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sur 740 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Cinq ans après Règne animal, prix du livre Inter 2017, que j'avais particulièrement apprécié, j'ai à nouveau été conquise par l'écriture de Jean-Baptiste del Amo dans son nouveau roman le fils de l'homme.
Un break quitte la ville avec à son bord un homme, une femme et leur jeune enfant de neuf ans.
Après des heures de route, plusieurs vallées traversées, les villages disparaissent peu à peu et la voiture s'engage sur une route en lacets puis sur un chemin de terre, quand soudain un pin obstrue le passage. Ne pouvant le déplacer, le père met le véhicule à l'écart, le camoufle et extirpant les bagages du coffre, tous trois, sacs à dos chargés sur les épaules, s'acheminent sous la conduite du père vers une vieille maison isolée dans la montagne, tout juste habitable, aux Roches. Au départ, il s'agit d'un séjour estival qui va rapidement s'avérer être un séjour définitif sans possibilité de retour.
Ce n'est que trois semaines auparavant que le père a réapparu dans la vie de son ex-compagne et de son fils après environ six ans d'absence pour des raisons mystérieuses.
Au fil du récit, l'auteur alterne le moment présent avec cette découverte de la nature pour le fils et le passé avec comme point de départ le retour du père et ensuite une remontée dans le temps, sans pour autant créer de réels chapitres et donc sans rompre le rythme de l'histoire.
Dés les premières lignes, Jean-Baptiste del Amo nous plonge dans une atmosphère d'angoisse. Dans la voiture, sans qu'un mot ne soit échangé, les regards croisés entre la mère et l'enfant expriment un sentiment de crainte et d'inconnu.
On apprend peu après que c'est aux Roches, précisément que ce père a vécu auprès de son propre père, un homme devenu impitoyable et qu'il entend maintenant y faire vivre sa femme et son fils, femme dont il a appris qu'elle l'avait trompée.
Hanté par son passé et rongé par la jalousie, le père sombre lentement dans la folie.
Le père, la mère et le fils ne sont jamais nommés et la troisième personne est de rigueur tout au long du roman, nous amenant à penser quasiment à un mythe, dans lequel la transmission de la violence de père en fils pourrait être le thème principal.
Tout en restant facile d'accès, avec un vocabulaire riche, une écriture fine et imagée, où la poésie le dispute à la rudesse, l'auteur sait à merveille retranscrire la découverte de la nature par cet enfant ayant vécu jusque-là dans une petite maison d'un quartier ouvrier. Si dans un premier temps, le gosse est effrayé par ce milieu qui lui paraît hostile et dangereux avec ces bois profonds et ces bêtes sauvages, il saura peu à peu y trouver sa place et même un refuge dans ce renfoncement créé entre les racines épaisses d'un vieux noyer, créant ainsi une niche obscure où il se sent protégé. Les descriptions sont imagées au possible et nous entraînent avec volupté au coeur de ces lieux sauvages nous faisant ressentir toute la force de cette nature et sa puissance, des lieux qui pourraient être paradisiaques si la folie de cet homme ne prenait au fil de l'histoire toute la place. L'homme et la nature y sont en perpétuelle confrontation.
J'ai été frappée par le peu de paroles et de dialogues entre les trois protagonistes, ceux-ci étant remplacés, à mon sens très avantageusement, par des regards ou des gestes particulièrement expressifs. Les corps de chacun sont fort justement mis en avant, décrits dans tout leur naturel, avec volupté et sensualité parfois, ou plus durement et froidement dans d'autres cas.
Bien des questions viennent à l'esprit tout au long de cette lecture, et c'est tout le charme de celle-ci qui se partage entre beauté et noirceur, amour et cruauté, même si la noirceur prend malheureusement le pas sur la beauté.
À la transmission de la violence d'une génération à une autre, s'ajoute ici la domination des hommes sur leurs semblables tout comme la confrontation du monde de l'enfance à la dureté et la brutalité du monde des adultes.
D'une beauté saisissante, bien que dramatique, le fils de l'homme est un roman intemporel qui m'a bouleversée. Je remercie très sincèrement Babelio et les éditions Gallimard pour cette somptueuse lecture, en avant-première.
À noter que Jean-Baptiste del Amo devrait être présent aux Correspondances de Manosque en septembre prochain et que je me fais une joie, déjà, de pouvoir le rencontrer !

