Je ne peux pas ne pas te laisser entrer en moi, de toute ta présence large et chaude, et lentement tu entres dans la baie, avec tes pleines voiles qui m'emplissent d'un bord à l'autre, tu vas mouiller au fond de mon ventre. Entre lentement ! pas trop vite, entre en voguant comme un rêve s'avance avec toutes les voiles pleines de vent, et lentement remplit le ventre de la réalité.
Je ne redoute rien autant que l'autobiographie. l'autobiographie n'existe pas. mais tant de gens croient que cela existe. Alors je déclare ici solennellement : l'autobiographie n'est qu'un genre littéraire. Ce n'est pas un genre vivant. c'est un genre jaloux, décepteur, - je le déteste.
Mais je suis seulement une femme qui pense avoir un devoir à ne pas oublier. Et ce devoir, que je crois devoir accomplir, c'est : " en tant que femme" de ce tems je dois dire et répéter "je suis une femme", parce que nous vivons à une époque encore si ancienne et ignorante et pesante qu'il y a toujours encore danger de gynocide.
Ne me regarde pas si large. Par ce regard je vais me jeter.
Je t'ai prise pour Bradamante, Promethea, ma fiancée de cinq mille ans, mais je me demande si je dois m'en accuser ou m'en réjouir. Je me suis débattue toute de travers. C'est bien ainsi. Pendant que je portais mes coups dans les airs illusoires, toi, tu as préparé du thé d'aujourd'hui Earl Grey pas du tout fictif. C'est ce qui est le plus magique, mon amie d'aujourd'hui. Ne pas faire d'histoire, faire du thé.
On peut se tuer quand on ne rêve qu'à la hauteur d'un troisième étage.
Les choses les plus belles, on ne peut pas les écrire, malheureusement. Heureusement. Il faudrait pouvoir écrire avec les yeux, avec les yeux hagards, avec les larmes des yeux, avec la hagardise des regards, avec la peau des mains.
Cette vie, je ne sais pas la vivre. On ne m’a pas appris. Personne ne m’avait parlé de ces turbulences. Je crois que je croyais « aimer » la chose la plus douce et la plus facile au monde. Ce n’est pas du tout ça. On ne m’avait pas parlé des tempêtes, des rafales au bord de l’abîme, des éclipses de soleil, des soifs à mourir à une main de la source. Jamais je n’aurais imaginé les terreurs dans les joies.