Chaque fois que j'ai eu des maîtresses, c'était pour le fun, pour une nuit ou deux, une occasion trop belle à ne pas laisser passer. Je n'avais peur de rien. Une femme, j'en avais une, et superbe en plus. Je me faisais l'effet d'un riche propriétaire qui visite une autre maison qu'il ne veut pas acheter mais qu'il peut se payer... (p. 268)
Avant mon départ, Hélène m'a offert "Gatsby le Magnifique" [...]. « Il n'y a rien de mieux que le destin des personnages de la littérature pour nous réconcilier avec notre propre destinée », a-t-elle dit. (p. 98)
On ne recommence pas sa vie, mais si on le décide, on peut la continuer autrement.
Anna s'affaire dans la cuisine. Je la salue d'un bonsoir qui se veut apaisant. La radio est allumée et tandis que je me sers un verre de vin sans oser l'embrasser, la voix de Jacques Brel diffuse "Ne me quitte pas". La vie a parfois de ces ironies ! Anna change de station sans faire de commentaires et Gainsbourg prend le relais. "Je suis venu te dire que je m'en vais." Elle me jette un coup d’œil et un fou rire nerveux nous prend et détend l'atmosphère.
Je me suis habitué à écrire tous les jours. C’est presque devenu une addiction. Ça m’apaise. Je ne relis jamais. Je ne sais pas à quoi ça sert. Je le fais. Je mets des pas dans mes mots. J’avance donc.
La guerre nous rend anormaux. Habituellement, nous agissons en ayant face à nous une personne ; parfois, elle nous déplaît, mais le plus souvent, nous évaluons ce qui, en elle, est en accord avec nos pensées. En ce moment, nous sommes obligés de haïr tout un peuple. Ils nous ont envahis, ils nous occupent, ils sont l'ennemi. Combien parmi eux ont envie d'être à cette place de vainqueur arrogant ? (p. 194-195)
Ma mère n'a plus tout à fait sa taille mannequin d'autrefois, bien qu'elle veille jalousement sur sa ligne. J'ai amusé Pierrot en lui disant qu'il n'existe certainement aucun pêcheur en France qui surveille aussi bien sa ligne que ma mère.
Puis au moment où tu commençais à t'envoler, à te rebiffer pour retrouver un semblant de légèreté, tu avais eu à te battre contre ce sale cancer. Tu avais gagné, certes, mais cette expression "en rémission", cette épée de Damoclès suspendue au-dessus de ta vie, cette vérification incessante de "malin ou bénin" avait désormais conduit ta vie à hésiter entre le pire et le moins terrible, et avait achevé tout espoir restant en une vie facile. En même temps, tu ne pouvais pas le nier, à partir de ce moment, tu t'étais réjouie de tout. Avoir eu un nouvel amour qui t'avait si bien accompagnée dans cette épreuve, avoir vécu comme tu l'entendais, t'être sortie sans séquelle autre qu'une surveillance de cette maladie, avoir sauvé tes seins... Tout était devenu "des raisons de se réjouir".
Par là grâce d'un saxophone, j'entrais sur la pointe des pieds dans ce monde du contretemps, tellement adapté au contre-pied de la vie que je menais. Moi aussi, en quelque sorte j'avais un statut de nègre, de corbeau sur la neige, de bannie. J'étais punie par des adultes qui me trouvaient insolente, et rejetée par des enfants parce que je pensais différemment et que je n'aimais pas leurs jeux. De toute façon, je n'aimais que les livres, la musique et le cinéma pour me sauver d'une réalité révoltante.
Je ne crois pas que la cruauté gratuite des hommes fasse naître la soumission. Elle appelle à la révolte pour ceux qui veulent continuer à se regarder dans une glace sans y voir une âme en putréfaction. Nulle oppression ne peut aboutir à autre chose que des courbettes serviles devant l'occupant ou une guerre acharnée et secrète. On ne rallie pas à sa cause les ennemis d'avant, on les étouffe ou on les prend dans la gueule.