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Dans le fils de l'homme, Jean-Baptiste del Amo confirme, si c'était nécessaire, son immense talent d'écrivain. Règne animal (Prix du Livre Inter 2017) m'avait profondément marqué mais, avec le fils de l'homme, cet auteur réussit encore à m'impressionner en me plongeant au plus profond des racines de l'espèce humaine luttant pour sa survie dans une nature brute, austère et pourtant favorable aussi.
La séquence inaugurale du livre me surprend puisqu'elle me plonge dans la vie d'une horde d'hommes et de femmes préhistoriques. Malgré les éléments, le froid, la mort avant trente ans, la vie se perpétue : accouplements, accouchements, bébés vivants ou non. Pour survivre, il faut chasser, pêcher, préparer les repas, se retrouver au camp. C'est de ce camp que partent des chasseurs dont un père et son fils qui ne tarde pas à faire ses preuves.
Brusquement, changement d'époque, voilà le fils de l'homme, avec son père au volant, conduisant la mère et ce fils dans un endroit perdu, en montagne, loin de tout : Les Roches.
Déjà, un constat s'impose. Les principaux protagonistes de cette histoire terrible n'ont pas de prénom, pas de nom. Il faut s'y faire et cela est vite oublié dans les descriptions détaillées et tellement vivantes offertes par Jean-Baptiste del Amo. Quel style magnifique ! Quel déferlement de vocabulaire, riche, intense, précis, toujours juste !
Comme il est indispensable de savoir à qui nous avons affaire, l'auteur, régulièrement, revient un peu en arrière. Trois semaines auparavant, alors que le garçon jouait dans la petite cour d'une maison très modeste, un homme arrive : son père ! Il réapparaît alors qu'il a disparu depuis six ans. La mère est au travail. Il mange, s'installe et fume beaucoup.
Par petites touches, sans jamais trop en dire, laissant souvent son lecteur sur sa faim, l'auteur révèle le passé de cet homme qui inquiète et fascine en même temps. Petit à petit, je découvre son passé et l'histoire de son père, le grand-père du gosse, celui qui a créé ce lieu improbable, Les Roches, où le père va obliger mère et fils à vivre, à survivre.
Cette mère dont Jean-Baptiste del Amo laisse échapper une seule fois le prénom – Cristina – a été maman à dix-sept ans alors qu'elle ne voulait pas d'enfant. Elle en a vingt-six quand le père revient et elle est… enceinte !
Tensions, menaces, recherche d'un bonheur impossible à trouver dans des conditions de vie extrêmes, cette maison, Les Roches, le père l'a retapée, y a stocké des vivres et le cadre peut se révéler idyllique au printemps, ce printemps en montagne magnifiquement décrit.
Une terrible violence rentrée est prête à sourdre à tout moment mais il faut se laisser emporter par l'excellente prose de Jean-Baptiste del Amo, ne pas vouloir tout expliquer, accepter qu'il n'y ait pas vraiment de fin, même si… Alors, je me suis laissé prendre jusqu'au bout, vibrant devant cette nature sauvage, tremblant à cause des menaces qui planent constamment sur cette famille qui n'en est pas vraiment une.
Le fils de l'homme est un roman qui m'a marqué, impressionné et porté jusqu'au bout, entre suspense et régal, grâce à la précision et à la qualité d'écriture d'un grand écrivain : Jean-Baptiste del Amo.

