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EAN : 9782916120133
520 pages
Ithaque (24/09/2010)

Note moyenne : /5 (sur 0 notes)
Résumé :
Vous aimez le goût du sirop à la fraise et celui du sorbet au citron. Vous avez un orgasme. Vous contemplez le bleu gris d'un ciel froid d’automne. Vous ne parvenez pas à vous rappeler une pensée que vous avez pourtant sur le bout de la langue… Toutes ces expériences accompagnent une activité cérébrale. Notre cerveau traite en effet une foule d’informations en provenance du monde extérieur et de notre propre corps. Mais à quoi bon ces expériences ? Pourquoi ce trait... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
La gloire du pionnier, c'est de forcer une voie.
Sa tristesse, c'est de poser des questions auxquelles d'autres
devront répondre.

Australien, David Chalmers commença par étudier les mathématiques, avant de noter une curieuse fascination pour la question des origines de la conscience. Après un premier diplôme en maths, il se réorienta vers la philosophie à Oxford, reçut même à cet effet une bourse de la prestigieuse fondation Rhodes, mais n'y trouva pas son terroir intellectuel. Finalement, c'est à une université américaine qu'il écrit et défend sa thèse de doctorat sous Douglas Hofstadter en 1993. le présent ouvrage est une version revue et complétée de cette thèse, publiée en 1996.

L'objectif premier de David est de défendre l'existence de la conscience, qui peut se décrire comme le vécu subjectif, l'expérience d'un “moi” et de son interaction avec le monde extérieur. Une chose tout à fait élémentaire pour vous et pour moi, mais une illusion selon les courants majoritaires en neurologie et même en psychiatrie ou en psychologie. Pour eux, seules existent des fonctions cognitives, produites par un appareillage neurologique. Un peu comme votre montre calcule l'heure ou une calculette effectue une opération. Mais il n'y a personne à l'intérieur de la machine. C'est un peu comme si nous étions des robots biologiques. Strictement parlant, le patient d'un neurologue ou d'un psychiatre est un système présentant des dysfonctionnements, système qu'il s'agit de ramener à un fonctionnement plus normal : la calculette produit des résultats erronés, il faut la réparer. Il va sans dire que les neurologues ou psychiatres cliniciens ont, la plupart du temps, une attitude nettement plus humaine envers leurs patients, mais ceci n'a rien à voir avec leur baggage scientifique, et tout à voir avec leur empathie qui est … une des fonctions des systèmes physiques qu'ils “sont”, eux aussi. Les robots réparent des robots.

Chalmers veut donc établir l'existence de la conscience, définie en ce sens, comme une réalité, et en faire un sujet légitime de recherches. Ce qui en 1993 était un programme extrêmement audacieux, surtout pour un jeune doctorant, car radicalement opposé au consensus philosophique et scientifique de son temps. Est-ce pour cela qu'il a quitté Oxford ? En tous cas, ce projet occupe la première moitié du livre, où Chalmers se bat se débat et se contorsionne pour libérer un espace où pourrait exister cette conscience, entre matière et esprit, entre science ( des années 1990) et religion, entre réductionnisme et holisme, …. Dans la seconde partie, il lui reste à tenter de définir, dans la mesure du possible, les relations entre cette “conscience” et la matière, à discuter du caractère légiféré ou non de la conscience et donc de son aptitude à faire l'objet d'une étude scientifique, a méditer quant au genre de “lois” auxquelles elle pourrait obéir et à la base matérielle dont elle pourrait jaillir. C'est ainsi qu'il se demande si seule une entité biologique pourrait être consciente, ce qui le mène à des considérations que j'ai trouvé très amusantes ( j'en suis à me demander si mon téléphone…??).

Une lecture ardue, vraiment très exigeante, non par l'usage de jargon technique ou par une syntaxe alambiquée, mais par cette structure arborescente où des raisonnements se déploient sur des dizaines de pages d'arguments, d'exemples, de contre-exemples, de discussions. Il ne s'agit certainement pas d'un ouvrage de vulgarisation mais d'une thèse qui a ouvert une voie à d'autres chercheurs tant en philosophie qu'en sciences cognitives. C'est à la fondation d'une école, d'un nouveau courant de recherche que nous assistons. Puisse-t-il être fructueux.




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Le problème concernant la conscience pourrait être très vite résolu si les mecs surpayés pour ne rien branler ne craignaient pas de voir leur gagne-pain disparaître avec l'effondrement du problème. La conscience, c'est ce qui fait que certains désoeuvrés se posent la question de son existence. La conscience, c'est ce qui fait que malgré son existence intuitivement éprouvée, on continue à se poser des questions à son sujet, tout ça parce qu'on aimerait la faire entrer dans les catégories momentanées de notre connaissance. La conscience, c'est avoir oublié que les interrogations ne surviennent que sous la forme du jeu et que l'amusement suprême consiste à les poursuivre avec le plus de légèreté possible. Or, ici, c'est la lourdeur qui s'impose.


