Tuer Petain

J'avais beaucoup aimé le précédent roman de Pascal Chabaud Mort d'un sénateur, qui mettait déjà en scène le personnage de Joseph Dumont. Après quelques péripéties éditoriales, les deux romans paraissent dans une nouvelle maison. Je conseille d'ailleurs fortement de les lire dans l'ordre, même si Tuer Pétain peut tout à fait être lu indépendamment de Mort d'un sénateur.

L'auteur est un historien de métier, passionné et cela se ressent à chacun de ses ouvrages. Il sait de quoi il parle et campe les lieux et l'époque avec de minutieux détails qui font mouche à coup sûr. Des éléments de la vie quotidienne aux lois promulguées, tout coule avec aisance, grâce à son écriture soignée sans être ampoulée.

On apprend énormément sur les premiers temps du régime de Vichy, juste avant que sa collaboration avec le Reich ne devienne d'une servilité qui allait jusqu'à devancer les demandes des Allemands. Les différents personnages sont croqués avec une justesse qui fait froid dans le dos. L'instituteur de village, les premiers résistants, les flics violents et antisémites (le personnage de Brouyard est un Sadorski en puissance), les anciens combattants... tous viennent livrer leur petite chanson entêtante et se préparent à ce qui va suivre.

Contrairement à nombre de polars historiques, Tuer Pétain n'hésite pas à ajouter à l'action un contexte fort et pédagogique qui permet de mieux appréhender les évènements successifs. C'est passionnant, ça se lit d'une traite sans avoir envie de poser le livre.

Pascal Chabaud ponctue son enquête d'une foule d'anecdotes, il continue son exploration des méthodes scientifiques au service de la police, empreintes digitales et balistique viennent au secours de Joseph Dumont. Un petit détour par le bagne et ses atrocités, par la vacuité criminelle de certains officiers pendant la grande guerre aident à mieux comprendre les motivations menant à l'attentat contre le Maréchal.

Dans Mort d'un sénateur, chaque chapitre s'ouvrait sur un extrait du Journal Officiel. Cette fois, ce sont les unes du journal La Montagne. Une façon d'ancrer encore plus le récit dans une réalité souvent déplaisante.

Pas de super-héros, de super-flics, mais, dans chaque camp, des citoyens assez ordinaires propulsés dans l'atrocité d'une guerre et qui font de leur mieux pour survivre tout en faisant avancer leurs convictions.

Une belle réussite ! J'espère retrouver Joseph Dumont pour la suite de la guerre et, rêvons un peu, avec une enquête pour chaque année de conflit.


NB : la version papier offre la possibilité d'une lecture en réalité augmentée, grâce à des pictogrammes à scanner avec le téléphone, pour accéder à des documents correspondant au contenu du roman.