S'il fallait établir un classement des meilleures intrigues dans le genre 'déjantée et supportant mal d'être résumée en quelques lignes', nul doute qu'aux côtés de certains romans de
Donald Westlake ou de
Don Winslow, cet '
Adios Muchachos' dû à la plume de l'uruguayen
Daniel Chavarria et adapté ici par Matz (« Le Tueur », « Cyclopes ») se taillerait une place plus qu'enviable. A Cuba, en 2005, Alicia est une jeune et avenante jeune femme qui soutire de l'argent -avec la collaboration active de sa mère- aux hommes malencontreusement tombés sous son charme. Rien de méchant, juste de quoi permettre à la mère et à la fille de vivre dignement. Un jour elle 'lève' Juanito, un homme d'affaire riche et, ce qui ne gâche rien, aussi beau qu'Alain Delon quand il était jeune. Alors qu'elle pense mener sa barque comme à son habitude, presque au moment de taxer celui qu'elle croit être un pigeon comme les autres, Alicia se rend compte que c'est elle qui a été manipulée par le pseudo-Delon. S'en suivent d'incroyables développements où se mêlent joyeusement sexualité 'borderline', embrouilles financières, enlèvement et autre demande de rançon.
Intrigue policière chahutée, presque délirante, mais toujours soigneusement rivée sur les rails du vraisemblable, '
Adios Muchachos' délivre un plaisir de lecture évident. L'adaptation scénaristique de Matz nous conduit dans une chronologie absolument rectiligne, sans flash-back ni saut dans le futur : nous suivons les démêlés d'Alicia et de Juanito au moment où ils les vivent et sans jamais pouvoir deviner ce qui va leur tomber dessus à la page suivante. Dans le dessin de
Paolo Bacilieri, si l'on regarde les personnages, on ne peut s'empêcher de penser à Pichard (auteur de nombreuses bd érotiques), alors que si l'on se focalise sur les décors (et les voitures!) on se croirait dans n'importe quelle bd 'ligne claire' tant le réalisme nous saute aux yeux. Dessin ultra-lisible donc, sans fioriture aucune et scénario endiablé : le tout donne une bd tonique, délicieusement mal-pensante et qui balance bien. Une réussite.