Roman historique qui se déroule dans la Nouvelle-France du dix-septième siècle, un pavé qui mêle des intrigues amoureuses avec des figures de l'histoire du Québec et des guerres contre les Indiens ou les Anglais.
L'héroïne éponyme, Thérèse Cardinal, est imaginaire. C'est une femme indépendante, une veuve qui préfère les amants de passage plutôt que de se remarier. Elle outrepasse les tabous religieux et les injonctions de l'état qui demandent de procréer sans relâche pour peupler le pays. Elle transmettra son esprit fort à sa fille Marie-Ève qui sera le personnage principal de la deuxième partie.
C'est un pavé qui se lit facilement et qui semble bien documenté. Parfois même trop bien même, l'auteur interrompt parfois la narration pour ajouter la date de naissance et la provenance d'un grand personnage. Comme s'il y avait une erreur de genre, car selon moi, dans un roman, ce type de détail n'est pertinent que s'il participe au scénario, s'il a de l'importance pour la suite.
À d'autres endroits pourtant, j'aurais aimé en savoir davantage. Par exemple, au début du livre, c'est le mois de mai et il fait encore suffisamment froid pour que l'héroïne porte un manteau d'hiver, puis on assiste à la débâcle. Ce n'est vraiment pas normal pour la région montréalaise, au moins 5-6 semaines de retard. En cherchant ailleurs, j'ai finalement trouvé que c'est possible, car l'Amérique a subi une mini ère glaciaire, au dix-septième siècle. Mais alors, ce qui est étonnant dans le roman, c'est que ces aberrations climatiques ne semblent pas une préoccupation pour les habitants même si un froid tardif retarde les semailles et risque de compromettre les futures récoltes, perspectives de famine pour le prochain hiver.
Des petits détails aussi m'ont fait tiquer, comme lorsque « Sa fille, ce personnage de trois mois, tendait vers elle des bras avides » (p. 587), on constate que l'auteur connait mieux le glorieux passé que le développement de l'enfant…
Une lecture intéressante pour qui s'intéresse à l'épopée de ces Français qui sont venus s'établir sur quelques arpents de neige…
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De verdoyant qu’il était, le paysage devenait splendide l’hiver. Le parfum des fleurs cédait la place à la pureté de l’air, les couleurs multiples au blanc immaculé. Il y avait de l’orgueil chez les Canadiens à se tenir debout dans la bourrasque, surtout lorsque quelque nouvel arrivé geignait devant eux sous les coups de dent du froid.
(p. 519)
Il trouvait lui-même des explications quand celles des adultes ne le satisfaisaient pas : « Moi, je pense que la lune, c’est le soleil quo dort les yeux ouverts après avoir rentré ses rayons. »
(p. 68)
"Mathurin Regneault pensa au temps de son enfance quand, dès l'arrivée des premiers grands froids, les gens se barricadaient dans leur maison pour attendre le printemps. L'hiver ne dérangeait plus vraiment, on s'y était habitué. S'il n'était pas venu, on l'aurait sans doute déploré. De verdoyant qu'il était l'été, le paysage devenait splendide l'hiver. Le parfum des fleurs cédait la place à la pureté de l'air, les couleurs multiples, au blanc immaculé. Il y avait de l'orgueil chez les Canadiens à se tenir debout dans la bourrasque, surtout lorsque quelque nouvel arrivé geignait devant eux sous les coups de dent du froid. Mathurin aimait à se répéter: "Moi je suis d'ici." En descendant la côte de la Montagne, du bras il désigna le blanc infini, doré par endroits, du fleuve: "Des couleurs pareilles, ça ne s'invente pas!" p.485
Ce n’était plus une rumeur; c’était la vérité, et tout un drame. Un horrible drame. Le plus épouvantable, peut-être, qu’eût connu jusqu’alors l’histoire de Montréal, parce qu’il était l’œuvre du diable lui-même et que la victime, innocente, en était un enfant.
Un crime. Prémédité et d’une cruauté abjecte. Tous les habitants de Montréal se le reprochaient un peu, car depuis longtemps ils répétaient qu’une sorcière logeait dans la ville, et personne n’avait rien fait pour la chasser. Ils s’étaient bornés à manifester leur indignation et à prier leurs prêtres de les libérer de la présence de cette magicienne aux sombres maléfices.
"Au bout du fleuve géant, grande comme une province de France, l'île dormait sous la neige. Elle était allongée entre deux bras d'eau glacée, découpés à même la forêt dont l'immensité recouvrait tout un continent. Autour de l'île, le territoire était si vaste, la nature si sauvage, que le moindre vent, la moindre pluie, la moindre variation brusque de température prenaient des proportions de catastrophe. Les changements de saison étaient des mutations d'univers qui bousculaient profondément la vie des êtres, les chassaient, les ramenaient, les broyaient ou les libéraient, les sauvaient ou les perdaient." p.11