Ce Chuchoteur nous entraîne dans une véritable descente aux enfers !
Apparemment parfaitement documenté sur le sujet,
Carrisi nous fait participer de l'intérieur à une enquête faisant la part belle aux théories criminologiques les plus connues du grand public : tueur organisé ou désorganisé, élément déclencheur et autres sont donc exploités avec brio par l'auteur qui nous plonge dans un beau suspense.
Ce qui est particulièrement déstabilisant dans ce thriller, c'est la façon dont Albert (le nom que l'équipe d'enquêteurs a donné au tueur) s'attache à dénoncer d'autres criminels. Les corps des fillettes sont retrouvés petit à petit, mais pas n'importe où : Albert dispose les corps dans des lieux ayant servi à d'autres tueurs pour commettre leur crimes. C'est donc presque comme si les cinq fillettes devaient mourir pour expier les fautes de certains êtres humains qui, à un moment de leur existence, ont dérapé; et cette impression met particulièrement mal à l'aise.
De plus, la logique d'Albert finit par sembler justifiée et normale : après tout, si vous aviez connaissance d'avoir un pédophile comme voisin, ne le dénonceriez-vous pas aux autorités compétentes ? le fait qu'Albert dénonce donc ses semblables le fait paraître utile à la société, même si le moyen qu'il utilise pour ces dénonciations (les cadavres des fillettes) est atroce. Face à cette conduite très particulière d'Albert, on en arrive à se demander si un tueur en série qui fait emprisonner ou tuer d'autres tueurs en série peut toujours être considéré comme un "monstre". D'autant qu'Albert attire l'attention des enquêteurs sur des drames qui seraient certainement passés inaperçus autrement. Comme s'il souhaitait que justice soit enfin rendue (alors que lui-même est un tueur en série qui a mutilé des enfants de sept à treize ans ! ) mais aussi comme s'il espérait souligner les manquements et les erreurs de chacun des membres de l'équipe d'enquêteurs. le tueur en série peut-il devenir un justicier ? le fait même de se poser ce genre de questions montre à quel point le récit est déstabilisant et fait perdre tout repère.
Mon seul regret concernant ce thriller très efficace, ce sont les dernières pages.
Carrisi fait preuve d'une maîtrise exceptionnelle de son sujet, il créé avec brio un tueur en série insaisissable; mais les derniers chapitres donnent l'impression d'avoir été bâclés. Un peu comme si l'éditeur avait communiqué une date limite à l'auteur pour la réception de son manuscrit et que
Carrisi, n'ayant pas encore terminé son récit, ait dû se dépêcher d'inventer une fin plausible... mais qui détonne par rapport au reste de l'histoire. On reste sur sa faim avec ce dénouement, on a l'impression que la personnalité d'Albert et des enquêteurs ne sont pas exploités à fond par
Carrisi. Ainsi, le cas de Mila, l'enquêtrice spécialisée en disparition d'enfants, est particulièrement frappant : elle semblait plus crédible dans les premières pages du roman, en flic froide et déterminée, souffrant d'une absence totale d'empathie; que lors de ses dernières apparitions, où elle se met à pleurnicher parce que sa capacité d'empathie est brusquement revenue comme si de rien n'était (abracadabra?).
Une fin plus sombre, plus désespérée, aurait paru plus adaptée que l'incertitude face à laquelle on se trouve.