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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Où es-tu Bérénice?

Dans son nouveau roman Claire Conruyt raconte le séjour d'une mère et de ses enfants sur une île de l'Adriatique. Un dernier séjour qui est aussi une quête spirituelle, un adieu à l'enfance, une fuite éperdue.

Le ferry qui accoste à Sjena compte parmi ses passagers Bérénice, Pierre et Orphée. Une mère et ses deux enfants étreints par l'émotion. Ils retrouvent une terre qu'ils chérissent, la promesse d'une parenthèse enchantée durant laquelle ils retrouvent Anouk, restée à demeure.
"L'île était un continent inexploré. du moins, c'était ainsi que nous la percevions. C'était une terre originelle où la violence n'avait pas encore été matée. Une terre d'asile où se retrouvaient
les affranchis. Les marginaux. Il n'y avait ni rang ni hiérarchie. (...) C'était une terre dure où nous étions absolument libres. Un rêve éveillé pour les enfants que nous étions."
Et de fait, les premiers jours sont idylliques. Un parfum de liberté emplit l'air chaud. La mer est belle, les enfants insoumis. "Les règles habituelles que nos parents nous imposaient étaient abolies. Entre le monde des adultes et le nôtre, une frontière s'érigeait, un mur épais que personne n'osait franchir. Ils avaient leur territoire et nous avions le nôtre. La seule condition était d'être de retour à l'heure du dîner. le reste nous regardait, nous n'avions aucun compte à rendre."
Mais au fil des jours, la belle harmonie est troublée tout à la fois par les garçons qui se laissent aller à quelques rites initiatiques loin d'être anodins, mais surtout par la fièvre qui gagne Bérénice. Derrière le feu de la passion, derrière l'admiration, derrière l'envie, on sent poindre la jalousie, l'incompréhension, le drame.
Si la beauté et la faconde d'Orphée séduisent les îliens, elle commence à irriter Pierre. Tout comme ses talents de conteur, lui qui est capable de ressusciter la mémoire de Sjena "en donnant une voix aux maisons abandonnées".
Car ce petit frère qui aime raconter des histoires, qui est capable de "repeupler cette île désolée de destins superbes", peut aussi être le messager de l'apocalypse. Alors sa beauté devient inquiétante. "On ne lui donnait pas d'âge, il avait les traits d'un immortel."
Les rêves - que l'autrice nous livre tout au long du roman - se transforment alors en cauchemar. Petit à petit, on voit poindre la folie. Comme une vague qui enfle et grossit, elle va venir briser ce séjour. Pierre essaie de résister, mais Orphée décline en voyant sa mère, sa complice, s'enfoncer "incapable, désormais, de la suivre dans sa folie." Elle s'absente de plus en plus fréquemment jusqu'au moment où elle ne reparaît plus.
Claire Conruyt réussit parfaitement à rendre l'atmosphère de ce paradis qui va finir par devenir un enfer. Elle montre aussi combien la quête désespérée de Pierre et d'Orphée pour retrouver leur mère.
NB. Tout d'abord, un grand merci pour m'avoir lu jusqu'ici! Sur mon blog vous pourrez, outre cette chronique, découvrir les premières pages du livre. Vous découvrirez aussi mon «Grand Guide de la rentrée littéraire 2024». Enfin, en vous y abonnant, vous serez informé de la parution de toutes mes chroniques.

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Le premier roman de Claire Conruyt , « Mourir au monde » avait été pour moi un énorme coup de coeur. L'auteure racontait avec une grande poésie, l'histoire d'une amitié et d'un affect très puissant qui allait se créer entre deux soeurs d'un couvent.
*
Son deuxième roman est tout à fait différent de son premier, même si j'ai retrouvé sa même belle poésie et son lyrisme.

Nous suivons le chemin de vie de Bérénice, une femme mystérieuse et seule, une femme sombre qui souffre et qui semble souvent côtoyer la folie. A moins que ce soit cette île qui la transforme ?
Il est difficile de savoir dès le départ, si elle veut s'échapper du monde présent ou si elle pense retrouver ce monde nouveau sur cette dite île étrange où elle se réfugie chaque année.