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Soudain réapparu après des années d'absence et de silence, un homme convainc sa compagne, enceinte d'un autre, et son fils de neuf ans, de le suivre aux Roches, une bâtisse difficilement accessible et à peine habitable, perdue loin de tout dans la montagne. Leur rustique séjour au vert tourne rapidement à l'aigre, alors que le père, dévoré par le passé et par la jalousie, révèle peu à peu ses véritables intentions, en même temps que les signes d'une folie grandissante. La mère et le fils réalisent bientôt qu'ils sont prisonniers des Roches…


Aucun nom ne personnalise le récit, qui, construit autour des seules mentions, à consonance biblique, d'un père, d'une mère et d'un fils, se pare de toute évidence de la portée universelle annoncée par le titre et soulignée par le prologue. En commençant par nous renvoyer aux âges préhistoriques, dans l'évocation accablante d'êtres usés par la constante lutte pour leur survie, selon des règles sauvages et violentes transmises de père en fils, l'introduction du roman nous place d'emblée face à la perception de notre insignifiance et de notre infinie solitude dans l'immensité glacée et minérale de l'univers. le malheur semble inhérent au destin humain, dans une éternelle tragédie rejouée à chaque génération. Et comme son père avant lui, l'homme au centre de la narration ne manquera pas de transmettre la malédiction de la douleur, de la violence et de la haine.


Désespérément noire, la tonalité du récit n'autorise aucune éclaircie. D'emblée chargé d'angoisse, le texte avance au rythme des observations du fils de neuf ans, instinctivement conscient de la menace en germe dans l'étrangeté du père. Pour épouser la progression de son regard sur cet homme sorti de nulle part qui tient pourtant son sort et celui de la mère dans ses mains, la narration se nourrit des dialogues elliptiques, puis des monologues paternels de plus en plus hallucinés, qui laissent entrevoir en pointillés un passé tourmenté. le langage corporel, retranscrit avec une exceptionnelle précision, prend le relais d'une analyse psychologique totalement absente. Et, tandis que se précisent les failles d'une personnalité en train de reproduire une histoire en de maints points semblable à celle vécue une génération plus tôt, l'isolement dans une nature magnifiquement décrite dans tout ce qu'elle peut comporter de menaces et de dangers quand on s'y retrouve abandonné comme un nourrisson sans ressources ni défenses, achève d'alourdir le climat anxiogène qui pèse sur le lecteur depuis la première page.


Il ne se passe au final que peu de choses dans cette histoire. Mais le pessimisme accablant et l'atmosphère menaçante du récit entretiennent un sentiment vivace de vulnérabilité face à l'impondérable tragédie de la destinée humaine. Travaillé dans son expression et son vocabulaire, le style s'élève souvent vers d'admirables hauteurs, et, nonobstant deux infimes mais surprenantes incohérences, c'est un livre en tout point remarquable qui réussit ici à nous régaler. Coup de coeur.

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Après plusieurs années d'absence, il est réapparu. Il annonce au garçon de neuf ans qui lui a ouvert le portillon rouillé du pavillon ouvrier qu'il est son père. Plus tard, de retour de son travail, la mère le trouve endormi à l'étage. Ni elle, ni le garçon ne savent pourquoi il fait irruption dans leur vie. Lui seul sait qu'il est là pour ressusciter sa propre légende, celle du « Fils de l'homme », l'héritage du sang, l'héritage de la haine…
Le récit alterne deux époques qui se déroulent sur un même lieu, « les roches », une maison perdue dans les montagnes dans laquelle le père a passé son enfance et où il emmène sa compagne et son fils afin qu'ils se « retrouvent ». Ce saut dans le passé permet de comprendre ce qui anime les protagonistes et surtout la volonté de ce père de finir une tâche inachevée, de transmettre au fils son héritage, celui-ci eût-il été destructeur. Mais c'est sa façon à lui de triompher de sa propre histoire, de la mort.
La première particularité de l'histoire de Jean-Baptiste del Amo est qu'il n'y a pas de dialogue. Les personnages de cette histoire sont comme des étrangers les uns pour les autres. Ils n'échangent pas leurs idées, leurs souhaits, ils sont portés par le cours de leur vie, téléguidés vers leur destin pourvu que la transmission du père au fils se fasse. Ils n'ont pas de prénoms ni de nom, ils sont tout le monde et n'importe qui.
La deuxième particularité du « Fils de l'homme » est qu'il n'y a pas de fin. le récit se termine abruptement et laisse au lecteur le soin de conclure. C'est aussi une façon d'inscrire la relation père-fils dans une boucle qui se lit à l'infini et répète inexorablement le même schéma, le même sentiment, en l'occurrence la haine.
Pour rompre la malédiction de cette boucle infernale, il faudrait au fils le courage de renier son principal repère : son origine, « D'où viens-je ? ».
« le fils de l'homme » est un très beau texte, remarquablement bien écrit qui mérite que l'on s'y perde. C'est une auberge espagnole où chacun y trouvera un peu de ce qu'il a déjà en lui.
Editions Gallimard, collection blanche, 239 pages.
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Comment qualifier ce live lu d'une traite , qui décrit de façon si profonde ,subtile, cruelle ô combien, la découverte du monde des adultes par un enfant ?

