André Pousse a eu un parcours romanesque. L'homme aux 5 vies fût coureur cycliste (pistard) à une époque où les vedettes de ce sport étaient des "stars". Dans les vélodromes se côtoyaient aussi bien l'ouvrier de chez Renault que les membres de la « haute société » en passant par les voyous. Ce qui a permis à M. Pousse par des concours de circonstances d'être imprésario, directeur artistique du Moulin-Rouge, restaurateur. Mais c'est en tant qu'acteur qu'il a marqué les esprits. C'est une « gueule » du cinéma Français, grand second rôle dans les films d'Audiard et de Lautner (entre autres). Sa gouaille de titi parisien (j'ai encore sa voix dans la tête) est très bien retranscrite dans ce livre.
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Quand un des plus grands seconds rôles du cinéma français se raconte.
Simplement et honnêtement.
Vraiment sympa.
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Au matin du dimanche 17 juillet 1942, j'empruntai la rue Nélaton en direction du vélodrome. Je venais chercher deux de mes cycles pour la course que je disputais, l'après-midi même au Parc.
Un impressionnant dispositif policier me laissa interloqué.
- Vous ne pouvez pas passer ! Me dit un flic.
-Pardon ?
-Non ce n'et pas possible ! J'obéis aux ordres.
-Vous rigolez ? Je dois absolument récupérer mes vélos ! Je cours cet après-midi au Parc des Princes !
-Voyez avec le brigadier ! Il est un peu plus haut.
J'exposai à ce dernier mon problème.
Fan de cyclisme, le gradé accepta de me laisser entrer au Vél' d'Hiv'.
-C'est bien parce que c'est vous, monsieur Pousse...
-Au fait que se passe-t-il ici ?
-Oh ! Vous allez voir par vous-même ! On a rassemblé des Juifs !
Je pénetrai dans ce Vél' d'Hiv' encore synonyme de rêve et d'exploit deux jours plus tôt. Je fus aussitôt saisi d'effroi: des milliers de femmes et d'enfants, détenus là dans des conditions d'hygiène abominables, sans eau, ni nourriture, ni matelas.
La police française, sous les ordres du gouvernement de Vichy, venait de rafler 13152 Juifs parisiens, dont 4115 enfants, avant de les envoyer dans les camps de Drancy, Pithiviers et Beaune-La-Rolande, antichambres des camps de concentration en Allemagne.
Le maréchal Pétain et ses séides venaient de faire de notre Vél d'Hiv' le symbole infâme de la collaboration et de l'antisémitisme français.
..Entre deux auditions, je remontais un jour la butte Montmartre en direction du marché Saint-Pierre, lorsque j'aperçus un petit attroupement au pied des escaliers du Sacré-Coeur. Je m'approchai. Un chanteur s'accompagnait à la guitare. Une gueule curieuse, une voix assez personnelle... Il jouait très bien. J'écoutais une chanson, puis une deuxième. A la fin, je vins le trouver.
- J'organise un concours de rock à la Locomotive. Tu connais ?
- Oui
- Ca t'intéresse ?
- Pourquoi pas ?
- Eh bien, viens t'inscrire !
Il passa à l'acte et emporta haut la main, le 13 novembre 1965, la première place du « crochet des amateurs » avec son interprétation de Great Balls Of Fire de Jerry Lee Lewis.
Le 12 février 1966, il gagna la finale avec une chanson de Buddy Holly. Il accepta la prime, mais déclina le contrat d'enregistrement chez Barclay ! J'en parlai à mon pote Lucien Morisse. Directeur des programmes d'Europe n°1, i venait de fonder son label de disques, et je le savais à la recherche de nouveaux talents.
Et Lucien Morisse fit une star de ma découverte, un certain Michel Polnareff.
En plus de mes fonctions de directeur artistique du Moulin-Rouge et des chanteurs dont je m'occupais, je commençais à fournir des artistes à un certain nombre d'établissements. Je récupérais la programmation des cinémas Gaumont de Paris. Les petites salles et autres cinémas de quartier offraient aux spectateurs, à l'entracte, une attraction, un magicien, un jongleur, un pianiste... Le Gaumont-Palace, de la place Clichy, disposait même à l'année d'un grand orchestre et pouvait donc accueillir des vedettes de la chanson, de ballets...J'élargissais ainsi, sensiblement, le champ de mes activités.
Quand je courrais, en revanche, j'étais si sérieux qu'un soir Charles Pélissier (grand coureur cyliste ) me prit à part.
-Dédé, quand les filles t'applaudissent, ça te fatiguerait pas trop de tourner la tête et de soulever la lèvre supérieure pour montrer tes dents ? Ca s'appelle sourire. Et ça t'éviterait, au passage suivant, de te faire traiter d'enfoiré !
André Pousse. Un idiot à Paris.