La question de la conscience m'aurait sans doute parue excitante lorsque j'avais dix ans. C'était l'époque où je m'aimais pas trop. Rien ne m'y encourageait. Je réglai le problème plus tard avec une crise d'adolescence carabinée. A cette époque, j'aurais préféré être n'importe qui d'autre que moi. Donc, étudiant la face satisfaite de mes congénères, je regrettais d'avoir reçu ma subjectivité plutôt que celle de n'importe qui d'autre (environ). Les gamins d'aujourd'hui peuvent contourner cette question en se concentrant sur la gestion de leur compte facebook mais, à mon époque, cela n'existait pas encore, et j'étais trop jeune pour être absorbée par des problèmes de gestion administrative ou de ménage. Donc, je passais beaucoup de temps à ne rien foutre, à regarder la rue depuis ma fenêtre, et forcément ça engrangeait la fonction de la pensée (mais ce n'était absolument pas le but recherché). Fixant les pixels de béton en-dessous de moi (ma fenêtre était au premier étage), ma fameuse conscience justement s'emballait, hallucinant la figure des gens que j'enviais (aujourd'hui, ça me fait bien rire, surtout lorsque je vois dans quelle merde ils se sont engouffrés), essayant de se figurer ce que cela pouvait faire d'être plusieurs subjectivités à la fois, toutes en même temps, et se demandant pourquoi la mienne plutôt qu'une autre ? C'était une conception éminemment religieuse dans le sens où je croyais qu'il y avait une raison.


De même, Chalmers et tous les autres gars qui réfléchissent à la conscience sont des croyants laïcs. Après tout, on ne se poserait pas la question de la conscience si on n'espérait pas trouver une petite récompense au bout. Chalmers précise bien qu'il s'agit de prendre la question de la conscience au sérieux. Pas dans sa version fonctionnelle (comment le bleu résulte-t-il du traitement informationnel d'une longueur d'onde par une zone de mon cerveau ?) mais dans sa version finaliste (pourquoi ce traitement est-il accompagné de la sensation de percevoir du bleu ?). Et quand on commence à se poser la question du pourquoi, ça devient vite sans fin.


Ce livre pâtit de deux inconvénients majeurs :
- Il est illisible. L'auteur nous précise que les lecteurs philosophes du dimanche pourront contourner les chapitres indiqués par des astérisques mais cela revient à éluder la moitié du livre, sans compter tous les chapitres auxquels nous accolerons nos propres astérisques, bien que Chalmers les ait considérés faciles d'accès.
- Il décrit la problématique du hard problem of consciousness d'un point de vue subjectif, militant comme un porte-parole communiste. Parce que le Sphinx peut un jour vous demander quelles sont les opinions de Chalmers, voici la bonne réponse à fournir : il nie le matérialisme et impose un dualisme naturaliste qui s'imagine dépasser le dualisme des substances (corps/esprit) pour accéder au dualisme des propriétés (physique/phénoménale). En gros, le fait que la conscience ne survienne pas logiquement sur les faits physiques montre que ce qui décrit les faits physiques ne décrit pas tout.


L'argumentation est si indigeste à assimiler qu'il se peut fort bien que Chalmers nous entube quelque part. Moi, ça ne me dérange pas qu'on se foute de ma gueule, mais qu'on ne nous emmerde pas sur cinq cent pages avec un ton sérieux entre-temps. Par exemple, lorsque je lis que la notion de vérité conceptuelle issue de Quine entraîne un scepticisme général mais que Chalmers préfère éviter de creuser le sujet parce que « nous avons vu que cela ne conduit qu'à embrouiller les choses », je ne comprends pas pourquoi il ne pose pas aussitôt sa conscience embrouillée pour aller se faire cuire un oeuf. Si on joue le rôle du mec honnête et intègre avec la vérité, on s'intéresse à toutes les questions, même et surtout celles qui nous posent le plus de problèmes.


