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Citations sur Cauchemar (25)

Je me dirige vers le sous-sol, puisque c’est au sous-sol que les hommes comme Conrad Haggerty retiennent les filles comme Alyssa Stone. J’ouvre la porte. L’odeur est telle qu’on croirait que quelque créature est revenue de parmi les morts avant de mourir à nouveau et de retourner dans sa tombe. Je retiens mon souffle et éclaire les marches. Elles gémissent à mesure que je descends. Les murs sont en parpaings gris. Des outils y sont accrochés. Il y a un vieux congélateur assez grand pour contenir un corps, mais j’espère qu’il est vide. Des tas de couvertures, une table avec des chaises empilées dessus et des cartons de bric-à-brac en dessous. Je ne peux plus retenir mon souffle.
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La maison comporte de nombreux panneaux de bois rouge et des bordures blanches, ainsi qu’un toit en A suffisamment pointu pour piquer le ciel. À côté se trouve une remise dénuée de façade. Une voiture et un tracteur sont à l’intérieur, partageant à eux deux huit pneus à plat, et les murs sont bordés de balles de foin. Je fais courir le faisceau de ma lampe torche sur le porche et le plancher tordu. Partout je vois des toiles d’araignées aussi longues que des soirs d’été. Quelque chose détale sur le porche et disparaît. Les feux de la voiture et le clair de lune se reflètent sur les fenêtres. La porte est verrouillée, mais elle est également ancienne et négligée et n’offre aucune résistance. Je suppose que durant toutes les années où les Kelly ont vécu ici, elle n’a probablement jamais été fermée à clé. C’est ce genre de ville.

La maison sent la poussière et l’air a un goût de moisi. La dernière fois que je suis venu ici, c’était il y a trois ans, quand Jasmine Kelly a appelé Drew de l’autre bout du pays pour dire qu’elle n’avait pas eu de nouvelles de ses parents depuis une semaine. J’actionne l’interrupteur, mais il n’y a pas de courant. Je suis les traces de pieds dans la poussière. Le plancher craque sous mon poids. Je sens la chaleur qui monte à travers le sol. Des ombres bougent sur les murs tandis que ma lampe torche illumine tout, et il y a beaucoup de tout – des canapés, une table, des équipements de cuisine, une table basse couverte de magazines, une télé qui ne peut avoir plus de cinq ans. Il y a des tableaux et des photos aux murs et sur les étagères. On dirait que la maison attend le retour de quelqu’un. Je regarde dans la chambre où, il y a trois ans, Ed et Leah Kelly ont gobé des poignées de somnifères sans laisser de mot pour expliquer leur geste. La ferme était lourdement endettée et leur fille disait que son père croyait la terre maudite car seules les mauvaises herbes y poussaient.
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Il ne dit rien.

« Tu veux m’expliquer ça ?

– C’est… c’est pas ce que tu crois.

– Vraiment ? Et qu’est-ce que je crois ?

– C’est juste une cagoule. Je la porte pour aller à la chasse quand il fait froid. C’est pour ça que les boutiques en vendent, et c’est pour ça que les gens en achètent. Allez, Noah, je suis en train de me vider de mon sang.

– Où est-elle, Conrad ? Tu les as entendus… où ont-ils dit qu’ils la cachaient ?

– Je sais pas », répond-il. Il pleure, désormais. « Je jure que je sais pas. »

Je renfonce mon doigt dans la blessure. Je résiste à une envie de vomir. Son corps tire sur les cordes tandis qu’il se penche en avant. Ses veines ressortent et son visage est aussi rouge que peut l’être un visage avant que quelque chose se mette à saigner, généralement les yeux.

« Attends », dit-il. J’ôte mon doigt et j’attends. « Ils ont mentionné l’ancienne maison des Kelly. »

Il dégouline de larmes et de morve qui se mêlent au sang et dégueulassent sa chemise.

« La maison des Kelly, dis-je.

– La maison des Kelly », répète-t-il.

Je rengaine mon arme et sors du bureau.

Il me hurle par la porte ouverte :

« T’es un homme mort, Noah ! Tu m’entends ? T’es un homme mort !

– Qu’est-ce que tu lui as fait ? » demande Drew.

Je ne lui réponds pas. Je ne peux pas. Je lui rends son téléphone et descends l’escalier sans me retourner.
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Je m’étire les doigts. Ils ont besoin d’être rafistolés. Ils ont besoin de glace. Ils ont besoin d’attelles.

« Tu vas encore me frapper ? T’as toujours été une lavette, Noah. Pourquoi tu …

– Je sais le genre de type que tu es, Conrad. Et tu sais que je le sais. »

Son rire me file la chair de poule.

« Enfin la vraie raison de notre présence ici. Cette gamine disparue a rien à voir avec tout ça, dit-il. On est ici parce que tu m’en veux toujours, après toutes ces années. T’es pathétique. »

Je sors mon arme et la lui enfonce dans le ventre. Son sourire disparaît.

