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sur 275 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Dans ce recueil, on retrouve sous forme de courtes rubriques, des réflexions poétiques et subtiles autour de petites phrases ordinaires. Philippe Delerm en analyse les intentions, conscientes ou non, pas toujours bienveillantes, avec son talent habituel, quelques belles formules, quelques observations judicieuses, laissant la place pour quelques formulations positives, la perfidie laisse parfois la place à quelques épiphanies dont il a l'habitude, chargées de nostalgie ou de tendresse, je ne m'en lasse pas.
Et vous, vous avez eu beau temps ?
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Philippe DELERM maîtrise ce genre littéraire de la courte histoire faisant la courte échelle à ce qui s'apparente à une étude des caractères.

Dans la rue, les transports en commun, en famille ou au travail, bref, partout, il saisit les petites phrases qui émaillent nos conversations, ces expressions qui soulignent les creux, les bosses ou les claques, ceux qui résultent de nos pensées formatées pour parler sans réfléchir, celles que l'on donne ou prend lorsque la vitesse du dit dépasse celle du réfléchi. A chaque fois, Philippe DELERM s'amuse à les mettre en scène. Il construit une dramaturgie qui lui permet d'y déceler, à tort ou à raison, des intentions cachées, des maladresses, des jalousies qui les font naître, les manques d'humour qui nous les font mal prendre.

"Et vous avez eu bon temps ?" est un florilège de ces artifices que l'on glisse dans nos conversations comme les enfants mal élevés le font avec les pétards qu'ils aiment faire exploser dans la boite aux lettres du paisible voisin qui n'en souhaitait pas tant ! C'est frais, acide, parfois cinglant, souvent tendre, toujours quelque peu moqueur.