Bérénice est accompagnée par ses deux fils, très différents l'un de l'autre. Il y a déjà le petit Orphée, le doux rêveur qui voue un amour infini à sa mère. Je l'ai senti déterminé à suivre sa mère et son ombre, jusqu'au bout du monde, jusque dans sa démence, jusqu'en enfer, jusque dans la mort.

Et puis il y a Pierre, le fils ainé, qui a les deux pieds plus ancrés à la terre. Pierre qui souffre parfois de cette relation fusionnelle qui existe entre la mère et son petit frère.
D'instinct, Pierre sait que sa maman et Orphée sont des êtres fragiles, beaucoup trop plongés dans leurs songes.
Malgré son jeune âge, il s'est donné une mission, celle de les protéger d'eux-mêmes et des menaces du monde extérieur de cette île. Une île qui lui semble aussi inquiétante que magique.
*

Par ce roman, Claire Conruyt m'a propulsé dans un univers étourdissant.
Un univers où j'ai constamment et délicieusement oscillé entre un monde réel et un monde onirique, entre la raison et la folie, entre la lueur du jour et les étoiles de la nuit, entre la douceur d'une mère et la fraicheur d'un lac, entre les rêves d'enfant et ses cauchemars, entre la luminosité de la vie et l'obscurité de la mort, entre le chant des anges et l'appel fascinant du néant.

Un monde où les êtres se transformaient et se métamorphosaient, et d'autres qui restaient impassibles se figeant pour une éternité.
*

Je vous invite à découvrir ce roman étrange, où j'ai vu souffler le murmure des rêves, où j'ai entendu les cris des coeurs, où j'ai senti parfois le grondement sourd des silences.


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L'année dernière, entre les murs d'un couvent discret, j'ai fait trois rencontres. Celle d'une jeune romancière d'abord, puis celles des deux religieuses à la lumineuse connivence dont elle dressait alors des portraits superbes. C'était un premier roman, ça s'appelait "Mourir au monde" et j'étais conquis.

Un an et demi plus tard, c'est avec joie et curiosité (mais aussi un peu d'appréhension !) que je retrouve l'écriture délicate et poétique de Claire Conryut, pour cette seconde parution au titre sibyllin et à la quatrième de couverture tout aussi énigmatique. Il y est question d'une île, de ruines et de criques hantées, d'une danseuse flamboyante et d'une mer belliqueuse... Tout ça est plutôt vague, vous en conviendrez.

Alors enfin j'ai ouvert le livre, et Bérénice était là. Baroque, fantasque, lunatique.
D'elle on ne sait presque rien sinon son goût pour la peinture et l'art sous toutes ses formes, son humeur changeante et l'attraction qu'exerce sur elle l'île de Sjena où elle s'en va trouver refuge quand sa mélancolie chronique la submerge.
De ses deux enfants on ne sait guère plus, si ce n'est qu'ils se prénomment Pierre (l'ainé) et Orphée (le cadet). On ignore tout le reste, de leur âge à l'identité de leur géniteur (dont pas une fois il n'est fait mention).
Quant à Sjena, petite île perdue quelque part en mer Adriatique, inutile de chercher à la localiser sur une carte : elle n'existe pas plus que celles de l'Atlantide ou des Hespérides.

C'est ainsi dans un cadre géographique (et temporel) particulièrement flou que Claire Conryut situe ses trois personnages, tissant autour d'eux une sorte de drame antique plein d'excentricité, d'étrangeté et de mystère...
Qui donc est cette femme instable, dont la folie se précise au fil des pages, et qui déborde d'un amour quasi-toxique pour son fils cadet ? Quels sont les pouvoirs qu'elle prête au jeune Orphée, le chérubin-musicien-poète qu'elle vénère comme un demi-dieu ? Comment Pierre, le narrateur de ce curieux conte onirique va-t-il s'accommoder du rôle d'intermédiaire qui lui est dévolu, entre une mère à la personnalité si insaisissable et un petit frère aux talents prodigieux ? Que signifient ces rêves cryptiques, partagés en duo à la nuit tombée dans les ruines d'une église éventrée "sonnant des heures aléatoires" ?
Il est vite apparu que la plupart de ces questions resteraient sans réponses : dès les premiers chapitres j'ai su que cette lecture serait particulière, immédiatement j'ai compris que je ne comprendrai rien (ou presque).

