Pascal Chabaud a enseigné l'histoire pendant toute sa carrière. Il invite à « relire l'histoire de la France pendant la Seconde Guerre mondiale sous un angle original : comment se comportent les hommes face à des événements qui les dépassent. Sur un fond historique très richement documenté, il construit ses intrigues policières, prétextes à la découverte du régime de Vichy, tiraillé entre collaboration et nationalisme, et nous aide à comprendre les mentalités des hommes politiques pendant ces années noires. »
Voilà qui résume bien l'essence de ce polar historique d'un auteur ami Facebook que je viens de découvrir. de l'autre côté de l'Atlantique (au Québec), les dessous de ce pan de l'histoire de cette France divisée, l'occupée et la libre sont peu ou mal connus. Avec
Mort d'un Sénateur,
Pascal Chabaud, passeur de mémoire, nous imprègne du climat social, politique et économique auquel sont confrontés les citoyens qui sont restés au nord et ceux qui ont fui vers le sud. Accompagnés par les membres du gouvernement, élus et sénateurs depuis Paris jusqu'à Vichy. Un quotidien où antisémitisme, chasse aux francs-maçons et groupes extrémistes côtoient les purges politiques :
« Les lois sur les sociétés secrètes et sur le nouveau statut des Juifs donnaient à la police des pouvoirs qui n'étaient pas ceux que Joseph recherchait. Et qui ressemblaient à ceux dont disposait la Gestapo. » (p. 336)
Pour apprécier au maximum ce roman très riche dans sa facture – faits historiques, politiciens et personnages acteurs de l'époque, vie quotidienne… –, je vous suggère vous aussi de lire au préalable la préface de
Eric Alary, professeur de la Chaire supérieure en histoire à Tours, mais également la postface de l'auteur aux pages 353-354. Ces deux textes permettent d'intégrer la trame policière fictive dans la chronologie des événements.
En 2019,
Mort d'un Sénateur s'est mérité le Prix du roman historique décerné par le cercle littéraire Catherine de Médicis de Clermont-Ferrand. La qualité littéraire de ce récit se démarque par la qualité d'écriture de l'auteur et par la précision quasi chirurgicale des moindres détails qui font cheminer cette première enquête de l'inspecteur Joseph Dumont jusqu'à son dénouement imprévisible. le tout enchâssé dans des descriptions à la fois révélatrices et poétiques comme celle-ci :
« Ils restèrent silencieux dans le soir tombant. Les oiseaux se préparaient à la nuit. Un merle, juché à la cime d'un érable racontait sa journée à la terre entière, insensible aux malheurs et aux incohérences des hommes. » (p. 305)
Ou celle-ci sur la vie quotidienne :
« Certains quartiers avaient été épargnés par la présence allemande et, sans les files d'attente devant les commerçants, on aurait pu se croire en temps de paix. Il traversa les Halles qui n'avaient rien à voir avec celles du Ventre de Paris. Les étals étaient presque vides, proposaient rutabagas, topinambours et quelques carottes. Les bouchers faisaient grise mine et Joseph aurait hésité à donner à ses chiens les rares morceaux de viande exposés. Sur sa vitrine, un crémier rayait les produits qui n'étaient plus disponibles, au grand désespoir des clients dont certains repartaient sans rien dire. Joseph suivit une vieille dame des yeux. Elle s'approcha de caisses en bois qui contenaient des rebuts de légumes. Elle ouvrit son sac, et ramassa trois oignons. » (p. 333)
Ou sur la littérature du crime, que partage Chabaud avec son enquêteur :
« Ses lectures de
Conan Doyle ou d'
Edgar Poe le fascinaient par la facilité de déduction avec laquelle Holmes ou Dupin pouvaient trouver la profession d'un témoin ou le tabac qu'il fumait.
Il savait qu'il ne serait jamais ni Holmes ni Dupin, parce que l'auteur du roman connaît avant tout le monde le nom de l'assassin. Mais il aimait partir sur des pistes différentes, variées, faire fausse route aussi, parce que c'était de l'erreur que naissait parfois le germe qui permettait de suivre la bonne direction. » (p. 335-336)
Comment ne pas endosser cette réflexion que se fait l'auteur sur la création littéraire : « D'où viennent ces mots, ces expressions que l'on écrit sans vraiment l'avoir voulu, mais qui font partie de notre ‘' capital lexical ‘' ? » (p. 357)
Un volet historique important dans ce polar historique qui se lit d'un trait :
Mort d'un Sénateur vous fera peut-être aussi découvrir comme moi les dessous du projet de TPV (Toute Petite Voiture) [http://www.la2cvmania.be/09_TPV_1939_2cv.htm] de Citroën/Michelin, projet de véhicule minimaliste devant être accessible aux classes moins fortunées.
Définitivement,
Pascal Chabaud est un auteur à découvrir si ce n'est déjà fait. Particulièrement au Québec. Pour ma part, j'ai bien hâte d'accompagner Joseph Dumont dans sa prochaine enquête :
Tuer Pétain.
Originalité/Choix du sujet : *****
Qualité littéraire : *****
Intrigue : *****
Psychologie des personnages : *****
Intérêt/Émotion ressentie : *****
Appréciation générale : *****
Lien :
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