Le 13 janvier 1792, Louis-Charles, Dauphin de France (futur Louis XVII) est enfermé à la prison du Temple avec sa mère
Marie-Antoinette, sa soeur
Marie-Thérèse, et sa tante Elisabeth. Son père, Louis XVI, roi de France, est enfermé à part, à un étage inférieur de la tour. le 21 janvier 1793, jour de l'exécution de Louis XVI, l'enfant est retiré à la garde de sa mère et placé seul dans la cellule de son père, où il mourra le 8 juin 1795. Il avait tout juste 10 ans.
"
La Chambre" retrace la vie de ce petit garçon pendant cette détention. D'abord encadré par le couple Simon, qui s'occupe de lui comme d'un enfant, malgré les dures conditions de détention. Puis survient la terreur et la tyrannie du "Vertueux", l'enfant est alors réellement enfermé :
la chambre murée et close par 5 portes verrouillées. Seule une jalousie permet de le surveiller en permanence sans faire le tour des 5 portes. Il se trouve dans un esseulement de plus en plus austère et pesant, le plus souvent dans le noir ou au mieux dans la pénombre, dans des conditions plus qu'insalubres, sous la garde de vieux célibataires. A la chute du dictateur, malgré le changement de geôliers, et la bienveillance de certains d'entre eux, le mal est fait, et la fin est inéluctable."
Chandernagor nous offre encore un "roman" très riche, et toujours aussi bien écrit. Comme précédemment pour "
l'Allée du Roi" et "
L'Enfant des Lumières", elle fait preuve d'un remarquable travail d'Historienne, avantageusement mis en valeur par des qualités indéniables de narratrice.
Son approche et son analyse multidirectionnelles de la situation sont originales : description des faits vue de l'enfant, de
la chambre, de la narratrice, parfois des témoins, mais aussi ingérence de l'écrivain dans
L Histoire, n'hésitant pas à demander des comptes à tout un chacun, à emmener (2 siècles plus tard) les fantômes des intervenants dans un procès fictif, citant des textes de lois dans leurs libellés exacts, cherchant à démêler le pourquoi de cette histoire..
Car au commencement qu'y-avait-il ?
"Au commencement de l'Histoire, de toute histoire, les Commandements : la loi... et le règlement". Mais, qui a donné les ordres d'internements, dicté les conditions de détention, etc. ? Au commencement, il y a la peur. Un enfant effrayé qui n'est pas préparé à la vie. Un enfant à qui on a dit de ne pas déranger, de ne pas venger son père, de dire bonjour et merci. Au commencement, il y a la haine. Il y a la foule, "un géant avec la psychologie d'un enfant de trois ans" qui cherche un bouc émissaire ! La foule qui suit aveuglément les "tribuns du peuple". Comment s'étonner "quand on sait avec quelle facilité déconcertante [les masses] se font manipuler" (M. Dugain, Heureux comme Dieu en France). Au commencement, il y a la bêtise, "des expériences comportementales ont montré que moins d'un tiers d'entre nous est capable de désobéir à un ordre absurde ou monstrueux s'il est donné par une autorité légitime". Et c'est pire quand les tâches sont divisées, et ce fut le cas.
Au fond,
Françoise Chandernagor voudrait comprendre, "Mais qu'est-ce qu'il y avait à comprendre ? Que les enfants meurent ? En voilà une nouveauté !"...