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3,42

sur 395 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Abolir le nom de famille avec une persévérance liée peut-être à son prénom, c'est le travail de démolition que poursuit Constance Debré dans son nouveau livre. Un bon coup de massue sur nos existences ordinaires.
Après son coming out lesbien raconté dans "Play boy", après s'être dépouillée d'une carrière, d'une vie bourgeoise et interrogé l'amour maternel dans "Love me tender", Constance Debré nous invite à réexaminer nos idées sur la famille, siège de la folie, avec l'enfance et l'héritage.
Qu'on ne s'y trompe pas et quand bien même il est écrit à la première personne, "Nom" n'est pas un livre sur l'auteur, sur ses proches ou sur la famille Debré dont le patronyme peut vite prendre la lumière. Évidemment, Constance Debré y puise la matière de son livre, elle utilise les siens qui ont leur part de romanesque, mais elle évite justement la facilité d'en faire trop avec la célébrité, la politique, l'aristocratie ou la drogue. Ce n'est pas le sujet et elle annonce clairement la couleur en disant qu'elle aurait écrit le même livre « avec n'importe quels parents », « avec n'importe quelle enfance », « avec n'importe quel nom. »
Le sujet, ce n'est pas non plus de régler ses comptes avec des proches, de faire le procès des Debré ou de critiquer la bourgeoisie même si elle ne lui fait pas de cadeaux, le sujet c'est : « Se barrer. Aller de plus en plus loin. Géographiquement ou sans bouger. Être de plus en plus seul. Aller vers la solitude. » Avec une colère froide et tranchante, elle s'attaque aux piliers sacrés de l'ordre social dans la position de quelqu'un que la vie ordinaire de ses semblables n'intéresse plus. « Il y a un moment où on est allé si loin dans le dégoût qu'on n'en a plus rien à foutre de rien. Qu'on s'en fout des autres. Que la douleur du monde on s'en fout. Que les pauvres on s'en fout. Que les gens qu'on aime on s'en fout. » Bien sûr, l'Histoire n'a pas attendu l'auteur pour apporter sa contribution à ces idées qui ne sont pas nouvelles, mais elle affirme son code d'honneur avec une telle détermination que les quelques facilités d'écriture trouvées ici ou là disparaissent derrière l'admiration. D'autant plus qu'on aurait tort de penser qu'elle est indifférente à ses contemporains ou aux événements. Constance Debré écrit tout le contraire : « J'ai dit que je me foutais de tout mais ce n'est pas vrai. La vérité c'est que je suis le contraire de quelqu'un qui s'en fout. Tout ce que je fais c'est parce que je ne m'en fous pas. » Elle développe ensuite en expliquant que ce qui la gouverne, c'est la recherche de vérité, la lutte contre le mensonge, la nécessité d'être sérieux avec soi-même, le besoin impérieux d'écrire pour raconter la vie lamentable des gens quand bien même il faut leur « cracher à la gueule ».