Au commencement, le lecteur , surpris découvre une scène mythique des origines: celles des premières communautés humaines vivant au rythme de la pêche , de la chasse, des cueillettes, affrontant les éléments naturels : vent cinglant , grands froids, végétation rase, lande battue par les vents , des barbes broussailleuses mangent le dur visage des hommes et des femmes rubicondes portent les nouveaux - nés sous des fourrures élimées .

Un prologue quasi mythologique , apocalyptique … au coeur d'un environnement naturel qui engloutit …

L'auteur conte le retour d'un homme blessé , porteur d'une histoire trop lourde pour ses épaules , héritier bien malgré lui d'un schéma de violence pesant , venant de très loin. .

Il revient après des années d'absence dans le foyer de son ex - compagne et de son fils de neuf ans afin de retrouver sa place——resurgit et les conduit aux Roches , un hameau hostile , une maison isolée ,en pleine montagne où lui- même vécut autrefois avec un patriarche assez particulier —— quasiment tombée en ruines ——qu'il n'aura de cesse de reconstruire en même temps que l'unité familiale.
«  La maison perdue, à la façade minable, la bâche en partie soulevée sur la tuile plate du toit » ou le break de l'homme ,une Citroën BX d'un «  bleu électrique avachie sur sa suspension hydraulique » .

L'auteur décrit avec une exactitude absolue qui fait plus «  voir » encore plus qu'imaginer les scènes de l'ouvrage., les arbres qui enserrent, les montagnes qui engloutissent , dévoile de terribles drames et secrets passés .
L'intrigue simple : un couple avec un enfant , seuls , loin de tout dans la montagne devient d'un coup aussi complexe que la psychologie de ces bêtes humaines .
Les trois protagonistes n'ont pas de «  nom » , on les appelle «  le père » la mère » , «  le fils » semblables à des figures universelles , emblématiques., symboliques .
Hanté , dévasté par la jalousie , rongé par son passé , le père perdra toute mesure et sombrera lentement dans la folie .

L'auteur explore avec virtuosité les sentiments en se plaçant du côté de l'enfant à l'aide de la troisième personne , creuse au plus profond les sensations du garçon , sa vulnérabilité,ses interrogations, le rapport fusionnel avec la mère , aimante , tendre , les relations très «  extérieures avec ce père qu'il ne connaît pas , mais avec lequel un authentique rapport père - fils peut être espéré ou fantasmé ,et aussi , bien sûr les liens fantastiques , physiques , avec la nature, les animaux, au cours d'une promenade en forêt où les contes pour enfants de sa mère lui reviennent en mémoire avec leurs forêts enchevêtrées, recelant mystères , périls et secrets ..
Le style est virtuose, de longues phrases descriptives , magnifiques , insaisissables , embrasées , qui exaltent avec précision la beauté de la nature sauvage , comme la violence indescriptible qui éclate au dernier tiers du livre.

Un texte âpre, violent , sombre, tragique , rageur ,magnétique , fort, sur le thème du passage du temps , la transmission , l'éternelle tragédie qui se noue entre les pères et les fils , la cellule familiale si fragile , l'emprise destructrice qui peut conduire au pire .

