“C'est le sort d'un héros que d'être persécuté.” -
Voltaire
Aaaah, la neuroatypie, vaste sujet… Totalement intégrées dans certains pays ou certaines cultures, les atypies ont du mal à se faire une place en France. Encore au stade de la découverte, nous sommes encore loin de l'acceptation et la question de la légitimité est malheureusement toujours d'actualité.
Alors la neuroatypie/neuroatypicité/neurodivergence, c'est quoi ? Une personne neuroatypique possède un fonctionnement cognitif différent de la norme. Elle pense, apprend, fonctionne, analyse, traite l'information et voit le monde différemment de la majorité des gens, en raison d'une atypie neuro-fonctionnelle. Son cerveau fonctionne différemment, notamment en termes de vitesse de traitement entre les neurones et de connexions neuronales (chez les hauts potentiels intellectuels) ou d'activité cérébrale pour les neurones miroirs ou encore l'activation de l'insula (chez les hypersensibles). Les personnes ayant un fonctionnement neurologique considéré dans la norme/conforme aux attentes de la société, sont appelées neurotypiques.
Ce décalage, cette différence, sont loin d'être toujours bien vécus par les neurodivergents. C'est parce qu'il existe une majorité qui fait loi que beaucoup peuvent se sentir incompris, seuls, en trop, bizarres, d'autant plus dans une société remplie d'étiquettes où être en marge pose problème : “inadapté”, “trop sensible”, “trop fragile”, “bizarre”, “fou, “anormal”... Quel atypique n'a jamais entendu ce genre de choses ? Autant de préjugés qui n'encouragent pas les concernés à sortir du silence, laissant ainsi la place à la méconnaissance du sujet : “Tu te cherches des excuses.'”, “Tu te crois mieux que tout le monde.”, “Il faut juste apprendre à gérer tes émotions.”, “C'est une immaturité émotionnelle.”, “Ce sont juste des caprices, il faut grandir un peu.”, “Elle en fait toujours un drame.”, “Elle est toujours hystérique.”... Ce qui fait la différence chez les personnes atypiques, c'est leur intensité, mais aussi la fréquence de cette intensité. “Il n'est pas rare que les femmes atypiques passent pour des hystériques, des folles, des immatures émotionnelles ou même qu'on blague sur le fait que leurs règles expliqueraient leur comportement… En bref, on sent bien que leurs émotions dérangent. Mais en réalité, l'intensité de leurs émotions est à la hauteur des valeurs qu'elles portent, ni plus ni moins ! Cet état de fait n'est pas toujours aisé à expliquer à une personne qui n'est pas atypique. [...] Dans le cerveau des hypersensibles, c'est un feu d'artifice permanent tant les neurones sont interconnectés.” Nos comportements et nos réactions, excessives pour les autres, sont logiques au vu de nos particularités.
Être atypique, ce n'est pas une mode. On ne se réveille pas non plus un matin en se disant qu'on est surdoué ou hypersensible (“Ah oui moi aussi j'ai la larme facile devant les films émouvants !”), parce qu'on trouve ça “cool” ou qu'on se sent plus intéressant. Non. Les images cérébrales démontrent de nettes différences entre les neurotypiques et les neuroatypiques (variation sur sept gènes de la dopamine chez les hypersensibles, spécificités dans le cerveau de l'enfant à “haut potentiel” avec de vraies différences structurelles et fonctionnelles, une connectivité cérébrale bien plus importante chez les HP que chez les personnes au QI standard, etc.). “Si ce mot “atypique” fait tant parler de lui, c'est surtout parce qu'il met la société face à ce qui la rend mal à l'aise : la différence psychique, émotionnelle et intellectuelle. Encore un sujet tabou ! Être atypique, c'est surtout et avant tout une pleine reconnaissance et la légitimation de ses différences, et non une énième manière de s'autoétiqueter ou une “quête narcissique” comme aiment à le penser certains. [...] Avez-vous déjà entendu quelqu'un dire : “Oh quelle prétentieuse, elle fait un mètre quatre-vingts et elle pense être plus grande que tout le monde” ? [...] Il est plutôt rare d'entendre cela, tout simplement parce que ces différences sont socialement acceptées. [...] Ironiquement, je remarque que les personnes qui ont le plus à redire sont souvent celles qui ne se sont jamais formées sur le sujet… [...] Nous avons tous nos singularités certes, mais tout le monde n'est pas neuroatypique !”
