On a beau se retrouver dans les immenses étendues des steppes de la Patagonie, la recette du huis clos qui créé
Sandrine Collette à chacun de ses romans, fonctionne encore une fois à la perfection.
C'est un roman noir des grands espaces, noir de chez noir !
Le climat aride s'accorde à cette famille dysfonctionnelle, l'hostilité des vents cinglants n'a d'égal que la colère et la dureté qui les habitent.
C'est une écriture rugueuse, pleine de tension, où chaque mot évoque un coup, chaque phrase suit un déferlement de violence.
On souffre, on a mal, on se sent littéralement aussi meurtri que ceux qui reçoivent les coups.
La cruauté, la peur, la haine, le manque de sentiments et l'incapacité à communiquer composent un univers pervers et suffocant.
Même lorsque les frères parcourent les plaines arides sur leurs chevaux, ils sont taiseux, ils restent enchaînés, prisonniers de leur colère et de leur indifférence envers tous ceux qui les entourent.
Le sentiment commun est la haine, tout est sauvage et
animal, jusqu'au regard qu'ils posent les uns sur les autres.
Paradoxalement seules les bêtes font ressortir chez ces êtres brisés leur côté humain, bénéficiant de leurs soins, de leur l'attention et parfois d'un geste tendre.
Chiens, chevaux et brebis deviennent le seul réconfort pour les bleus à l'âme des plus jeunes.
Dans ce drame familial constitué essentiellement d'impatience, de gestes excédés, d'insultes et de silences interminables, la violence à fleur de peau cache des fêlures.
Chacun a les siennes, enfouies sous des couches de hargne et des années de solitude, tués à la tâche d'une vie rude, remplie d'amertume, et on devine d'avance que les relations vont se désagréger inexorablement.
Dans les scènes de courses à chevaux, rares moments de communion entre les hommes et les bêtes, les images de la puissance
animale et de celle de la nature, sont parfaitement restituées par
Sandrine Collette, grande connaisseuse des chevaux, qui excelle avec une écriture belle et limpide, digne des grands classiques du nature writing américain.
Dans ce récit rugueux, l'auteure a cette capacité de nous faire sentir les coups échangés et ils nous laissent brisés et ankylosés.
On en ressort engourdi, lessivés, atteints dans nos corps et dans nos âmes.