On ne peut que souligner avec force la virtuosité de l'auteur autant par le style flamboyant , les thèmes très forts et la magie subtile qui tire le lecteur vers le haut et force l'admiration .
Une réussite ! Bravo à l'auteur !
«  La forêt hostile et nue la veille encore , se pare de courbes vaporeuses , d'ombres pommelées qui la font paraître moins redoutable.
Propulsée aux branches des arbres , la sève fait éclore par myriades les bourgeons dont les écailles chutent , infimes , silencieuses, révèlent la chair glauque des feuilles qui se déploient et constellent les ramures d'un vert intense » …

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Six ans sans la présence d'un père à ses côtés, mais l'homme est désormais de retour, il espère se sauver de son passé, et rien ne le séparera de la mère qui peut-être l'aime encore ou qu'il parviendra à conquérir à nouveau. Alors l'homme emmène la mère et l'enfant aux Roches, adossée au terrain une maison de montagne délabrée, c'est là que le père a grandi. Avec le retour du père, le fils ressent une menace indicible qui plane au-dessus de lui et de sa mère.

Un récit très lent, il ne se passe rien, mais tout est conté avec un souci permanent de la description dans les moindres détails. Un huis clos pesant dans une nature sauvage omniprésente, un roman noir d'une tristesse absolue, l'histoire d'un père hanté par son passé qui sombre lentement dans la folie entrainant avec lui toute sa famille. Peu de mots entre les trois personnages, les regards suffisent pour exprimer les sentiments. Un récit porté par une plume d'une grande beauté.
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Le prologue frappe les esprits ...
Un groupe d'hominidés à l'époque préhistorique doit pour survivre et assurer sa descendance trouver de la nourriture et se protéger du froid, naissances , reproductions et morts .
Le lecteur assiste à une émouvante scène de chasse , moment crucial d'initiation d'un jeune garçon guidé par son père .

Quelques siècles plus tard ...
Le fils, dont on ne connaitra pas le prénom, jeune garçon de 9 ans vit seul avec sa mère, leur relation est fusionnelle et l'enfant mène une existence tranquille et heureuse.
Un jour , en rentrant de l'école, un homme attend devant le portillon de la maison, c'est le père, parti depuis 6 ans .
L'enfant n'a pas vraiment de souvenirs de lui mais comprend vite que sa vie va changer radicalement.
Sa mère et lui sont loin d'imaginer que 3 semaines plus tard, le père va les emmener dans une masure à moitié en ruines , isolée dans la montagne . C'est là qu'il a vécu avec son père, un homme devenu irascible après la perte de sa femme et un accident qui l'a rendu infirme.

Si le fils découvre avec joie, émerveillement souvent mêlée d'appréhension , sa nouvelle liberté dans ce coin de montagne sauvage qui lui réserve des rencontres étonnantes, la cohabitation avec l'homme est difficile et il voit bien la peur que l'homme inspire à sa mère .

L'histoire fait des allers-retours entre la nouvelle vie dans ce coin paumé, les semaines qui ont suivi le retour du père puis, en fin du roman les événements bien antérieurs qui ont marqué la vie de l'homme et de son père.

Une histoire de transmission entre père et fils qui entraine la question de la reproductibilité de la violence : terrible constat dont on ne pourrait échapper et qui bien souvent est une réalité ou émergence d'une autre conscience , forgée par l'amour maternel , par la fréquentation d'autres hommes et qui vient casser le cercle vicieux ?

L'écriture de Jean Baptiste del Amo , que je ne connaissais pas est saisissante aussi bien dans la profondeur des sentiments ou de ce qu'il suggère que dans la description de la montagne à la fois source de bonheur et de drame .
En peu de mots il réussit à créer une ambiance pesante où l'on sait que d'une façon ou d'une autre cela va mal finir , on est bien éloigné de la "filgoude "littérature !

