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Critique de fbalestas


C'est une fable.
Une fable sur le Bien, et le Mal, les puissants et les faibles, la Vengeance et la Justice.

L'histoire a déjà été contée.
Si vous êtes flic, et que votre propre fille se retrouve séquestrée par de drôles de types, des hommes sans scrupules soupçonnés d'être d'horribles prédateurs sexuels : alors vous ne pouvez faire qu'une seule chose : reprendre vos réflexes de flics et récupérer votre fille coûte que coûte.

Et même si celle-ci vous ait rendue – Cosette, que l'on connaît depuis « Terra Alta » et « L'indépendance » ne sera pas retrouvée morte comme bon nombre d'autres jeunes femmes qui n'auront pas la même chance – vous comprendrez vite qu'elle a vécu un tel traumatisme que vous réclamerez Justice.

Seulement voilà.

Avec ce type d'homme ultra-riche, la corruption est monnaie courante, et si celui-ci a corrompu la totalité de la justice locale et même au-delà, il ne vous restera qu'une alternative :
- Soit ne rien faire, et tenter de ramener Cosette à une vie normale
- Soit vous lancer dans un plan ultra dangereux destiné à éliminer ce Weinstein espagnol pour l'empêcher de nuire encore.


J'ai eu la chance d'entendre Javier Cercas en personne dans une rencontre littéraire parler de ce livre-ci.

« Ecrire un livre », dit-il, « c'est comme jouer à un jeu dont on découvre les règles au fur et à mesure, comme le lecteur découvre les règles au fur et à mesure qu'il les lit. »

« Les romanciers sont des charognards », a-t-il dit encore. « Ils se repaissent des crises, des guerres ou des catastrophes. »

Javier Cercas préfère parler de tryptique plutôt que de trilogie. Il assure que « le Château de Barbe Bleue » est le plus lumineux des trois. L'histoire se passe ans après « Terra Alta » et l'histoire du meurtre horrible des parents de Rosa, avec qui Melchor vit désormais.

Melchor est un « mauvais bon flic » selon l'expression de son auteur.
Javier Cercas cite aussi les deux vertus extraordinaires et nécessaires pour ces héros : le courage et le charisme. En précisant bien qu'il ne s'agit pas du charisme des politiciens, qui ont détourné cette qualité, mais le charisme initial qui fait que tout le monde vous suit même si vos plans sont très dangereux.

Ecrire un roman, c'est aussi pour lui une formuler une question complexe et ne pas y répondre.

La question essentielle de ce roman, disait-il aussi, est la suivante : « Est-ce que c'est légitime de rendre la justice par soi-même quand la justice humaine n'est pas au rendez-vous ? »

La littérature, selon lui, c'est interroger nos certitudes.
Et aussi s'attacher à des personnages qui ont un côté monstrueux (citant Richard III de Shakespeare, Crime et Châtiment de Dostoïevski ou le Parrain de Scorcèse).

Ce n'est pas difficile de s'attacher à Melchor. On est de son côté, bien sûr, et on est bien contents à la fin que le prédateur sexuel, un magnat ultra riche, se fasse pincer à la fin.

Comme plus globalement, on peut être en colère contre ces 1% qui pillent la planète à coup de vols en jet privés ou de bilan carbone faramineux. Les ultra-riches ne devraient-ils pas payer, au sens propre et figuré du terme ? Mais je m'éloigne, je m'égare un peu du roman de Javier Cercas, même si je suis persuadée qu'il y a quelque chose de réel dans ce sentiment de libération que l'on éprouve à la fin.

Un dernier mot de Javier Cercas qui racontait, lors de cette rencontre littéraire, qu'il devait participer à une conférence et résumer notre siècle actuel à une caractéristique. Et une demi-heure avant le début il ne savait pas ce qu'il allait dire. Mais il a eu une intuition.

Son intuition c'est que le drame de notre XXème et début du XXIème c'est que la moitié de l'humanité (en l'occurrence les hommes) aient assujetti l'autre moitié (donc le femmes) comme l'esclavage à une certaine époque. Et le scandale pour lui ce sont tous ces féminicides qui devraient devenir anachroniques et qu'on devrait punir le plus sévèrement possible. Les hommes doivent suivre ce courant féministe, très décrié par certains, et rétablir une véritable égalité entre les femmes et les hommes et mettre fin à cet assujettissement.

« le Château de Barbe Bleue » est le meilleur de la trilogie. Pas la meilleure intrigue – c'est « Terra Alta » qui l'emporte pour son enquête policière très bien ficelée – mais le plus libérateur.

Cette fable fait du bien, parce que le bien faible triomphe du mal obscène, et c'est comme un pansement qui se pose sur toutes les plaies féminines qui existent encore trop souvent sur notre planète.
Il ne nous reste plus qu'à espérer que la fable ou le conte de fée de Javier Cercas devienne enfin réalité.
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