La perfidie ordinaire des petites phrases, selon DELERM, est un 'instantané littéraire' qui fait du bien, se lit, se savoure par petites tranches, au hasard des moments de lecture volés sur l'agitation quotidienne.
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Il y a quelque chose des petites maximes cinglantes, lucides et désabusées des moralistes du XVIIe et du XVIIIe dans ce dernier Delerm, je pense à La Bruyère décrivant la comédie du courtisan, son hypocrisie légendaire, son amour-propre maladif, ou bien à La Rochefoucauld ou à Chamfort.
Ah, triste nature humaine qui nous conduit à demander, d'un air de ne pas y toucher, au voisin un brin pâlot qui nous raconte ses souvenirs d'été en Bretagne : « Et vous avez eu beau temps ? » Tiens, prends-toi ça dans la tronche, mon ami ! Ça t'a plu malgré les 18 degrés de fin d'après-midi, la petite pluie fine et incessante qui finit par traverser le K.Way et la baignade dans une eau claire et transparente… à 16 degrés ? (Je sais de quoi je parle, croyez-moi, je le vis tous les ans, pour mon plus grand plaisir, na!) Et en plus, pourquoi ne pas ajouter, histoire de l'achever, tandis qu'il vous raconte maintenant son excursion sur l'île d'Ouessant : « Et vous êtes allés à la Pointe ? » (de Pern, bien entendu), sous-entendu, si c'est non, bien sûr, vous avez loupé le plus beau… « La Pointe. On pourrait penser qu'au long du port ou sur la plage on est déjà à une extrémité du territoire. Mais non. Il y a toujours un bout du bout en plus, un ailleurs, un absolu que d'autres maîtrisent surtout pour le plaisir sans égal de vous y avoir précédés. » Ah, « la perfidie ordinaire des petites phrases », celles que l'on prononce comme ça, en passant, sans y toucher, sans même avoir la volonté consciente de titiller son prochain.
Il y a les petites phrases hypocrites qui veulent nous faire passer pour quelqu'un de bien : « Vous étiez avant moi » : regardez comme je suis honnête, « En même temps, je peux comprendre » : espèce de sale hypocrite incapable de se ranger dans un camp, et le fameux « J'dis ça, j'dis rien » qui me ferait tordre le cou à tous ceux qui le prononcent devant moi !, « Nous allons vous laisser » : on serait bien resté une heure de plus mais vous semblez fatigué…oh, fausse bienveillance... ça fait déjà deux heures qu'on s'emmerde avec vous et on n'en peut plus. Aahh ! Quelle horreur, ces petites phrases que l'on sort à tout bout de champ, sans même nous en rendre compte, espèces de tics de langage, de couteau suisse de la parole que l'on tient prêt pour la moindre occasion…
Philippe Delerm a le génie pour observer, décortiquer toutes ces formules de rien du tout qui en disent tant sur nous, ce que nous sommes, il nous tend un miroir, son analyse est toujours très juste : on passe son temps à se dire: oui, c'est exactement ça… on a presque honte de se reconnaître, d'être dévoilé, mis à jour.
Nous retrouvons ici tout ce qui fait l'humain : notre besoin de paraître « Là encore j'en ai perdu ! », nos excuses bidon « Je le lis chez ma coiffeuse », nos angoisses « Passez un texto en arrivant », nos radotages « Ils n'articulent plus maintenant ! » (c'est tellement vrai… et comme en plus je deviens sourde...), nos déclarations pleines d'assurance « Je préfère Gand à Bruges », nos protestations vertueuses et lourdingues contre l'hypocrisie « Moi, je ne sais pas faire » (entendez : moi, je dis les choses, je suis courageux - il ne s'agit pas d'avouer bien entendu qu'on ne sait pas planter un clou ou allumer un ordi car dans ce cas, on se tait!), nos prétéritions « C'est pas pour dire mais... » (et que je lâche tout ce que j'ai à te dire...), nos mensonges « Je faisais onze secondes au cent mètres » (tiens, ça me rappelle quelqu'un...), nos insultes : « Abruti, va ! » (là, on se sent fort dans sa voiture, vitres fermées!), nos platitudes : « Ça pousse et ça vous pousse » : ici, on touche le fond du fond, on a rencontré la nourrice de notre dernier qui a maintenant du poil au menton (le dernier, pas la nourrice!) et l'on n'a vraiment rien de rien à se dire… Heureusement que la petite phrase vole à notre secours !
Il faut lire entre les mots, entre les lignes, savoir écouter la musique de la phrase, cette petite intonation réconfortante, inquiète ou condescendante qui se trouve cachée, là, derrière une petite conjonction de coordination, un petit silence, une interrogation à peine marquée (parce qu'au fond, on connaît la réponse…)
Et Philippe Delerm, ça, il sait faire ! Il a écouté, réécouté, examiné, scruté, mis à nu, disséqué et si bien senti tout ce que l'on met de nous derrière ces petites phrases anodines et ce qu'il en dit est tellement juste ! Et tellement drôle aussi...
Ces petites phrases-clés de notre comédie humaine ont leur place partout, chez le boulanger, dans la rue, chez les amis, chez nous, elles sont destinées à tous ceux qui nous entourent : les enfants, les parents, les voisins, les amis, le patron, le collègue : elles ont quelque chose d'universel. Après la lecture de ce livre, vous ne les entendrez plus de la même façon au point que vous oserez peut-être même à peine les prononcer car ce sera devenu pour vous...« juste insupportable » !
Lien : http://lireaulit.blogspot.fr/
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PHILIPPE DELERM, CISELEUR DE LA LANGUE FRANÇAISE, continue de nous régaler avec ses « instantanés de la langue » dans lesquels il reprend et décortique les petits mots et phrases que nous disons tous les jours sans en saisir complètement la portée. Je vous cite quelques délicieux passages :
-« Et, vous avez eu beau temps ? » : ce « Et », deux lettres faussement serviles, obséquieuses tartuffes.
-« Renvoyé de partout », déclaration d'insoumission absolue.
-« je le lis chez ma coiffeuse » en parlant des journaux people, alors que, intellectuel critique, on lit ostensiblement le Canard Enchaîné chaque mercredi dans le métro.
-« Je me suis permis… » phrase obséquieuse voire perverse soulignant la délicatesse de l'attention d'un commerçant qui rajoute un morceau de fromage au panier de la ménagère.
-« Et tu n'as rien senti venir ? » question malheureuse posée à l'un des membres d'un couple qui annonce sa séparation.
-« Il faudrait les noter », que l'on dit à chaque bon mot d'un enfant sans toutefois le noter quelque part.
-« Ça, c'était l'été 76 ou 98 ! », repère que tout un chacun a en fonction d'un été torride, de la victoire de l'équipe de France en coupe du monde, l'entrée en 6e de l'un de ses enfants, un voyage en Argentine.
-« Tais-toi, tu vas dire des bêtises ! », suivi d'un petit temps de latence qui va annoncer quelque chose d'important.
-« Ça c'est pas pour nous ! », nostalgie d'un monde qui a précédé celui où l'on voit à Venise des enfants de la mafia russe sortir du Danieli en tongs et bermuda.
Etc, etc… un régal à déguster avec une gorgée de bière!
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J'ai participé à la rencontre avec Philippe Delerm organisée par Babelio le 31 janvier 2018 et j'en suis enchantée.
Avec "Et vous avez eu beau temps? La perfidie des petites phrases ordinaires" il propose son 9ème recueil de textes courts à partir d'expressions cueillies au vol dans la rue ou à la télévision, dans un lieu public ou privé ou bien des mots d'enfants ou de grands.
Comme il le dit c'est un genre qui s'impose difficilement par rapport au roman. Livre de non fiction, il prouve que l'on peut s'évader avec le réel. Car ce qui intéresse Philippe Delerm c'est la vraie vie, celle des vrais gens et il a la chance d'être spectateur de cette vie de ses lieux d'observation privilégiés, Paris et la Normandie.
Et je suis toujours en total harmonie avec ses propos qui montrent que rien n'est banal. Je donnerai une mention spéciale à Et tu n'as rien vu venir? et En même temps, je peux comprendre ou encore Pour être tout à fait honnête avec toi. Mais tous les textes m'ont fait sourire parce que je me suis identifiée. D'ailleurs j'entends la perfidie comme une certaine malignité.
J'ai appris que Rémi Bertrand avait écrit un essai sur "Philippe Delerm et le minimalisme positif" montrant le quotidien comme espace d'accomplissement, révélant l'intensité de chaque instant vécu. J'apprécie cette sensibilité.