J'avais évité de lire Règne animal et au vu de la perturbation que cette lecture ci a déclenché chez moi, je vais continuer de m'abstenir , cette histoire va me poursuivre longtemps je pense ...
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Une voiture la nuit.
Dedans, le père, la mère, l'enfant.
Peu de paroles échangées, des regards oui. Celui enveloppant, attentif et doux de la mère sur l'enfant, celui de l'enfant cherchant le réconfort, la sécurité dans celui de la mère.
L'enfant a neuf ans. Il connait à peine cet homme qui a resurgi dans leur vie 3 semaines plus tôt après 6 ans d'absence, cet homme qui les embarque pour aller aux Roches, une baraque dans la montagne à moitié retapée, ou plutôt rafistolée.
S'installe alors un huis clos très vite étouffant où les seules bouffées d'air sont les expéditions que l'enfant effectue autour de la maison chaque jour un peu plus loin dans une nature elle-même souvent oppressante. Prairies, ruisseaux, bois et forêt, forêt sombre, humide qui semble elle aussi présenter une menace.
Car menace il y a. L'enfant le sait, l'enfant le sent. L'attitude rétive de la mère le lui fait savoir. Les gestes brusques du père le lui confirment. Cet homme ne marche pas, il piétine. Cet homme ne ferme pas une porte, il la claque. Son rire est presque un cri.
J'ai adoré ce nouveau roman de JB del Amo.
J'ai aimé comment en quelques mots il nous transmet l'amour et la confiance que se portent la mère et l'enfant, la folie grondante du père.
J'ai aimé la référence au tableau de Wyeth" le monde de Christina". La vision de cette femme assise dans un pré de dos, le corps tendu désespérément vers une maison au loin permet de comprendre les désillusions et le tourment de la mère.
Il a construit une ambiance pesante d'emblée qui devient vite asphyxiante.
La tension croissante m'est devenue presque insoutenable dans les dernières pages.
« le fils de l'homme » , une allusion aux premiers hommes, un titre quasi biblique… une réussite absolue.
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Au risque de me répéter, Jean-Baptiste del Amo est l'une des plus belles plumes de notre littérature nationale et le fils de l'homme m'en a encore apporté la preuve.
Une justesse d'écriture et une richesse de vocabulaire incroyable, pour un roman à la limite du noir.
Qui est-il, ce fils ?
À part son âge et qu'il vit avec sa mère, on ne sait rien de lui.
Et l'homme, d'où vient-il, lui que l'on semblait avoir oublié ?
On en sait pas plus, on va juste apprendre à le connaître au fil des pages, son passé, son présent et l'avenir qu'il envisage pour les siens.
Un fils, une mère et... un père.
C'est ce trio anonyme que nous invite à suivre l'auteur, dans ce coin perdu, lui aussi sans nom, au coeur d'une forêt, au milieu des montagnes.
Le lecteur est observateur, curieux.
Il y a peu de paroles entre ces trois-là.
Tout est dans l'attitude, dans les regards, dans les gestes, tout ce que sait si bien décrire le romancier.
C'est lent, on ne sait pas où l'on va, on se doute bien qu'à un moment, tout va basculer, la tension est palpable.
Si j'osais (et là, j'avoue que c'est osé) une métaphore, je repense à la fameuse scène d'ouverture d'Il était une fois dans l'Ouest, tous ces personnages qui s'observent, la caméra qui passe d'un visage à l'autre...
Ici, bien sûr, nous ne sommes pas dans un film et encore moins un western, mais c'est cette image qui me vient quand je repense à ces trois personnages.
Malgré les mains qui caressent, les bras qui enlacent, les bouches qui embrassent, il y de la méfiance,  de la défiance, même.
Pourquoi sont-ils là ?
Del Amo va nous le révéler par petites doses et nous offrir un final.... qui m'a laissé sans voix.
Coup de coeur pour ce roman de la rentrée littéraire 2021.
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Del Amo développe un style ne mettant aucun gant pour plonger le lecteur dans la violence, l'âpreté du monde, la noirceur des sentiments qui l'habitent et, semble-t-il, l'apathie de ceux qui, confrontés à ces puissances destructrices, ne montrent que peu de velléité et de volonté à s'extraire de cette brutalité, négation même de leur personne !