Le livre est construit en miroir autour du récit froid et clinique de la mort du père de la narratrice pour souligner l'importance du personnage et éventuellement préparer le lecteur aux pages qui suivent, un manuel de destruction méthodique de la famille et de sa folie. Écrit à la première personne du singulier, Constance Debré met son corps dans la page pour parler de l'enfance, de l'origine, de l'identité, pas pour célébrer ce qui est lié au déterminisme du passé ou aux choses qui ne sont pas choisies, mais pour illustrer une autre possibilité d'être, une vie libre pour exister ailleurs et autrement dans un mouvement plus heureux et plus vital. Cette voie implique arrachement, séparation, distance, solitude, férocité, colère, rage, toute une série de sentiments qui peinent à s'exprimer dans l'existence, mais qui trouvent leur place dans la littérature.
Il en est ainsi dans "Nom", une écriture incarnée qui découle d'une impression d'écoeurement, d'impasse dans l'existence, dans la vie ou même dans le langage, une écriture portée par la colère ou le dégoût face à la bêtise ou l'hypocrisie, face à la vie lamentable, mais sans prétention révolutionnaire. Juste pour soi, pour changer ses habitudes, changer son rapport au monde, être sérieux et discipliné avec soi-même, perdre du pouvoir pour retrouver sa liberté, ne pas s'apitoyer sur son enfance, refuser l'héritage familial, se délester des biens matériels, dépouiller son intérieur, prendre de la distance, faire le vide… pour faire le plein.
J'ai beaucoup aimé cette radicalité dans l'écriture de Constance Debré, cette détermination et cette efficacité, un pavé bien venu et courageux dans la marre de la littérature française contemporaine. le style anaphorique renforce le ton incisif, provoquant un effet de transe littéraire dans certains passages. Constance Debré habite chacune des phrases qu'elle écrit, des phrases résolues, sèches et austères. Des phrases peu fleuries dont pourtant il se dégage une beauté saisissante, ascétique. Il lui semble plus aisé d'exprimer littérairement des sentiments durs tels la rage ou le dégoût, plus facile que des sentiments comme la tendresse ou l'amour. Néanmoins, j'ai trouvé des pages touchantes d'où émanait une forme de douceur en particulier lorsqu'elle écrit sur sa relation avec Camille, « on a dormi, elle était contre moi, elle prenait ma main, c'est ça qui m'a le plus étonnée, sa façon de dormir contre moi, des mois plus tard ça continue de me fasciner. »
J'ai finalement été frappé dans ce livre par le mélange de froideur et de recherche de sens, par la combinaison de brutalité et de transcendance. Car derrière l'histoire de la femme qui se sauve coûte que coûte pour ne pas devenir folle se dessine celle d'un être qui cherche un sens à l'existence, qui a un rapport religieux au monde. « Si je vis comme je vis, ce n'est pas pour mon petit confort personnel, c'est par rapport à l'ordre des choses, c'est parce que je dois faire ce que je fais, sinon le monde serait fou, voilà ce que je pense, que je sauve le sens du monde avec ma vie. »
Dans "Nom", Constance Debré explore son rapport au monde dans une littérature qui certes malmène, mais élève également. J'ai beaucoup aimé.
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Famille, je vous hais ? « Tais-toi. Tais-toi, t'entends. Tout autant que vous êtes, taisez-vous ».

