Plantons le décors, voulez-vous...
Une route escarpée, sinueuse, serpentant à flanc de montagne acérée. Un château lugubre, tout en tours heurtées, élancées. Un majordome bossu, prénommé Igor, une voix grumeleuse , éraillée, à donner l'envie de lui extirper les glaires à l'aspirateur de table. Et le maître des lieux, faisant rouler les R sur sa langue tel John Bonham les baguettes sur sa caisse claire, vêtu d'une cape fourrée, même en plein été, fixant intensément notre jugulaire que c'en est gênant. le vampire transylvain, modèle classique. Ou bien z'avez le lycéen post pubère, plus pâle qu'un fan gothique sur le retour de The Cure, aussi riant qu'un bol de céréales sans lait, ni bol, ni céréales.
La vampire (twi)light, modèle commercial.
Justin Cronin, en 2011, dépoussiérait le mythe du caniné expansé en le situant dans un livre dystopique post apopo avec
LE PASSAGE. C'est en soi novateur tant le vampire tend à se fondre dans le paysage, à prélever discrètement sa pinte de sang nourricière.
Formidable ! Une dystopie s'arrachant au livre jeunesse (HUGER GAMES et autres) pour nous conter un Armageddon in progress.
Quelques temps après, 2013, Justin continua son travail de sape du vampire torturé et romantique avec
LES DOUZE. Un livre plus politique. Où l'on suit nos survivants bien décidés à éradiquer le Virul. Sacrée trouvaille que ce virul... Chauve souris bipède. Évacué le Roumain distingué à l'accent sl(u)ave, welcome à la saloperie décharnée, assoiffée, la capacité de raisonnement d'un roulement à billes. Géniale suite !
Cependant, Justin, en bon américain, baignant continuellement dans une société aux références bibliques permanentes, le sait bien : il faut toujours compter jusqu'à treize.
Ici me revient un souvenirs de mes jeunes années. L'âge où je visionnais les épisodes de The Twilight (décidément) Zone.
Un homme s'étant fait implanter une glande féline bénéficie des multiples vies associés aux félidés. Les dépensant foutrement connement, le type décide de finir en beauté et se fait enterrer vivant (!) afin de réapparaître tel un Lazare crotté devant la foule médusée. Dans son cercueil capitonné, sous une dalle de béton armé, il se remémore ses différentes morts.
Puis...
La mort du chat putain !!!!
Celui à qui on a enlevé cette foutue glande. Bordel de bite en mousse ! Il a oublié la mort du chat ! Il n'a plus de point de vie disponible. L'épisode se clôt sur le malheureux hurlant et martelant les parois de son tombeau.
Nos survivants sont dans cette même incompétence mathématique et mémorielle. Ils ont oublié le patient zéro.
Exceptée Amy.
Elle patiente.
Et nous aussi.
Un brin.
Ce dernier tome est clairement moins bon que les deux précédents. Centré sur Fanning, le patient zéro,
LA CITE DES MIROIRS se veut plus profond moins tourné vers la tension qui traversait
LE PASSAGE et
LES DOUZE.
Justin Cronin n'a pas toujours été cet auteur de SF bankable, genre un poil sous estimé pour rester poli, il a aussi tâté de la la littérature plus tradi. Il nous le rappelle en détaillant dans un bon quart de son pavé, la trajectoire de Fanning dans une partie relevant du roman universitaire, initiatique et tragique. Loin d'être désagréable, éclairant quant à la haine que va développer Fanning envers l'humanité, enfin pas vraiment la haine mais une indifférence amère, cette parenthèse a le gros inconvénient de freiner le tempo, le ralentir et dure trop longtemps. Délaissant sa radicalité antérieure, il fait de Fanning un vampire classique, à face humaine, nihiliste philosophe, qui dénie à l'humanité le droit de continuer, appelant à une saine purge.
Par tronque, quand les Viruls se déchaînent. La montée en tension, ces petits signes qui trahissent la tempête de merde qui s'annonce... ces pages sont saisissantes et trahissent un savoir faire certain.
Justin est un très bon écrivain.
Baignant parfois dans un mysticisme new age passablement gonflant,
LA CITE DES MIROIRS a tout de même son lot de morceaux de bravoure et conclut cette trilogie d'une plume honnête et carrée à défaut d'être renversante. Les dernières pages sont très réussies, émouvantes et résilientes.
Rien n'interdit à
Justin Cronin d'avoir la foi, d'espérer envers et malgré tout.
N'empêche...
Je préfère quand il a peur.
Lien :
https://micmacbibliotheque.b..