« Écoute-moi, Conrad. Je sais que tu l’as enlevée. Elle a sept ans. Rien qu’une gamine innocente. Dis-moi où elle est et ça s’arrête là. » J’enfonce un peu plus mon arme. « Si tu ne me le dis pas, ça s’arrêtera aussi, mais ce sera beaucoup plus salissant. Mon équipier, là-bas, il veut que je te laisse tranquille, mais il est menotté à la rambarde et il ne peut rien faire pour t’aider. Personne d’autre ne va venir. Ton histoire de tic-tac, c’est juste que je vais te tirer une balle si tu ne me dis pas où elle est. Peut-être dans le bras. Peut-être dans la jambe. Peut-être que je te tirerai dans la bite. Tu veux vraiment d’une vie où t’auras qu’un tube pour pisser et des jambes qui ne fonctionneront pas ?

– T’as pas les couilles », réplique-t-il.

J’attrape deux factures dans la corbeille à courrier, je les roule en boule et les lui enfonce dans la bouche. Même quand je lui tire une balle dans la jambe, il met une seconde à comprendre. Puis il se débat et recrache les factures. Elles sont ensanglantées et humides, elles adhèrent au sol. Drew me hurle d’arrêter, et de ce côté-ci de la porte Conrad braille. J’ai les oreilles qui sifflent à cause du coup de feu, et ce truc n’arrête pas de se tordre dans mon ventre pendant que mon mal de tête continue de cogner contre mon crâne. Le sang coule de la jambe de Conrad et va rejoindre celui qui est déjà par terre. Je vois un papillon. Je vois une paire de chaussures de femme. Je vois une fillette disparue, et je vois la mort.

« Où est-elle ?

– Va en enfer. »

Je pense à Alyssa, effrayée et seule, ligotée quelque part. Je la connais. Elle a eu quelques années difficiles, perdant tout d’abord son père, puis sa mère plus tôt cette année. C’est une gamine coriace qui lutte contre un monde cruel. Elle a traversé tellement d’épreuves que je refuse qu’elle souffre encore. Le sifflement dans mes oreilles commence à diminuer. J’entends le sang qui goutte sur le sol. J’entends les battements de mon propre cœur.

J’enfonce l’arme dans la blessure. Ça me file la nausée. Je ne vais pas pouvoir continuer de faire ça très longtemps. Il faut que ça cesse. Il hurle.

« Je ne plaisante pas, Conrad, je le jure. Je ne plaisante pas.

– S’il te plaît, Noah, s’il te plaît, fais pas ça, s’il te plaît fais pas ça.

– Où est-elle ?

– Attends. »

Il est pris entre une crise d’hyperventilation et les larmes. « Juste une seconde. Juste… attends. »

J’attends, lui donnant la chance de mettre en forme ce qu’il a à dire. Ce ne sera pas une insulte. Ce ne sera pas une dénégation.

« Et si… et si je l’avais pas enlevée mais savais qui l’a fait ? »

Le soulagement envahit mon corps. Je peux travailler à partir de ça.

« Et de qui tu parles ?

– Et si… enfin, bon Dieu, ma jambe… ça fait mal, mec, vraiment mal. J’ai besoin d’une ambulance.

– Où est-elle ?

– T’es dingue, tu le sais ? T’es un psychopathe.

– Où est-elle ?

– Et si… »

Ses yeux se révulsent et il est pâle. Je le secoue. Il me regarde.

« Je me sens pas très bien.

– Dis-moi où elle est et j’appelle une ambulance.

– Une ambulance », répète-t-il, et il recommence à tomber dans les pommes.

Je le gifle.

« Quoi ?

– Alyssa.

– Oui, Alyssa, Alyssa… j’ai entendu deux types, d’accord ? Ils parlaient au bar hier soir. Et si je te répétais ce qu’ils ont dit ?

– Si ça me permet de la retrouver, je n’aurai plus besoin de te tirer dessus.

– C’étaient des types des équipes de recherches, dit-il, pas des mecs d’ici, ils cherchaient cette randonneuse qui s’est perdue récemment. Je les avais jamais vus, je le jure. »

Des types des équipes de recherches. La ville d’Acacia Pines est entourée par un océan infini de forêts et de lacs dans lesquels se perdent les touristes. Les gens du coin appellent cette vaste zone sauvage « Les Pins ». Les sauveteurs l’appellent le « Trou vert » – les trous noirs absorbent la lumière, mais le Trou vert absorbe les randonneurs et les campeurs. Nous envoyons des équipes de recherches, et de temps à autre des personnes débarquées d’autres villes viennent prêter main-forte. La plupart du temps nous retrouvons les disparus, mais parfois, non.

