Ça me rappelle il y a des années quand mon chien est mort, j'avais eu de la peine ça a beau n'être qu'un clébard on s'attache et je l'avais enterré au bord de la forêt. J'avais le moral dans les pompes et puis trois papillons étaient venus en volant les uns contre les autres et en cabriolant. Je les avais regardés quelques minutes et ils étaient repartis. Pendant ce tout petit temps j'avais oublié le chien et puis ça s'est terminé et la peine est revenue et là tout de suite c'est pareil, il y a eu cette sorte d'intermède avec le môme mais un intermède c'est un intermède ça vient et ça s'en va. Après c'est la vie qui reprend et c'est rarement beau ou doux ou drôle.
C'était le tout début de l'été et il n'y a pas de doute c'est la plus belle saison on aurait été cons de ne pas en profiter. Il y avait ces petites fleurs argentées je ne sais plus comment on les appelle, avec la lumière de la lune elles réfléchissaient dans la nuit on aurait dit des vers luisants en blanc. C'est là qu'on se rend compte qu'on n'est jamais seul la vie pullule partout si on se donne la peine de se poser pour la voir.
À côté de moi Aru me regarde on attend les étoiles filantes. Il guette mon vœu j’en suis sûr. Je resserre la couverture autour de ses épaules, les mômes ça n’a jamais froid et puis ça tombe malade c’est idiot. De toute façon on la supporte bien la couverture on a la sensation d’être dans un cocon au milieu de l’hiver, c’est comme être à l’abri d’une maison quand la tempête arrive. La montagne est calme je ne veux pas dire silencieuse juste calme. Le silence c’est nous qui le faisons, on essaie de laisser de l’espace aux autres, les insectes les oiseaux les errants et les chasseurs qu’on n’entend pas. Quand les nuits sont belles elles sont bleues et les arbres font des silhouettes noires qui se découpent comme si c’était en surimpression.
Même si les habitations se raréfient il y en aura toujours, c'est comme si l'homme ne pouvait s'empêcher de poser son cul un peu partout, un vrai chien pisseur il faut qu'il montre qu'il est là.
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Le tintement de la pluie sur le monde quand on est à l'abri c'est ce qu'il y a de plus beau.
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Tout me demande davantage d’effort et ça ne me met pas en colère là-dessus aussi j’ai changé, tant que je suis lent c’est que je suis vivant. J’ai l’impression de profiter différemment du monde.
Je crois que j'accepte simplement que ce soit un gosse et ce n'est pas si facile quand soi-même on n'a pas eu d'enfance on ne sait pas ce que c'est.
Je ne suis pas capable de parler à un enfant j'ignore comme on fait, j'ai beau chercher ce que j'aurais aimé qu'on me dise à son âge le jour où la même chose m'est arrivée, je n'ai pas de réponse.
C’était comme si le paysage s’était obscurci autour de moi, la montagne était teintée d’un voile noir je crois que c’étaient mes yeux. J’étais là et il y avait un tremblement de terre à l’intérieur de moi je ne savais pas comment je tenais debout.
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Il y a quelques années de ça des jeunes sont venus s'installer dans le coin, c'était deux ou trois couples, des rêveurs, des écolos, des branleurs quoi.