Le mirage des vanités

Prenez le Lapin Blanc de Alice et transformez-le en Ours en peluche, invisible le jour (sauf pour Elliot, personnage central de ce roman),… d'ailleurs, est-ce un hasard si ce lapin Blanc court après le Temps ? 😉
Prenez le Ministère de la Magie de Harry Potter et changez-le en Ministère de la Torture,
Prenez le balai de Merlin l'enchanteur et métamorphosez-le en vieux Parapluie chevelu et bougon,
Prenez le miroir de Blanche Neige et faites-en une psyché capable de se mouvoir,
Le tout sur une ambiance à la Boris Vian dans l'Ecume des jours avec un environnement qui se transforme et se module… mais peut surtout être manipulé par quelques puissants au gré de leurs humeurs…
…et vous aurez un aperçu de l'Univers phantasmagorique et décalé de Xavier Darracq
Elliot navigue dans son Univers parfait, fabriqué et arrangé jusqu'au moindre détail par sa fortune et ce Miroir, modifiant jour après jour sa propre apparence pour demeurer dans le coeur de sa Dulcinée Myla, elle-même « apprêtée » à l'image qu'il souhaite contempler !
Aveuglé par son ersatz d'amour, il ne voit pas le monde autour de lui qui se dégrade et dévie vers une violence dont il semble tout ignorer… et pourtant… il en devient malgré lui Acteur puis Victime.
Lors de notre rencontre au salon du livre à Aubigny, Xavier Darracq parlait avec enthousiasme de ce roman, comme les auteurs passionnés savent le faire… mais lorsque j'ai découvert qu'il en avait démarré l'écriture à 18 ans, j'ai mieux compris que c'était son premier « bébé », même s'il l'a achevé 40 ans plus tard !
Un style efficace avec un vocabulaire recherché
Des expressions imagées prises « au pied de la lettre » : noyer son chagrin dans l'alcool ; moment où la psyché extirpe le bonhomme chagrin, l'enferme dans un verre recouvert d'un film plastique puis injecte de l'alcool (du whisky) jusqu'à le submerger et que mort s'en suive

J'ai aimé :
- L'univers imaginaire très décalé
- L'idée des personnages humains avec une « façade » modulable à l'envie
- Les objets « vivants » (miroir, ours, parapluie,…)
- le petit scribouillard « falot » qui devient un ripou avec le pouvoir qui lui est conféré puis rachète ses fautes dans l'ombre
- le Héros central qui s'efface irréversiblement avec le temps
- La vengeance orchestrée par ce personnage de l'ombre bafoué dans son adolescence
- La rencontre avec ce papa « hors du temps présent »
- La valeur accordée au « temps de vie » et ses implications sur le vieillissement irrémédiable

J'ai moins aimé :
- Les détails glauques du Ministère de la torture qui, pour moi, n'apportent rien de plus à l'intrigue
- le manque de développement sur la disparition de la valeur «monnaie » et son remplacement par... (pas de spoiler ;-) )
- Une résolution de l'intrigue un peu abrégée par rapport à sa mise en place.

Une intrigue policière servant de socle à un roman philosophique sur la vacuité du paraître et la futilité de la fortune face aux ravages du temps, par opposition à la force d'un amour vrai.
Mon premier roman de cet auteur, prometteur même si j'aurais souhaité plus de développement sur la 2° partie avec notion de valeur du « temps de vie »
Un livre à découvrir 😊