A travers ce troisième roman autobiographique, Constance Debré continue le dépouillement qu'elle a entamé avec Play Boy (que je dois lire) et Love me tender (que j'avais adoré). Après s'être débarrassée de son hétérosexualité, de son métier d'avocat, de son mari, elle se débarrasse de son nom. Elle dit non à l'héritage, à la famille, à cette bourgeoisie qui l'étouffe. le roman s'ouvre sur le décès de son père. Une manière de fermer la porte à cette famille qui lui pèse. Mais qu'elle aime au fond. Elle accompagne son père jusqu'à la fin, à coup de snickers glacés. L'indépendance n'est pas une chose aisée à prendre. C'est un long travail de construction et de déconstruction.

Comme pour Love me tender, j'ai dévoré ce roman en près d'une soirée. Même si elle est parfois agaçante (lorsqu'elle veut bruler les livres), Constance Debré est brillante, intelligente et cultivée. Ce n'est pas une poupée qui fait non, qui rechigne sur son enfance de privilégiée, c'est une femme à la recherche d'apaisement. Elle signe un roman puissant qui envoie valser toutes les conventions et l'ordre établi.

Lisez Constance Debré !
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Avec ce livre, ça passe ou ça casse. Personnellement, j'ai adoré.
Fille de, petite-fille de, nièce de, Constance Debré déconstruit tout. Je n'ai pas encore lu ses deux livres précédents, tant pis pour moi. Elle a effectué une opération de dépouillement de tout. Dans ce livre, elle se dépouille de son héritage. Pour cela, elle part et elle termine avec la mort de son père. Elle clame son dégoût de tout : de la bourgeoisie et l'aristocratie dont elle est issue, des pauvres, du carcan sociétal, de la justice faite par les riches pour les riches (elle a été avocate), etc. Anarchiste, la petite-fille de constitutionaliste? Même pas. Elle n'entre dans aucune case. Une chroniqueuse a parlé de stoïcisme à propos d'elle. J'ai pensé, plutôt Diogène. Peu importe. J'ai trouvé mon héroïne. Même si je ne la suivrai pas.
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C'est le troisième ouvrage que je lis de Constance Debré. Familles, je vous hais, un cri radical et puissant contre la famille, la 'cellule de base de la société où on apprend tout', d'après les thuriféraires qui savent si bien dire. Petite fille de puissants (hommes politiques, mandarin, journaliste écrivain), élevée dans une famille dysfonctionnelle, Constance Debré continue de larger les amarres en se racontant d'une écriture factuelle, sobre, épurée. Changer : méthode. Devenir lesbienne anarchiste nomade après avoir été hétérosexuelle mariée, mère de famille rangée, et avocate pénaliste. La famille (de famulus en latin, agrégat des possessions du Maître : femmes, esclaves, bêtes et mobilier) en prend pour son grade. Une écrivaine et une oeuvre à suivre.
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Constance Debré développe un véritable arc narratif avec ses romans, qui si ils peuvent se lire indépendamment, sont de vraies autofictions qui s'entrelacent à l'aide du réel et de la chronologie. Utilisant comme matériaux à son écriture sa propre vie, l'autrice nous fait témoins de sa conscience, de ses avis, sans concessions, de sa vie, tranchée.

Nous la découvrons hésitante avec les filles. Elle a quitté Laurent, le père de son fils, pour évoluer dans un nouvel environnement amoureux. Elle teste les filles, les embrasse, les touche et découvre la liberté de choisir. Mais son ex mari n'est pas de cet avis et décide de l'empêcher de voir son fils. Petit à petit, la machine se met en marche et Constance Debré va décider de quitter son boulot et de ne plus vivre que sur le canapé des autres ou dans de minuscules studios. Elle expérimente le fait d'avoir peu, presque rien, elle se contente de ce qu'elle a et parfois c'est déjà trop. Elle cherche à comprendre la filiation, pourquoi s'attacher aux personnes parce qu'ils partagent le même sang que nous.

D'une écriture brute et franche, faite de phrases courtes, elle assène ses vérités. Elle martèle ses besoins et envies et nous livre une autobiographie d'une femme dans l'air du temps. de la vraie bonne littérature contemporaine, pas nombriliste même si elle est sa propre inspiration, c'est le témoignage d'une époque. Une époque à réinventer et à réécrire.
Lien : https://topobiblioteca.fr/
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Constance Debré continue son travail de sape. L'ancienne avocate a fait sa mue il y a quelques années, se débarrassant de son métier, de son mariage, devenant homosexuelle, se rasant la tête, forgeant son corps à coups de longueurs de piscine. Brûlant la vie car on en a qu'une. Elle vit sa vie comme une aventure. Mais ce n'est pas facile de laisser derrière soi le poids de l'histoire familiale, le grand-père co-fondateur de la Vème République, les oncles députés ou ministres, les parents alcooliques, opiomanes puis héroïnomanes. Elle vomit son milieu, la noblesse d'état mais laisse transparaître un attachement certain pour sa mère trop tôt disparue et son père avec qui elle ne parlait pas.
Style direct, punch à l'estomac, cerveau en feu. Très autocentré, normal c'est du récit de soi. Enervant par moments mais formidable tout le temps. C'est tellement ça qu'il faut faire. Bravo Constance, tu es loin devant comme le petit cheval blanc. Tous derrière et toi devant.
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Je me dois de prévenir : j'aime lire Constance Debré.
Après « Play Boy » où elle parlait d'identité au travers de sa découverte du sexe et de l'amour avec une femme, « Love me tender » où elle disait sa rupture avec un mari violent et la perte de la garde de leur fils, posait la question de l'amour maternel, voici « Nom » qui raconte comment elle se débarrasse de ce qui la lie à ce nom de famille célèbre.
Constance DebréNom