Et pourtant quel délice de se laisser porter par la prose poétique et soignée de Claire Conryut, teintée de mysticisme et de mythologie !
Quel étonnant voyage que celui qui nous est proposé sur cette île hors du temps et peuplée de fantômes, cette île "qui ne se donne pas à n'importe qui" mais qui "éprouve les âmes avant de se révéler" !
Et pour finir, bien sûr, quelle étrange famille ! Les liens qui unissent les deux frères sont troublants, et la relation établie entre Orphée et Bérénice - l'un sublimant la folie de l'autre - est d'une nature et d'une intensité telles que le lecteur en vient à éprouver à son égard un malaise évident.
D'ailleurs la jolie couverture (Maxfield Parrish / "Soirée étoilée" / 1900, pour ceux que ça intéresse), donnait déjà à elle seule une idée assez juste de l'atmosphère envoutante et des curieuses impressions qu'allait produire cette histoire tragique, celle d'une "femme perdue dans le bleu", d'une "reine des eaux dormantes"...

Entre rêve et réalité, Claire Conryut signe donc avec "Pour qui s'avance dans la nuit" un deuxième roman réussi, ouvert à bien des interprétations...
En plus de toutes les autres, elle ne manque pas de soulever une dernière question : "peut-on suivre quelqu'un jusque dans sa folie ?"
Et d'y répondre dans la foulée : "Sans doute, oui, si on l'aime vraiment".
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Sjena, une île mystérieuse quelque part au milieu de l'Adriatique.
C'est là que débarquent Berenice et ses deux fils, Pierre et Orphée.

Ce décor paradisiaque, entre ruines et criques, sauvage et farouche, va petit à petit révéler les personnalités. Cueillir au plus intime, au plus laid aussi, de ces trois personnages.

Les angoisses maternelles s'epaisissent, des envies de fuite en avant et cette obsession, comme un fil rouge : protéger Orphée. Mais de qui. de lui-même ou de la mère ? de l'île et de ses fantômes ?

La jalousie se faufile, sournoise, dans la relation fraternelle, mâtinée d'amour et de dévouement.
Orphée prêt à tout pour sauver leur mère, avec ses excès et ses idées baroques.
Et Pierre, comme chevillé à l'un et à l'autre, Berenice et Orphée, parfois presque indissociables.

Entre onirisme et conte, la plume gracieuse de Claire Conruyt m'a séduite. Des touches fantastiques disséminés aux endroits stratégiques nuancent ce texte aux accents gothiques.

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L'autre jour j'ai commis une imprudence. Des enfants jouaient dans la rue, filles et garçons, costumés de restes de tissus figurant très bien, à en deviner leurs mouvements, les rôles qui les possédaient. Ils étaient à la vue de tous mais quand ils ont pu voir que je m'en émerveillais c'est comme si j'avais ouvert un passage interdit, d'un autre monde.
Dans Pour qui s'avance dans la nuitClaire CONRUYT tolère que nous entrons dans sa sphère, sans pour autant avoir une velléité de partage, au risque de notre humeur et de notre entrée dans son allure. le choix de la couverture, tableau de Maxfield Parrish, illustre justement, reprenant judicieusement le bleu mentionné à l'intérieur. Les autres tableaux du peintre évoquent une balance entre le beau et l'ambiguïté, entre attirance à consentir et inatteignable portant atteinte.
Une fois les pages refermées il reste de magnifiques images d'une île envoutante si loin des perturbations du préfabriqué, fabriqué et post fabriqué, qu'à la réflexion ce ne serait pas grande perte de quitter en s'avançant dans des nuits très autres.
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Un conte onirique très beau dans lequel on se laisse happer par l'ambiance obsédante, et ce dès les premières pages.
Cette mère et ses deux fils que la folie habille au quotidien sont touchants et laissent le lecteur comme suspendu, dans l'attente de voir ce qu'il adviendra de chacun des personnages.
Un moment de lecture intense, une plongée en apnée qui enivre.
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