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Le sous-titre est : La perfidie ordinaire des petites phrases. (Déjà absolument réjouissant)



Est-on sûr de la bienveillance apparente qui entoure la traditionnelle question de fin d'été : " Et... vous avez eu beau temps ? " Surtout quand notre teint pâlichon trahit sans nul doute quinze jours de pluie à Gérardmer...

Aux malotrus qui nous prennent de court avec leur " On peut peut-être se tutoyer ? ", qu'est-il permis de répondre vraiment ?

À la ville comme au village, Philippe Delerm écoute et regarde la comédie humaine, pour glaner toutes ces petites phrases faussement ordinaires, et révéler ce qu'elles cachent de perfidie ou d'hypocrisie.

Mais en y glissant également quelques-unes plus douces, des phrases de ses grands-parents : Prends quelque-chose pour toi, Ça n'ira pas plus bas... des phrases dites en Normandie..

Je ve veux pas dévoiler toutes les petites phrases, car chacune est une gourmandise, mise dans son contexte, rappelant des souvenirs, nous faisant nous exclamer intérieurement : "Ah, moi aussi "!!

70 expressions, petites phrases, douces, perfides, ou énervantes. Un régal !

Et vous avez eu beau temps ? -Philippe Delerm, Collection le goût des mots chez les éditions Points, 160 pages, février 2019, 6,90€


Lien : https://melieetleslivres.wor..
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A garder sur sa table de chevet pour se délecter de la relecture d'un chapitre avant de s'endormir.
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Séries de réflexions sur les phrases du quotidien. Langage ciselé; bien écrit et agréable à lire.
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L'humain caché derrière les mots, bien observé.
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J'ai toujours adoré Philippe Delerm; dans la première gorgée de bière, il nous écrit avec détails ce qu'était celle-ci et dans avez-vous eu beau temps? ou encore je me suis permise, il dissèque les sentiments des gens à travers certaines phrases uniques en leur genre. Un grand bravo!
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