AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de beatriceferon


A l'agence Pôle emploi, Mademoiselle, dont nous ne connaissons pas le nom, n'écoute rien de ce qu'on lui dit. Ses pensées vagabondent. Pourquoi ne se glisserait-elle pas dans la peau de l'écrivain Bérénice Beaurivage ? Ce personnage d'un film de Rohmer est interprété par Arielle Dombasle à laquelle on la compare souvent. Et quitte à changer de nom, pourquoi ne pas changer de vie aussi ?
Ce roman, je l'ai découvert grâce à l'émission d'Olivier Barrot « Un livre, un jour ». Il est paru aux éditions de Minuit dont j'adore Jean Echenoz, Philippe Toussaint ou Jean Rouaud. En revanche, je n'aime pas du tout Laurent Mauvignier, Eric Chevillard ou Christian Oster. J'ouvre donc le livre de Julia Deck avec prudence.
Si elle est courte, cette oeuvre demande quand même beaucoup de réflexion, même si l'histoire, à première vue, paraît simple.
Du Havre en décembre, nous descendons vers Saint-Nazaire, Marseille en janvier et, au final, aboutissons à nouveau au Havre en décembre.
Les narrateurs alternent : une narratrice dit « je », une voix extérieure parle « d'elle ».
Le triangle d'hiver est le nom donné à « un astérisme à cheval sur l'équateur céleste, formé par trois étoiles plus brillantes, visibles dans l'hémisphère nord, surtout pendant l'hiver », m'apprend Wikipédia. Autant dire du chinois pour moi !
Mais plus je réfléchis, plus je cherche, plus le génie de la composition m'apparaît. Quand on connaît le nom des étoiles qui composent ce triangle, on peut les associer aux personnages du livre. Puis, on découvre le titre du film de Rohmer qui a inspiré Mademoiselle. Et les noms des protagonistes sont ceux des personnages du récit.
Un subtil jeu sur le temps est mis en place et il aboutit à un final qui m'a laissée admirative et envoûtée.
Mademoiselle lit, bien sûr, la pièce de Racine qui, elle aussi, repose sur un triangle amoureux. Ces allusions au cinéma (Rohmer est un réalisateur que j'adore, un de mes préférés) et à la littérature sont faites pour me plaire.
La maîtrise de la construction et étourdissante. Et-il possible que ce ne soit que le deuxième roman de Julia Deck ? Je lui tire mon chapeau !
Les dialogues insérés dans le texte sans tirets ni guillemets, l'absence de point d'interrogation la plupart du temps, me font penser à Philippe Djian.
Quelques mots hermétiques apparaissent de temps à autre : « parabolohyperboloïdique », « superpostpanamax » ou « contrapposto ». Ils forment comme une musique énigmatique.
De fascinantes symétries miroir intriguent : l'Inspecteur aimerait lire le carnet de Bérénice, « Mais Bérénice ne s'éloignait jamais de la chambre. Pour découvrir son contenu, il aurait fallu que l'Inspecteur se lève la nuit après s'être assuré que la jeune femme dormait profondément, qu'il l'emporte dans le couloir et l'examine sous la veilleuse, seul, debout et ridicule. L'Inspecteur était beaucoup trop fatigué pour se livrer à une telle entreprise. » Quant à Bérénice, elle voudrait percer les mystères de la messagerie de l'Inspecteur. Mais comment consulter son téléphone ? « Il aurait fallu qu'elle se lève la nuit, l'emporte dans le couloir et l'examine sous la veilleuse, seule, debout et ridicule. Bérénice avait bien trop peur de ce qu'elle pourrait y découvrir pour se livrer à une telle entreprise. »
C'est un roman qui m'a paru riche, étrange, ésotérique. C'est peu dire que je l'ai adoré !
Commenter  J’apprécie          20



Ont apprécié cette critique (2)voir plus




{* *}