« Tu as pensé à décrocher ton téléphone et à appeler ton père ? Tu as préféré ne rien faire et laisser une gamine de sept ans que tu connais se faire enlever. »

Sa tête retombe. J’enfonce un doigt dans le trou laissé par la balle, il hurle et je l’ôte puis l’essuie sur ma chemise.

« Pourquoi tu ne l’as dit à personne ? »

Il serre les dents.

« Je voulais pas être impliqué. »

Je devrais tout de même le descendre. À la place, je demande : « Répète-moi ce qu’ils ont dit. »

Il fait remonter un glaviot sanguinolent et le crache dans la flaque.

« Ils ont dit qu’ils comptaient la vendre, qu’elle était… » Il fait la grimace tandis qu’une vague de douleur le traverse. « Ils ont dit qu’elle était mignonne et qu’elle cochait toutes les cases. Ils allaient l’emmener à l’étranger dans quelques jours.

– Ça n’explique pas comment son cartable s’est retrouvé dans ta voiture.

– Si c’est pas toi qui l’as mis là, alors j’en sais rien.

– Et tes empreintes sur le serre-tête ?

– Ça a pu se produire d’un millier de façons, répond-il d’une voix geignarde. Peut-être que je l’ai ramassé en pensant que c’était autre chose. Peut-être qu’il était pas sur elle. J’en sais rien. Peut-être que tes analyses sont fausses. C’est ton boulot de déterminer ça.

– Et la cagoule que j’ai trouvée dans ta boîte à gants ? »
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« Tu vas le tuer », déclare Drew.

J’appuie mon front contre le mur et fixe le sol. J’essaie de contrôler ma respiration. Il y a un cafard à demi écrasé par terre, ainsi qu’un mégot de cigarette qui a manqué la poubelle. Quelque chose me fait mal à la tête. Je me pince l’arête du nez et tente de faire disparaître la douleur, mais elle s’accroche. C’est comme une écharde profondément enfoncée qui se serait infectée, et je ne peux l’atténuer qu’en cognant le type ligoté sur la chaise. Ce que je fais. Je le frappe tellement fort que j’entends quelque chose craquer et je ne sais pas si c’est un de mes doigts ou sa joue. Je l’ai déjà tellement tabassé que mes mains sont terriblement douloureuses, mais son visage doit l’être encore plus. Son œil gauche est gonflé et violet, son nez est cassé et sa lèvre inférieure fendue, il y a beaucoup de sang et de chair déchirée. Mais malgré tout cet enfoiré continue de me regarder avec un grand sourire, le genre de sourire que n’importe qui voudrait faire disparaître de son visage, seulement jusqu’à présent rien n’a fonctionné. La seule chose que je peux faire disparaître, c’est le sang sur la jointure de mes doigts en les essuyant sur ma chemise, qui est déjà sacrément dégueulasse.

Drew me pose une main sur l’épaule et je la repousse.

« Lâche-moi », dis-je.

Il repose sa main sur mon épaule et me regarde droit dans les yeux. Drew est mon meilleur ami depuis notre enfance. À l’époque, nous courions après les filles sur les terrains de jeux, nous grimpions aux arbres et allions à la pêche. Plus tard, nous avons rejoint la police ensemble et avons chacun été témoin au mariage de l’autre. Mais s’il n’enlève pas sa main dans les deux secondes, je vais la casser.

« C’est pas toi, Noah. C’est pas comme ça qu’on procède. »

Il a raison. Ce n’est pas moi. Et pourtant nous en sommes là. Il ôte sa main de mon épaule.

« Bon Dieu, Noah, je peux pas te laisser le tuer. »

Son expression est un mélange de confusion et de panique, mais surtout on dirait qu’il voudrait faire comme si tout ça ne se produisait pas. J’éprouve la même chose.

« Tu ferais mieux de partir.

– Je… »

Je colle un nouveau coup de poing au type sur la chaise avant que Drew cherche à m’en empêcher. Une brume de sang et de sueur est projetée dans l’air sec et l’impact résonne dans la pièce. Je sens l’odeur du bois, de l’hémoglobine, de la transpiration. Le type crache du sang par terre et secoue la tête. Son sourire revient et je sens quelque chose se tordre dans mon ventre.

« Mon père va te massacrer », dit-il.

Son nom est Conrad et, tout comme Drew et moi, nous avons grandi ensemble. Mais nous n’avons jamais été potes. Conrad n’est pas le genre de type à avoir des potes. C’est un putain d’égoïste. Une petite brute sans la moindre once de décence. Le genre de type contre lequel les femmes mettent leurs amies en garde et qu’elles évitent de croiser en changeant de trottoir.

C’est aussi le fils du shérif.

« Tu devrais prendre le temps de réfléchir à ton avenir, pas au mien. »

Il crache une fois de plus.

« Je te l’ai déjà dit, déclare-t-il. Je sais pas où elle est. »
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