Concerto pour 4 mains procède de la même recette que Back Up et Un long moment de silence. Une alternance de points de vue sur deux lignes temporelles qui finissent par se rejoindre. Est-ce à dire que le père Colize se répète ? du tout. D'un roman l'autre, il varie les plaisirs, les approches et les enjeux. Il se lui-même définit comme un besogneux, ses bouquins “smell le work” dirait son compatriote Jean-Claude Vandamme. Exit la facilité du recyclage pépère, sa méthode et ses gimmicks relèvent de la patte, pas de la flemme.
Back Up m'avait bluffé par son évocation des années 60. Un long moment de silence tire sa force des quêtes jusqu'au-boutistes de ces deux protagonistes, quête de réponses pour l'un, de vengeance pour l'autre.
Sur le fond, Concerto pour 4 mains n'a pas la puissance des deux titres que je viens de citer. Dur de battre les sixties en terme d'ambiance et les nazis en matière d'enjeux. Pourtant, je le considère comme le meilleur des trois.
On n'est volé ni sur l'authenticité ni sur la crédibilité. Les événements réels sont rapportés avec exactitude. Intégrés en profondeur dans l'intrigue, ils dépassent le stade des anecdotes de remplissage ou du compte-rendu universitaire assommant. Quant aux faits romancés ou inventés de toutes pièces, ils atteignent un tel niveau de réalisme qu'on a bien du mal à les différencier des précédents. Aussi crédibles que des vrais.
A l'arrivée, Concerto sonne authentique – même si j'ai horreur de ce terme galvaudé. le plus petit élément contribue à construire l'intrigue, l'ambiance, les personnages. de la mécanique de précision (Colize étant belge, je lui épargne la métaphore cliché avec l'horlogerie suisse).
Deux lignes temporelles, deux trajectoires qui suivent Villemont et Jammet, le casse du siècle qui s'invite à la noce, voilà qui pourrait donner un beau merdier narratif et des maux de tête au lecteur. Que nenni, comme disait mon arrière-(…)-arrière-grand-mère en 1712.
Aux mélomanes le soin de filer une métaphore à base de symphonie, de solistes, de contrepoint… Grosse bille en musique, la mienne se vautrerait dans l'approximatif.
Harmonieux, c'est le terme que j'ai eu à l'esprit de la première à la dernière page. Aucune fausse note, nul mouvement trop lent ou trop rapide. Chacun des fils narratifs tissés par Colize se lit avec un égal intérêt, sans que l'un ou l'autre de ses “héros” écope du rôle de parent pauvre.
Pour citer Benoît Poelvoorde, autre représentant notoire du plat pays, “c'est quand même bien fait”.
Bien fait, et propre aussi. Econome de mots et d'effets, la plume du maestro se démarque par une élégance rare. Un style caviar qui a éradiqué les phrases à rallonge, les verbes introducteurs, les adverbes en-ment… toutes les chiures qui te pourrissent un paragraphe. Cette légèreté confère à Concerto la carrure d'un poids lourd. Un modèle de sobriété envié par les AA. Une leçon.
J'ai beau chercher, je ne vois rien à reprocher à ce bouquin. Ah, si. Il a été écrit à Waterloo. J'aurais préféré Austerlitz.
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