-d'oeuvre noire » et ses évolutions après la fin de la première guerre mondiale, les nouveaux emplois industriels et les nouvelles opportunités d'emploi, les revendications, « C'est sur l'égalité économique que les discours et les écrits des gens de couleur eux-mêmes mettent l'accent », les lynchages, les métiers des « femmes de couleur », les usines de confection, l'industrie de la viande…

L'auteur analyse le marché des logements « soumis à la panique », l'essor des loyers et les théorisations absurdes, l'effet du doublement de la population sur l'immobilier… Il aborde les rapports des organisations syndicales à la ségrégation, revient sur les lynchages, sur le qualificatif « de couleur » (la NAACP prône, entre autres, « L'abolition du qualificatif « de couleur » et sa substitution par « Américain » tout court »), les revendications d'égalité…

J'ai notamment été intéressé par le chapitre « Pour une action fédérale ».

L'ouvrage comporte aussi un cahier documentaire et de nombreuses reproductions photographiques
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Une lecture nécessaire pour comprendre les émeutes raciales américaines

Il y avait bien longtemps que je n'avais pas lu un documentaire. Il y avait longtemps que mes tripes n'avaient pas été retournées de la sorte. Toutes mes félicitations à Anamosa qui est le premier éditeur à traduire ce texte devenu un classique de l'autre côté de l'Atlantique et paru en 1919. Oui paru il y a quasiment un siècle, pourtant il est au coeur de l'actualité. Les Etats-Unis sont aujourd'hui encore aux prises avec des émeutes raciales, le dernier épisode dont nous avons tous entendu parler : les émeutes de Ferguson.

Le 27 juillet 1919, suite à un meurtre Chicago s'embrase. le jeune Eugène Williams se noie. Ce jeune noir « navigant » sur un radeau franchit une barrière invisible. Une frontière imaginaire entre la plage réservée aux blancs et la plage réservée aux hommes de couleur. Il se retrouve sous une pluie de pierres qui l'empêcheront de rejoindre le rivage. La police refuse d'intervenir malgré la désignation du ou des coupables. le policier est blanc, les accusateurs noirs. Chicago sera le point de départ du « Red Summer ». Des dizaines d'autres villes américaines vont connaître de semblables émeutes raciales. le contexte est tendu après la Première Guerre Mondiale et avec la recrudescence du Ku Klux Klan. le journaliste et poète Carl Sandburg couvre les émeutes mais sans aucun voyeurisme. Il explique le phénomène, la raisons de la colère. Il fait du reportage.

Le livre est découpé en trois parties. La première est une préface de l'historien Christophe Granger. Il contextualise et décrypte le mouvement global, le « Red Summer » et éclaire la période actuelle que traversent les Etats-Unis. La deuxième partie est le reportage de Carl Sandburg. Pour finir, la troisième partie est un cahier documentaire avec photos, chronologie des faits, liste des victimes…

Anamosa publie ici un livre qu'il est nécessaire de lire si nous voulons un éclairage et une analyse sur les récentes émeutes raciales qui secouent les Etats-Unis.
Lien : http://www.librairie-renaiss..
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Eté 1919, des flambées de violence ensanglantent plusieurs villes des États-Unis : le « Red Summer » (ainsi nommé par James Weldon Johnson), est l'un des moments importants des violences raciales qui jalonnent l'histoire des États-Unis. C'est après les émeutes de Chicago, paroxysme de cet été, que Carl SANDBURG (1878-1967) rédige ce livre non pour décrire les violences et les meurtres mais pour tenter de les expliquer.

Alors que l'oeuvre a été publiée en 1919, ce livre est sa première traduction en français (97 ans plus tard…), mais une belle édition pour ma part. le livre est divisé en 3 grandes parties : une longue préface qui replace le texte de Carl SANDBURG dans son contexte et nous explique son originalité ; le texte lui-même, composé en fait de nombreuses et courtes chroniques ; un dossier documentaire, construit à partir du rapport produit par la Chicago Commission on Race Relations : le dossier énumère les victimes de ses violentes émeutes (ce décompte macabre s'organise dans l'ordre chronologique des victimes dont chacune bénéficie d'une petite fiche avec son nom, sa couleur de peau, la date, l'heure, les causes et les circonstances de sa mort). Au début et à la fin du livre, deux séries de photos illustrent les émeutes puis l'intervention de l'armée.