« Nom » est de la même veine que les précédents. Constance Debré est irritante quand elle assène que sa vie est la vraie vie. Que la famille et ce qu'on nomme valeurs « ça ne sert à rien« , quand elle dit son mépris des pauvres dont « on s'en fout« , que les livres « je commencerais par les livres, je les détruirais, je les déchirerais, je les brûlerais, tous les livres bien rangés, les petits murs de livres, […] la bêtise des livres, l'immense bêtise des livres, celle de ceux qui lisent, celle de ceux qui écrivent« . Elle peut dire « Je peux très bien vivre sans appartement » puisqu'elle est accueillie partout et qu'elle peut « troquer Pigalle pour Chinatown« . L'ancienne élève « d'Henri-IV, la crème de la crème » peut dire à un garçon de treize ans que « c'est la même chose jouer à la Play ou écrire des livres » quand ça n'engage pas sa responsabilité. Elle « s'en fout de tout » mais « ce sont les gens comme nous qui font le monde« . Elle peut dire « le pognon on s'en fout » quand on en a eu dans sa famille de ministres, de députés, de comtes, de barons… Constance Debré n'est pas à une incohérence près.
Mais elle devient intéressante quand elle explique comment elle veut la liberté d'être qui elle veut, se défaire de ce « Nom« , que « Toutes ces manières, ces bonnes manières que je connais par coeur, je les déteste. Je les déteste parce qu'elles sont en moi, incrustées bien plus que le sang« . Elle est intéressante, parce que c'est elle qui parle, parce que cette femme qui dit « je me suis débarrassée de presque tout » reconnaît que « quoi qu'il arrive je travaille, je nage, je vois la femme que j'aime ou bien je ne vois personne. C'est organisé« .

Un texte sans concession, un style énervé, des phrases courtes et sèches, un parler cash pour dire son refus de toutes les convenances que porte le nom de Debré et qu'il ne reste que « Nager, écrire, l'amour, c'est des techniques pour faire exister des choses et faire disparaître le reste« . Écrire, ce qu'elle fait si bien !
Lien : https://lecturesdereves.word..
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ne autobiographie aussi dur et ciselée que les précédentes. L'auteur y raconte sa vie avec ses parents, ses souffrances et les moyens qu'elle a mis en place pour les surmonter et avancer. Effectivement, ce n'est pas facile de vivre avec des parents toxicomanes, à l'opium, l'héroïne, puis l'alcool. Déménager régulièrement, car les parents perdent leur emploi, donc le logement. Malgré tout,l'auteur avance dans sa vie, car ses parents l'aiment, elle excelle à l'école et devient avocate pénaliste.

Dans Play boy et Love me tender, elle explique la révélation de son identité sexuelle, les souffrances associées et les moyens mis en oeuvre pour s'assumer.

Là, dans "Nom", elle explique la souffrance de la perte de ses parents, de son père, qu'elle a suivi jusqu'au bout et de se retrouver sans racines familiales.

C'est une forte personnalité, un caractère forgé par la nage et le cadrage intérieur et mental. Bravo à l'auteur pour sa force et sa résilience, car malgré son écriture révoltée, acérée et vive, on distingue la personne cachant ses émotions et sentiments.
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Constance Debré a créé une narratrice qui lui ressemble. Elle emploie un style léché et percutant. le questionnement des origines sociales, elle en fait un un Rubik's cube qu'elle résout en le lançant joyeusement dans les airs. C'est jubilatoire. Il est totalement insensé que la haute bourgeoisie française ait produit cet être humain de chair et d'encre, à savoir : un écrivain remarquable et une révolutionnaire à craindre. Attention, elle dynamite les esprits. Si vous la lisez, vous jouez avec le feu...
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L'avocate Constance Debré est la fille du journaliste de guerre François Debré et de la mannequin Maylis Ybarnegaray, tous deux accros à l'opium. Dans « Nom », elle interroge le milieu bourgeois dont elle est issue et dont elle s'est affranchie. Il lui a fallu plusieurs années pour briser les chaînes de son histoire familiale, marquée par la violence des silences, les folies et les solitudes enfermantes. « Nom » est homonyme de « non » ! Au-delà de cette mise à distance avec son héritage lié au nom Debré, Constance se sert de l'écriture pour redéfinir et affirmer l'identité dans laquelle elle se reconnaît : « Il faut en finir avec l'origine, je ne garde pas les cadavres ». de la même manière, elle refuse d'étiqueter son récit dans le carcan des genres littéraires. Autofiction, roman, autobiographie… ce texte peut être tout cela à la fois ou rien du tout : Ce texte risque de vous secouer par la rythmique des phrases saccadées, reflet de la pensée survoltée et énergisante de l'autrice. Une pépite à lire pour qui est prêt à une écriture cash et nerveuse.
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