Faut bien se l'avouer : tous ces mecs philosophes, logiciens, biologistes et autres conneries tournent autour du pot. Ils cherchent à établir une vérité scientifique qui sera plus belle et plus puissante que n'importe quelle conviction religieuse mais ils n'osent pas le reconnaître. Ils jouent la sérénade au sens de la vie mais comme ils restent toujours puceaux, ils abusent sans cesse davantage de leurs bons mots en croyant qu'ils en seront récompensés. le sens de la vie, cependant, n'aime peut-être pas les emmerdeurs.
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Étant donné que je travaille sur la possibilité logique des zombis chez Chalmers pour mon mémoire de recherche, je suis dans l'obligation de reconnaître que la thèse anti-réductionniste avancée dans cet ouvrage est solide, et a été motivée par un énorme travail d'analyse. Certes, certains pourront y trouver quelques faiblesses (et j'en fais partie), mais nous devons tous reconnaître que les apports de Chalmers en philosophie de l'esprit sont et demeurent particulièrement influents. Sans appuyer à 100% sa démarche, je tient à reconnaître amplement la légitimité de ses recherches. Un incontournable.
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Citations et extraits (36) Voir plus Ajouter une citation
Dans ce livre, je ne prétends pas résoudre le problème de la conscience, j'essaye de le circonscrire.
(...)
Dans ce livre, j'ai présumé que la conscience existe, et que redéfinir le problème comme s'il s'agissait de clarifier le fonctionnement de certaines fonctions cognitives ou comportementales est inacceptable. C'est ce que j'entends en disant qu'il faut prendre la conscience au sérieux.

(Introduction, p.xii)

Mon second impératif est de prendre la science au sérieux. Je ne me suis pas mêlé de contester des théories scientifiques dans des domaines ou elles ont autorité. En même temps, j'ai pris des initiatives dans des domaines où les opinions de scientifiques ne valent pas mieux que celles de n'importe qui d'autre.
(...)
Ma troisième contrainte est que je choisis de considérer la conscience comme un phénomène naturel soumis aux lois de la nature. Si c'est le cas, il devrait y avoir la possibilité d'une théorie de la conscience, que nous arrivions à la trouver ou non.
(...)
Ce qui ne veut pas dire que les lois qui gouverneraient la conscience soient semblables à celles qui gouvernent d'autres domaines. (...) Il se pourrait qu'elles soient très différentes.

(Introduction p.xiii)

Le problème de la conscience n'est pas accessible aux méthodes scientifiques usuelles. (...) Il est impossible de trouver une explication réductive à la conscience.

(Introduction p.xiv)
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La conscience, cependant, est plus mystérieuse qu’elle ne l’a jamais été. Il semble encore tout à fait mystérieux que la causalité d'un comportement doive s'accompagner d'un vie intérieure subjective. Nous avons de bonnes raisons de croire que la conscience découle de systèmes physiques tels que le cerveau, mais nous n'avons aucune idée de la manière dont cela
se passe, ou pourquoi cela existe . Comment un système physique tel qu'un cerveau pourrait-il également être quelque chose qui "éprouve" une expérience. ? Pourquoi devrait-il y avoir quelque chose qui a l'expérience d'être un tel système ? Les théories scientifiques actuelles abordent à peine les questions vraiment difficiles sur la conscience. Il ne nous manque pas seulement une théorie détaillée ; nous sommes entièrement dans l'obscurité sur la façon dont la conscience s'inscrit dans l'ordre naturel.

(Intro p.xi)
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Ces arguments ne nous mènent pas vers un dualisme cartésien, qui impliquerait un domaine de substances mentales qui exerceraient leurs influences sur des processus physiques. Les réultats de la science contemporaine suggèrent que le monde physique est plus ou moins causalement fermé: chaque événément physique a des causes purement physiques.

(...)

Tout ce que nous savons, c'est qu'il y a des propriétés des individus - les propriétés phénoménales- qui sont ontologiquement indépendantes des propriétés physiques.

( pp.124-125)
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Les approches neurobiologiques de la conscience sont devenues très populaires. Comme les modèles cognitifs, elles ont beaucoup à offrir en tant qu'explications des phénomènes psychologiques, par exemple l'explication des types d'attention. Elles peuvent aussi nous dire des choses concernant la corrélation de processus neurologiques et de la conscience. Mais aucun de ces processus n'explique ces corrélations: ils ne disent pas comment des processus neurologiques produiraient la conscience. Du point de vue des neurosciences, la corrélation est simplement un fait brut.

(p.115)
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Un problème avec les vues que je viens de défendre, c'est que si la conscience ne fait que surgir du physique, alors elle ne peut avoir d'instrumentalité causale. Le monde physique est causalement fermé, en ce que pour chaque fait physique il y a une explication physique, Ceci implique qu'il n'y ait pas de possibilité qu'une conscience non-physique puisse jouer le rôle de causalité
dans quoi que ce soit.

(p.150)
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David Chalmers: Comment expliquer la conscience ?
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