L'ouvrage de Carl SANDBURG est constitué de différentes chroniques publiées dans le Chicago Daily News. Son style est clair, journalistique. L'auteur dresse un portrait saisissant de la vie difficile des « nègres » ou « personnes de couleur » (comme il était de règle de dire à cette époque et que les éditeurs ont choisi de garder) à Chicago : arrivés massivement dans cette ville du Nord pendant la Première Guerre mondiale, attirés par les emplois et chassés du Sud par la ségrégation et les violences (lynchages), mais qui y trouvent encore de la ségrégation - certes atténuée, mais toujours présente - et des problèmes de logement. Ce qui m'a frappé aussi dans ses chroniques, c'est la place importante qu'occupaient les abattoirs dans la Chicago de la fin des années 1910 : ils sont les principaux pourvoyeurs d'emplois pour les minorités de la ville. Cependant, je dois avouer que je ne connaissais que peu l'histoire de la ville et avais surtout l'image qu'elle eut à partir de cette année-là et la décennie suivante : la Chicago de la Prohibition (1919-1933) et de ses autres formes de violences (les guerres des gangs).

Ce livre au format original (le rabat de la quatrième de couverture se referme sur la tranche du livre pour former un coffret) est un excellent témoignage sur les conditions sociales des Noirs dans la ville de Chicago au sortir de la Première Guerre mondiale, c'est pourquoi je le conseille à tous ceux qui s'intéressent aux Etats-Unis et aux conditions de vie des populations pauvres.
Lien : http://andree-la-papivore.bl..
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Face aux événements récents, et malheureusement trop souvent réguliers, la lecture de "Les émeutes raciales de Chicago, Juillet 1919" est une lecture obligatoire. Les émeutes ont presque un siècle, et pourtant il reste tellement à parcourir. La préface nous plonge au cours des événements, sans être un simple étalage de faits, avec aucun ennui. Je lis peu de documentaires, et là peut être que je me suis réconciliée avec ce style grâce à Anamosa et à ce texte. Bien sûr, le sujet m'a plu. Mais surtout l'idée d'éditer ce texte à l'heure actuelle est aussi une merveilleuse idée. On peut aussi faire quelques parallèles avec la France à l'heure actuelle... Carl Sandburg, avec une écriture simple mais pas simpliste, nous offre un reportage qui devrait être une lecture obligatoire pour toutes les personnes s'intéressant aux Etats Unis. "Qu'apprennent des villes, un peuple et une nation en cinquante ans ? Pas grand chose." En 100 ans, toujours pas grand chose non plus...
Petit bonus : les documentaires sont rarement beaux et donnent rarement envie de le prendre en main. Anamosa, avec une charte graphique élégante, belle nous donne envie d'en lire bien plus.
Merci Anamosa !
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Citations et extraits (3) Ajouter une citation
Les émeutes, autrement dit, n’ont rien de la simple pulsion raciste assouvie dans l’instant que les lectures paresseuses voudraient voir. Si elles prennent un tour racial, c’est que les conditions dans lesquelles elle se produisent sont tout entières travaillées par les catégories raciales de perception du monde auxquelles elles donnent brusquement l’occasion d’une réalisation tangible dans les bagarres et les meurtres – qui à leur tour légitiment l’existence de préjugés de race
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De meilleurs emplois, le droit de voter et de voir son vote comptabilisé lors du dépouillement, l’absence de ségrégation sur la voie publique et dans les transports, une moindre discrimination raciale, une attitude plus tolérante de la part des Blancs, l’égalité des droits en termes d’éducation : voilà quelques-unes des raisons qui attirent un flot continu de gens de couleur fuyant le Sud pour le Nord
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En tout, les émeutes ont duré treize jours. Du 27 juillet au 8 août. Treize jours de terreur. Lorsque le calme revient dans la ville, on dénombre au total 537 blessés et 38 morts – 23 parmi les Noirs et 15 parmi les Blancs
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