“D'un point de vue neuronal, on distingue clairement une suractivité des neurones miroirs chez les personnes hypersensibles, l'insula et les amygdales sont également plus actives. En bref, le cerveau est structurellement identique, mais il capte plus d'informations, et plus rapidement, ce qui génère un système neurosensoriel plus développé que chez les personnes non hypersensibles. Quant aux surdoués, ils possèdent un cerveau structurellement différent (notamment par le taux de myéline) et des connexions neuronales plus rapides (d'où une vitesse de traitement de l'information et une arborescence de pensées plus vives). Et cela dérange apparemment, puisqu'on ne cesse de chercher de nouveaux termes, pour éviter de parler de “surdoué”, comme “haut potentiel”, “zèbre”, “philo-cognitif”, etc.”
Ce livre va ainsi mettre en lumière plusieurs atypies, dont l'hypersensiblité (qui touche entre 20 et 30% de la population - il est question ici de l'ultrasensibilité, qui est de naissance, et non de l'hypersenbilité traumatique que tout un chacun peut ressentir de manière passagère suite à un évènement particulier), la douance (être surdoué - qui concerne 2 à 5% de la population), le spectre de l'autisme, le TDAH (environ 5 à 8% de la population), les dys (6 à 8% de la population)...
Être différent n'est déjà pas évident, mais vivre au sein d'une société qui nous le rappelle sans cesse et accentue cette sensation rend le quotidien d'autant plus compliqué. J'ai donc plus qu'apprécié la douceur d'Élodie Crépel, psychanalyste et médiatrice familiale spécialisée dans la douance et l'hypersensibilité, et elle-même hypersensible et surdouée avec des TDAH. Étant également moi-même surdouée et hypersensible (et sûrement concernée par d'autres atypies), ce livre revêt une importance toute particulière pour moi, et même si tous les neurodivergents sont différents, mon avis sera donc celui d'une personne concernée par le sujet.
Dès le début, j'ai été très contente de ma lecture. le ton me plaît, c'est clair, intéressant, accessible, juste et pertinent. Avant d'entrer dans le vif du sujet, l'autrice nous propose un test afin de définir le (ou surtout les !) profil qui nous correspond le plus afin de guider notre lecture. J'ai été agréablement surprise par les résultats qui concordent avec ce qui m'a déjà été diagnostiqué et mettent également le doigt sur des atypies dont je doute depuis quelque temps. Cela m'a aidée à avoir confiance en ce que je m'apprêtais à lire.
Femme atypique se lit bien et facilement, ce n'est ni trop compliqué ni trop vulgarisé. On s'informe au fil des profils développés, représentés à travers de petites mises en scène qui facilitent l'identification. Informations, développements, tests, pistes à explorer, schémas, références à de nombreux spécialistes, expériences et ouvrages… un livre travaillé agréable à lire. Bien structuré, il est divisé en chapitre portant chacun sur un profil : Gaby, hypersensibilité et douance avec un profil complexe pour certaines, autosabotage et effet Barnum - Aurélie, douance avec profil laminaire ou complexe selon qu'il y a une hypersensibilité ou non, avec un TDAH possible, complexe de la sauveuse et triangle de Karpman - Dahlia, douance (plutôt laminaire) et pour certaines, il n'est pas rare de voir des caractéristiques de TDAH et/ou spectre de l'autisme, slasheuse et multipotentialité assumée, etc. le fait de montrer les atypies à travers une scène au bureau et de donner un nom à la femme qui représentera cette caractéristique humanise les explications et les rend sûrement plus compréhensibles. On s'imagine ainsi plus facilement les situations, les réactions, et on comprend plus facilement les mécanismes, les comportements, les fonctionnements…
Mention spéciale pour la bibliographie, la sitographie et les notes qui donnent un très grand nombre de pistes à explorer, définitions, citations, explications et précisions !
Femme atypique est un livre qui fait du bien. Juste, il fait déculpabiliser, et on se sent compris et moins seul. Élodie Crépel a voulu l'écrire avec beaucoup d'amour, de sororité et de tendresse, et pour ma part, c'est un pari réussi.
Ce livre est une excellente découverte que je ne peux que recommander aux atypiques qui souhaiteraient des clés pour mieux se comprendre et vivre avec eux-mêmes, à ceux qui doutent, ou à ceux qui s'intéressent, car nous avons beaucoup à donner, encore faut-il nous laisser une place, nous comprendre et nous accepter, dans toute notre singularité, car notre différence est notre force.
“Soyez bienveillant envers vous-même ; vous êtes humaine.”
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