Jean-Baptiste del Amo nous avait déjà montré cette furie avec « Règne animal », livre décrivant la violence bouseuse, merdique qui s'abattait sur un monde rural n'arrivant plus à vivre dignement du fruit de son labeur. Comme on était loin alors de la nature champêtre du brave laboureur ou du semeur au geste auguste qui, à midi, s'arrêtaient et ôtaient le chapeau pour prier l'Angelus avant de casser la croûte avec un bout de fromage , de saucisson et une franche goulée de vin du pays !
Ici, la violence de la nature, celle de l'environnement comme celle de l'homme, est rude, toujours présente même si larvée. ‘Elle' et le fils ne peuvent vivre que sur le qui vive ou l'abandon à l'horreur. Et malgré cette violence omniprésente, difficile à digérer, le lecteur suit l'auteur là où il nous entraîne tant sa plume est efficace, précise, évocatrice.
Hors de toute violence mais dans une recherche d'y échapper, ne fusse qu'un moment, je vous laisse découvrir une scène quasi cinématographique, montrant la puissance d'évocation de Jean-Baptiste del Amo.
« Dans la salle de bains, elle ouvre le débit du pommeau de douche, se ravise, ferme la bonde de la baignoire et tourne le robinet pour couvrir le bavardage lointain des hommes.
Elle s'assied sur le rebord du bac, gagnée par une grande lassitude, ses mains posées de chaque côté de ses cuisses sur les carreaux de faïence. Elle reste sans bouger, le regard sur le tapis de bain rose à ses pieds, bercée par le bruit de l'eau qui s'écoule à gros remous, par la vapeur légèrement chlorée qu'elle sent monter derrière elle, se déposer sur les cheveux de sa nuque et embuer la pièce. »
On voit cette scène, on la prendrait bien en photo, à la Hamilton, avec une belle jeune blonde embuée dans un décor pastel … Et l'auteur de poursuivre :
« Elle se déshabille, abandonne ses vêtements au sol, étend ses jambes alourdies, ses bras aux articulations noueuses endolories par les mêmes gestes répétés tout le jour. Elle entre dans le bain fumant … »
En une phrase, la blonde est partie. On a changé de film, on nous a troqué la jeune blonde pour une vieille fatiguée de vivre ! Hé oui, l'auteur excelle dans la description, mieux, la suggestion. On lit, on a le film en tête, on s'y voit, on y croit, totalement et tout bascule. del Amo évoque ses personnages. Il libère quelques particules d'idées ou de faits, nourrit l'imagination du lecteur et lui permet de comprendre, de suivre cette plume du beau au laid, de la quiétude à l'angoisse, de la sérénité à l'horreur. Une invitation à la réflexion sur ce qu'est l'Homme, sur les moteurs de son existence. de quoi, de qui faut-il se dépouiller pour tout simplement ‘Être' ?
Pour nous entraîner à sa suite, Jean-Baptiste del Amo met en scène trois personnages : le fils, dépourvu de prénom comme d'avenir, la mère, enceinte et au passé douloureux qui s'apprête à vivre un présent plus lourd encore, et l'homme, mari qui a disparu longtemps et qui, revenant, s'installe en Maître et Seigneur, reprend la place qui n'était plus la sienne. L'a-t-elle seulement été un jour ?
Ils n'ont pas de nom, ce ne sont que des « il, elle ou lui », sans patronyme pour se reconnaître uniques et dignes d'être ! La violence est, comme les voies du seigneur, impénétrable. On ne peut la comprendre, elle est là sans intention assumée , sans source potentielle de partage, de clarification ou de forces vives.
Et, même si le sujet est lourd, la plume de Jean-Baptiste del Amo nous tient en halène et nous captive jusqu'au bout. La fin nous laissant peut-être sur notre faim… mais dans ce bain d'agression permanente de la vie, une solution peut-elle sortir d'une plume comme un lapin du chapeau ? Peut-être est-ce à nous de fermer le livre et réfléchir pour trouver quelques ébauches de solution permettant de mieux panser le monde.

Lien : https://frconstant.com
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