Le Bâtard de Kosigan, tome 2 : Le fou prend le roi

L'incompétence est sans doute la chose la mieux répartie en ce bas monde.

De manière générale, les rois trahissent rarement leur parole en public, hormis s’ils ont davantage à y gagner qu’à y perdre.

Quel que soit le lieu, la religion ou l'époque, on dirait bien que les hommes ont le don de pervertir le divin pour justifier leurs plus basses besognes.

Au moins avec la religion du Christ on sait à quoi s’en tenir ; les hommes qui la servent par les armes sont tout aussi brutaux que les autres, c’est certain, mais ils ne réclament pas d’égorger des vierges ou des nourrissons pour sustenter ceux qui vivent au ciel, au vent, à la sève des arbres, aux rivières, ou dans je ne sais pas quelles ténèbres des Neuf Profondeurs.

N'importe quel joueur passionné vous le dira, plus dangereux est l'adversaire, plus forte est la mise, et plus grisant s'avère le succès. Et aucun enjeu n'aura jamais davantage de valeur que celui de sa propre vie. Si ce n'est, évidemment, qu'un beau jour, un objet pointu me transpercera le cœur de part en part, histoire de me rappeler à quel point les hommes sont tous mortels...

Et lorsqu'un homme décide de partir pour l'Enfer, son ombre n'a d'autre choix que de cheminer en sa compagnie, quoi qu'il advienne.

D'après ce que Marjeurie a pu nous expliquer, le nom de la Ciguë Joyeuse provient de celui de la bière maison, légère et affreusement amère, que l'on y sert. Un nectar immonde semble-t-il, mais particulièrement euphorisant et désaltérant, capable d'échauffer la tête du plus épais des forgerons dès la première chope et de noyer, en quelques gorgées seulement, les peines et les misères du quotidien. Le fait qu'elle puisse également se révéler aussi mortelle que le poison dont elle porte le nom paraît ici unanimement considéré comme une qualité supplémentaire.

Aucun des lieux de pouvoir de ma connaissance n'est exempt de prison, d'oubliettes ou de salle de torture.

À cette heure, les deux armées ennemies doivent se faire face et, ce soir, lorsqu’il disparaîtra par delà l’horizon, le monde comptera quelques milliers d’âmes en moins. Ainsi qu’un nombre appréciable de culs-de-jatte, de borgnes et de manchots supplémentaires.
Le jeu consiste à essayer de ne pas en faire partie…

Mon maître, le commandeur Carrayan, avait coutume de dire que les larmes sont les épées des dames. Ces petites gouttes de pureté et de fragilité placent les femmes dans une apparente position de soumission. Comme au creux de votre main. Sous votre protection. Toute parole prononcée ensuite sous ce serment silencieux - même s'il s'agit du plus odieux des mensonges - prend alors le goût d'une vérité absolue.