Il est longtemps resté une énigme, ce primitif flamand. Quand dans la seconde moitié du XIX° siècle, le goût pour le Moyen Age suscita un nouvel intérêt pour les peintres du XV° siècle, italiens ou flamands. Wilhelm von Bode fut le premier historien d'art à créer un corpus de ses oeuvres, puis Hugo von Tschudi l'amplifia, et il fut nommé « Maître de l'abbaye de Flémalle » (ce qui est impropre, il n'y a jamais eu d'abbaye à Flémalle). Aujourd'hui, ses oeuvres ayant été étudiées sous toutes les coutures (attributions et réattributions, examens en laboratoire, etc.), il est généralement identifié comme étant Robert Campin, peintre tournaisien, dont peu de documents mentionnent l'existence. Les archives de Tournai ayant été détruites pendant la Seconde Guerre Mondiale, les historiens eurent fort à faire pour reconstituer la vie de celui qui fut parfois confondu avec
Roger van der Weyden ou Jacques Daret.
Il faut bien l'avouer : les problèmes linguistiques en Belgique n'ont guère facilité les recherches. En effet, c'est ce qui se produit quand les politiciens récupèrent le passé à des fins de propagande nationaliste. Si bien, il y a quinze ans, quand Albert Châtelet publia cette somme de renseignements sur la biographie de l'artiste, les conditions sociales, économiques, politiques et artistiques de ce début de Renaissance, l'analyse stylistique des oeuvres (retables pour les églises, portraits pour les bourgeois), l'importance de son atelier (d'où sont justement sortis van der Weyden et Daret) en étaient à ce point-là. Sans oublier cette irruption de détails « réalistes » dans un espace qui se veut perspectif, où traîne encore un symbolisme « caché » selon l'expression d'
Erwin Panofsky. Des tableaux à plusieurs niveaux de lecture, en quelque sorte. L'iconographie (de très beaux détails, par exemple) met bien dans la lumière tout le catalogue des oeuvres de Robert Campin.
Je me dois de mentionner qu'il y a quelques années, cette identification a été clairement mise en cause, renvoyant tous les spécialistes dos à dos.