En octobre 2017, je faisais la connaissance de
Cécile Ama Courtois sur les réseaux sociaux littéraires et j'acceptais de rendre un service de presse pour le premier tome de Nordie, Guilendria… J'avais apprécié cet univers de fantasy médiévale revisitée et je m'étais beaucoup attachée aux personnages au point d'attendre la suite avec une certaine impatience. de plus, le style visuel et réaliste de l'écriture m'avait à la fois surprise et convaincue.
Le tome 2 est, tout naturellement, consacré à
Deijan, le deuxième personnage principal que le premier opus décrivait comme un homme tout en noirceur, animosité et fureur…
C'est avec plaisir et envie que j'ai accepté ce deuxième service de presse de la part d'une auteure que j'ai appris à mieux connaître au détour de nos échanges ; je la remercie de sa confiance et me ré-aventure volontiers en Nordie, un véritable monde avec sa géographie complexe, sa propre temporalité et ses us et coutumes…
Le récit reprend précisément à la fin du tome 1, qui s'achevait sur de terribles péripéties chargées de tous les possibles à venir. La narration est toujours à la première personne, mais ce sont plusieurs JE qui partagent leurs points de vue et s'entrecroisent de chapitre en chapitre, aux titres éponymes. Ainsi, les lecteurs sont au plus près des ressentis des personnages.
Cécile Ama Courtois a le talent de créer un style particulier pour chacun(e) et cela sonne juste et naturel.
Si le premier tome se passait presque exclusivement à l'intérieur d'un château, où l'ensemble des personnages étaient regroupés, cette fois l'auteure nous emmène à la suite de plusieurs itinéraires au gré de chevauchées et de rencontres. La trame narrative est donc très addictive, puisque nous laissons toujours une trajectoire en plan pour avancer avec une autre : les personnages évoluent dans des circonstances différenciées et pourtant liées.
Encore une fois, même si nous lisons comment
Deijan, le personnage titre, revient à la vie et prépare sa vengeance, les femmes sont à l'honneur, Guilendria bien entendu, mais aussi sa suivante, la « mater », la « douairière », les prêtresses, la cuisinière, la sorcière aux chats…
L'écriture est à la fois solidement documentée et inventive, étoffée de notes de fin pour les termes techniques, méconnus ou inventés. L'ambiance de fantasy médiévale est très travaillée, dans tous les détails, architecturaux, vestimentaires, sémantiques… C'est donc très convaincant, visuel : on s'y imagine sans peine…
Parfois, l'auteure use de mots anciens à la fois poétiques, surannés et surtout très « littéraires », ce qui date et contextualise le récit tout en prouvant son travail de recherche et son sens du détail.
Je sais que
Cécile Ama Courtois connaît bien les chevaux et cela transparait dans son récit, pour mon plus grand plaisir : description des robes et des allures, des attitudes et comportements, de l'assiette des cavaliers, des équipements… ; tout sonne juste pour qui fréquente aussi ces merveilleux animaux.
Mais, ce qui me frappe le plus, encore une fois, c'est la place du corps dans le récit, le corps blessé et invalide de
Deijan, « corps nu, vulnérable et abimé », le corps maltraité et humilié de Guilendria…, les corps dans tous leurs états, des plus sensuels aux plus dégradants, avec leurs besoins et leurs réactions physiologiques… Les sentiments et les émotions sont souvent décrits et mis en lumière grâce aux manifestations physiques provoquées chez celles et ceux qui les ressentent ; le corps devient un prisme qui diffracte le point de vue, moyen de pression par la torture et d'expression par ses réactions incontrôlées : « un coeur brisé envoie des éclats de peine dans tout le corps, et tous les organes sont touchés ».
Enfin,
Cécile Ama Courtois transpose dans son roman des problématiques qui font écho dans notre époque.
Ainsi, la déesse Esca a donné aux hommes la capacité de faire du monde un paradis et ces derniers en ont fait un enfer.
Elle met l'accent aussi sur le sort quotidien des personnes frappées de handicap dans la description des soins apportés à
Deijan par les prêtresses à l'attitude parfois infantilisante ; elle donne au sentiment d'impuissance du Comte des accents sincères et émouvants.
Guilendria porte en elle des valeurs humanistes malgré les épreuves endurées ; ainsi son attitude face aux écumeurs rappelle celle, très digne, de certaines victimes des attentats qui nous ont frappés ces dernières années : « les écumeurs prendraient peut-être ma vie, mais ils n'auraient pas ma haine. Ils auraient ma compassion. Et mon pardon ».
Elle dresse le portrait d'une classe dirigeante coupable d'avoir exploité sans vergogne les gens qui dépendaient d'elle et de ceux qui, en face, ont pris les armes sans discernement en déclarant la guerre à tout le monde, coupables mais aussi innocents.
Cécile Ama Courtois évoque aussi l'art et la manière de bien gouverner un pays, face aux afflux de réfugiés politiques ou économiques, aux révoltes des pauvres et des miséreux : « nous avons du pouvoir sur les choses, c'est pourquoi nous avons le devoir de nous y intéresser et de nous impliquer ». Il s'agit bien de changer une société en profondeur.
Ainsi, ce deuxième tome marque la fin de Nordie.
Cécile Ama Courtois n'a pas prévu de série… C'est un bon format, une longueur parfaite, équilibrée.
Au-delà de l'histoire d'amour et de vengeance, du roman d'aventure proprement dit, dont le postulat n'est peut-être pas fondamentalement original, je me suis surtout attachée à l'écriture et au style de
Cécile Ama Courtois qui provoque un réel bonheur de lecture ; il y a une profonde maîtrise et une réelle poésie, un sens du rythme… une patte très personnelle. Nordie dans son ensemble est un très bel écrin, dont l'écriture esthétise le contexte.
J'ai très envie de découvrir les autres livres de
Cécile Ama Courtois.