Harcèlement

Sanders raccrocha. Ce Twinkle défaillant posait un véritable problème à la veille de la fusion avec Conley-White, et Sanders ne savait pas trop comment l'aborder. Il lui faudrait pourtant se décider rapidement; la sirène du ferry se fit entendre, et il aperçut les piliers noirs de Colman Dock et les gratte-ciel de Seattle.

Il gagna le troisième étage à 9 heures du matin et sentit immédiatement qu'il se passait quelque chose d'anormal. Les couloirs bruissaient de rumeurs, la tension était perceptible à chaque pas. Les employés étaient rassemblés autour des imprimantes à laser et des machines à café; à son approche, les conversations cessaient, les visages se détournaient.

À présent, qu'allait-il se passer? Peut-être allait-il continuer à diriger les différentes usines DigiCom à travers le monde. Mais le bruit avait couru, récemment, que le siège de la société, à Cupertino, allait reprendre la direction de la fabrication et la confier aux différents directeurs de produits, là-bas, en Californie. Sanders n'avait guère prêté l'oreille à ces rumeurs, car elles étaient peu vraisemblables; les directeurs de produits avaient suffisamment à faire avec la commercialisation de leurs appareils sans avoir à s'inquiéter de leur fabrication.

Philip Blackburn, chef du service juridique de DigiCom, était un homme mince de quarante-six ans, vêtu d'un complet Hugo Boss vert foncé. Comme Sanders, Blackburn travaillait chez DigiCom depuis une dizaine d'années, ce qui en faisait un " ancien ", un de ceux qui étaient entrés au début.

On se gaussait de ses tics. Pomponné, soucieux de son apparence, Blackburn ne cessait de se passer la main dans les cheveux, sur le visage, sur son complet, semblant se caresser, effacer les plis de ses vêtements. Si l'on ajoute à cela une tendance malheureuse à se frotter et à se gratter le nez, on comprendra pourquoi il était l'objet d'incessantes plaisanteries. Les blagues étaient féroces : on se méfiait de lui, on le considérait à la fois comme un donneur de leçons et un tueur à gages.

Collègues de travail, ils avaient même vécu ensemble un certain temps, lorsque, en 1985, Blackburn, à la suite d'un divorce difficile, avait partagé l'appartement de célibataire de Sanders, à Sunny-vale. Un an plus tard, Blackburn avait été témoin au mariage de Sanders avec une jeune avocate, Susan Handler. Mais en 1989, lorsque Blackburn se remaria, Sanders ne fut pas invité à la cérémonie, car leurs relations étaient devenues tendues. Chez DigiCom, on murmurait que c'était inévitable : Blackburn appartenait au petit cercle dirigeant de Cupertino, cercle qu'avait quitté Sanders en venant s'installer à Seattle. En outre, les deux hommes s'étaient durement affrontés à propos de l'installation des usines en Irlande et en Malaisie.

Souvent, les hommes n'arrivent pas à structurer une relation parce qu'ils ne savent pas comment se comporter en subordonné vis-à-vis d'une femme. Ils sont mal à l'aise.

Elle n'avait pas de connaissances approfondies, mais n'en avait pas besoin. Elle était belle, sexy, intelligente, et possédait une maîtrise de soi et un sens de l'à-propos qui lui permettaient de se tirer de bien des mauvais pas.

On est en droit de se demander comment une femme peut violer un homme.
C'est impossible, bien sûr. Le viol est un crime. Il est exclusivement le fait d'hommes qui l'utilisent de plus en plus fréquemment pour remettre les femmes à leur place. Telle est la vérité profonde de notre société et de toutes les sociétés qui nous ont précédés.

Dans les relations sexuelles, les femmes sont différentes des hommes.