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Citations sur L'Enragé (350)

- Tu sais pourquoi je t'ai tendu la main, le premier jour ?
Non, je ne savais pas.
- Pour que tu desserres le poing.
J'ai souri.
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Qu’est-ce que ce type attendait de moi ? Qui voudrait sauver un colon évadé ? Et pour quelle raison ? Charité chrétienne ? Le type avait une croix brillante autour du cou, mais je n’y croyais pas. Le Bon Dieu et tous ses saints n’avaient jamais mis le pied à la Colonie pénitentiaire. Pendant les coups de bâton, les tours de Bal, les humiliations, la faim, quand les petits étaient enfouis dans la braguette des grands sans que les gardiens bougent, il était où Jésus ?
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Pendant la guerre de 1870, les fantassins bretons réclamaient davantage de pain et de vin à leurs officiers pour mieux botter le cul aux Prussiens. Ces soldats ne parlaient pas français. Et c’est en breton qu’ils revendiquaient du bara frais et des pichets de gwin.
Ils scandaient Bara ! Gwin ! Bara ! Gwin ! prêts à mettre la crosse en l’air.
— Cessez de baragouiner ! hurlaient les gradés.
Depuis Napoléon III la formule était restée. Et le mépris qui va avec. 
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Je ne pensais pas, je ne criais plus. Le réfectoire tanguait. Je voyais à peine. Une furie rouge. Mon cœur entier tenait dans mes poings. Mes tempes étaient douloureuses. Je claquais des dents. Je faisais trois gestes inutiles pour un mouvement nécessaire. Je ne courais pas, je dansais. Je grimaçais dans le tumulte. Je tirais une langue de gargouille. Tout était en train de disparaître. Les insultes, les brimades, les vexations, les humiliations, les coups. Le froid de l'hiver, la brûlure de l'été, l'odeur de nos corps sales, la faim, les punaises, les poux, la gale. Je nettoyais sept ans de bagne à grande eau. À coups de hargne. J'étais enragé. Je respirais. Je vivais.
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Éducation correctionnelle, comme ils disent. Ils veulent nous instruire, nous ramener au bien. Pour nous inculquer le sentiment de l'honneur ils nous redressent à coups de trique et de talons boueux. Ils nous insultent, ils nous maltraitent, ils nous punissent du cachot, une pièce noire, un placard étroit, une tombe. Ils nous menacent le jour et la nuit. Ils nous malaxent, nous brisent, nous pétrissent comme de la pâte. Ils concassent les mauvaises graines. Ils nous veulent tendres et lisses comme du pain blanc. À la salle de police les chenapans, les nuisibles, les voyous. À la taloche les dégénérés, les vicieux, les incorrigibles. Au mitard les infâmes. Briser les tout-petits, étrangler les plus grands, les rêves des uns, la colère des autres. Transformer ces gibiers de potence en futurs soldats, puis en hommes, puis en plus rien. Des spectres qui erreront dans la vie comme dans les couloirs d'un bagne, serviles, honteux. Qui iront à l'usine les épaules basses, comme à confesse. Qui jamais ne se révolteront. Qui s'étourdiront au bal du samedi, à la rencontre d'un jupon. Et qui l'épouseront sous le coup du vin, l'urgence d'un ventre plein. Vie en lambeaux, sans grâce, sans lumière. Puis qui mourront, un matin pour rien, avec le masque gris d'un enfant de Belle-Île.
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L'ami, c'est celui qui t'ouvre sa porte au milieu de la nuit sans te poser de questions.
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Les récifs, les courants, les tempêtes. On ne s'évade pas d'une île. On longe ses côtes à perte de vue en maudissant la mer.
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L'océan, encore et toujours. Depuis le premier jour à la colonie, il ne m'avait jamais quitté. Même après avoir fait le mur. Lorsque je pêchais dans sa houle, la mer ne me portait pas, elle m'encerclait. Sa fureur hantait mes jours, mes rêves. Quand j'ouvrais les yeux, elle me barrait l'horizon. Lorsque je les fermais, elle me submergeait. J'étais devenu une île. Une prison ancrée au milieu de l'eau. Je n'avais pas réussi à m'évader. Je tournais en rond comme une mule sur le chemin côtier.
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Lorsque nous avons passé le môle et la capitainerie, la mer est devenue grosse. Sauvage comme je l’aimais. Les vagues se jouaient de nous. Le bateau tanguait. C’était bien. Pour apprécier la terre ferme il faut goûter de la mer molle. Cet infini qui nous échappe, se dérobe sous la quille, se rue sur l’étrave comme un taureau furieux.
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Nous n’étions pas seulement des détenus mais aussi des esclaves. Charpentiers, chaudronniers, cordiers, ferblantiers, pêcheurs, usineurs de boîtes de sardine, nos ateliers produisaient pour le reste de la population. Les colons paysans de Bruté nourrissaient les gens honnêtes. Les plus sages des détenus étaient loués aux fermes alentour, aux commerces, à des particuliers et c’est la colonie qui touchait leurs salaires.
(page 375)
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